Voix suave d’ingénue libertine et regard de braise étincelant, cette Franco-Tunisienne-là n’est pas sortie du harem musical d’Amina ou des terres easy-listening de Bertrand Burgalat. Samia Farah est une chanteuse reggae-soul comme on n’imagine plus que cela puisse encore se faire, et dans une langue française épurée, comme personne de sa génération n’ose encore le […]
Voix suave d’ingénue libertine et regard de braise étincelant, cette Franco-Tunisienne-là n’est pas sortie du harem musical d’Amina ou des terres easy-listening de Bertrand Burgalat. Samia Farah est une chanteuse reggae-soul comme on n’imagine plus que cela puisse encore se faire, et dans une langue française épurée, comme personne de sa génération n’ose encore le faire : « Je me méfie de la poudre qui éblouit les yeux/Des chiens qui aboient plus que de ceux qui mordent/Je ne doute pas de mon ennemi quand je sais ce qu’il vaut/Je me méfie un peu trop c’est là le meilleur de mes défauts. » Nonchalante dans ce presque concept-album au goût de néoblues existentiel, Samia Farah nous trouble. Confusion des sentiments et des genres, du fond avec la forme, Samia Farah a aussi des gimmicks propres à la variété française qu’elle balance avec un naturel tout simplement déconcertant, mais efficace et très attachant.
Délicatesse, grâce et dépouillement se retrouvent dans ses mélancolies ambiguës et ses mélodies ambivalentes. Pas de discours dans ses chansons, juste des mots simples qui font surgir des sentiments complexes servis par une voix chaude et des vrais instruments pour l’envelopper, dans une de ces ambiances dites trip-hop, faute de mieux. Au diable les étiquettes : ce premier album fait du bien par où il passe, c’est tout. Les cordes vocales de Samia Farah sont les choses les plus sensuelles qu’il nous ait été donné d’entendre depuis Neneh Cherry. Revenue du rap, cette chanteuse inattendue revisite à sa manière le reggae, le R&B et la chanson réaliste française, avec l’envie furieuse de faire éclater tous les cloisonnements et les étiquetages trop rapides, qui empêchent aujourd’hui les jeunes artistes issus de nos banlieues métisses de faire leur propre musique en dehors des formats imposés.
Réussi et définitivement inclassable, l’album de Samia Farah est drôle et tendre, triste et gai, minimaliste pas cheap, pas carré. Intemporel et tout à fait neuf.
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