Tout le monde se souvient de cette version pour le moins inattendue de Ne me quitte pas, qui circulait sur les ondes voici dix ans. Exilée des brumes de Flandres, la célèbre complainte de Jacques Brel venait réchauffer sa détresse au soleil d’une musique parmi les plus torrides au monde : la salsa. Pendant tout […]
Tout le monde se souvient de cette version pour le moins inattendue de Ne me quitte pas, qui circulait sur les ondes voici dix ans. Exilée des brumes de Flandres, la célèbre complainte de Jacques Brel venait réchauffer sa détresse au soleil d’une musique parmi les plus torrides au monde : la salsa. Pendant tout un été, la France entière prit plaisir à confirmer son goût pour le tragique conjugal en épousant une chorégraphie tropicale en pleine effusion sensuelle. Personne n’a pu oublier non plus l’interprète de cette bizarrerie. Son prénom lui vient du premier ange de l’espace. Et son nom, bien que d’emprunt, le prédestinait aux heureuses aventures : Yuri Buenaventura.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Depuis, la fièvre latine est un tantinet retombée. Le monde a moins la tête à faire la fête. Mais l’artiste, lui, a mûri, comme nous le prouve son nouvel album, Salsa dura, dont le titre semble vouloir soumettre l’essence festive de cette musique au principe de réalité de notre époque. Quand bien même la mode latino serait passée, il s’agit de son disque le plus réussi. Et du meilleur prétexte pour revenir sur l’étonnant parcours qu’il lui aura fallu accomplir pour le réaliser.
Cet album, Yuri l’a voulu comme le reflet d’une musique échappant aux clichés dont lui-même est aujourd’hui victime, d’une musique restaurée dans la plénitude de ses attributs, ceux ravageurs de Siboney, avec sa guirlande en lamelles de cuivres tranchantes, ceux tragiques du très beau Plazos Traicioneros.
Il lui accorde aussi le droit de traiter de politique avec Oro negro, référence à l’or noir d’Irak, et d’histoire avec Patrice Lumumba. 3046 ? nombre de personnes kidnappées en Colombie ? ne déjoue pas seulement les clichés, elle nique aussi les statistiques. Ecrit pour Ingrid Betancourt, le texte est une lettre d’amour d’une telle sincérité que la chanson humanise cette absence comme rarement. Je ne voudrais pas que l’on ne retienne de la salsa que son côté festif et sensuel, en oubliant qu’il s’agit aussi d’une force libératrice , insiste le petit Colombien, si convaincu d’être un usurpateur qu’il en est devenu prodige. Mais la fête n’est-elle pas toujours l’expression d’une libération ?
{"type":"Banniere-Basse"}