Les Américains de Salem jouent un rock électronique sale, noir, défoncé et malade. Bon pour l’époque : analyse de JD Beauvallet et écoute de l’album.
Des expérimentations denses, indansables et insondables de la branche dure du dubstep aux recherches implosives des Anglais de Wu Lyf, des hybrides désolés de These New Puritans aux grooves carbonisés de jj, 2010 s’est souvent jouée dans des laboratoires, à l’abri de la lumière, du mainstream, de la futilité : musique grave pour période trouble.
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The XX avait donné le ton en 2009. Mais personne n’est sans doute allé aussi loin que les Américains de Salem et leur rock cabalistique, maudit, sublime. A un touriste pressé qui demanderait une description expéditive de cette musique malade, on ne saurait répondre : elle se joue trop loin, trop haut pour être résumée à quelques clichés, limitée à quelques influences, raccordée de force à une quelconque scène. Acid-rock, kraut, ambient, electronica, hip-hop, doom metal… C’est aux confins de ces territoires désertés par l’homme, hostiles et flous, que se joue leur musique sans visage.
Dans le Michigan, Salem vient de la ville de Traverse, et ce sont ces chemins de traverse qu’empruntent leurs chansons mantra obsédantes. Cette musique de survivant d’un désastre, retournée à l’état sauvage, est source d’effroi, de froid et de joie : pour se faire peur et du bien, il faut écouter le single Asia, le genre d’incantation électronique dérangeante et pourtant bienfaitrice que l’on pensait réservée à Aphex Twin.
Confirmant la grande confusion, l’immense sacrilège de cette beauté ingrate, leurs mixtapes, fameuses, fondent dans le même brasier purificateur le rappeur Gucci Mane et les Beach Boys, le Velvet et des hymnes massacrés de rave. Ils reprennent aussi Streets of Philadelphia de Springsteen : ville fantôme, nettoyée de toute humanité, rendue au vent et au néant. Salem n’aime pas les hommes.
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