Russell Simmons est une figure emblématique du hip-hop : c’est lui qui a cofondé avec Rick Rubin le légendaire label Def Jam qui a fait éclore des talents tels que les Beastie Boys ou Public Enemy. Bien loin des délires clinquants et gangstas inhérents à l’imaginaire et aux codes du rapgame, le magnat fait aujourd’hui dans l’altruisme. Comment ? En prônant le dialogue entre les peuples.
Un magnat du rapgame
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Russell Simmons est rentré dans l’histoire de la musique moderne en cofondant aux côtés de Rick Rubin le label Def Jam en 1983, au moment où le hip hop était en pleine ébullition. Son flair imparable lui a permis de signer des groupes qui sont depuis rentrés dans la légende : LL Cool J, qui sera leur premier poulain, Run DMC, Public Enemy ( sans doute le premier groupe de rap « mainstream » politique), ou encore les Beastie Boys.
Oser signer trois gringalets, blancs et juifs, aussi doués soient-ils, sur un label qui misait beaucoup sur sa streetcred était déjà la preuve d’une certaine ouverture d’esprit.
En 1999, quelques années après le départ de Rick Rubin du label, il vend ses parts à Universal pour 100 millions de dollars, non sans avoir diversifié la marque avec Def Comedy Jam et Def Poetry Jam et All Def Digital. Cinq ans plus tard il vend sa marque de fringue Phat Farm pour 140 millions de dollars. Autant dire que l’homme sait négocier.
A l’aube de la soixantaine, il pourrait tranquillement compter ses billets dans une villa cossue de Beverly Hills mais le magnat de la musique préfère mettre à profit son temps et son bagou pour de nobles causes.
Selon Russell Simmons la célébrité est une arme extrêmement importante qu’il faut savoir manier pour provoquer des changements sociaux. Dans une interview pour Variety il revient sur un tweet de Justin Bieber en 2013 qui, après avoir assisté à une conférence sur le besoin d’une réforme carcérale aux US par le biais de Simmons, avait appelé la justice américaine à agir. Selon lui, malgré tout le lobbying effectué par des associations et d’autres célébrités, ce serait ce tweet de Bieber qui aurait réellement provoqué un changement, grâce à sa gigantesque portée médiatique.
Ce cheminement peut légitimement paraître déprimant, mais il démontre néanmoins que les célébrités, à l’heure du tout à l’égo et des réseaux sociaux, peuvent changer la donne.
Philanthrope, Simmons œuvre pour l’écologie, les droits sociaux, la communauté LGBT mais l’un de ses combats paraît particulièrement salutaire en cette période si sombre.
Une action qui transcende l’idée du « charity business »
L’une des grandes actions menées par Russell Simmons est plus méconnue que son travail au sein de Def Jam mais n’en n’est pas moins belle. Aux côtés du rabbin américain Marc Schneier il est à la tête de la Foundation for Ethnic Understanding. Les deux hommes se sont rencontrés au début des années 90 lorsque Simmons a entendu parler du travail effectué par la fondation du rabbin qui vise à créer du dialogue entre les communautés juives, musulmanes et afro-américaines. Ravi par cette initiative il a très vite proposé de devenir le secrétaire général de l’ONG (il en est aujourd’hui le président). Ensemble ils se sont rendus en Israel en 2012 pour organiser une rencontre au sommet entre Yona Metzger, le grand rabbin ashkénaze d’Israel et le grand mufti de Jerusalem Muhammad Ahmad Hussein. Un dialogue qui a bel et bien eu lieu, alors que tout le monde le pensait impossible.
Ce genre de rencontres entre différentes communautés ont régulièrement lieu aux Etats-Unis dans le cadre d’un programme initié par la Foundation for Ethnic Understanding dont le slogan est « We refuse to be enemies ».
Cette cause très honorable- et que certains cyniques verront comme « bisounours » -du magnat de la musique en a surpris plus d’un dans le monde du hip-hop, mais du côté de la communauté juive, certains sourcils se sont aussi haussés.
Comment le rabbin Marc Schneier peut-il fréquenter un proche de Louis Farrakhan, le très controversé leader de la Nation de Islam, à qui l’on doit quelques belles saillies antisémites (il avait entre autres affirmé que les juifs étaient responsables de l’esclavage des noirs aux Etats-Unis) ?
Quand on le questionne sur le sujet, Simmons préfère balayer ça de la main et se concentrer sur les aspects positifs de rencontres improbables entre leaders religieux, comme celle qui avait eu lieu en 1995 entre Farrakhan et Schneier à la suite de la Million Man March. Selon Simmons, au lendemain de cette rencontre Farrakhan aurait cité les paroles du rabbin « plus de 20 fois » lors d’une conférence sur le hip hop où se trouvaient Will Smith et Puff Daddy.
»C’est enregistré, c’est sur cassette. Je ne l’oublierai jamais. Un petit meeting et Farrakhan cite un rabbin en boucle ! » a-t-il déclaré à Variety.
En tant qu’entrepreneur et businessman de génie, Russell Simmons manie sans doute mieux que quiconque l’art de la tchatche et de l’esbrouffe, mais sur ce coup là on a envie de le croire, et on a envie d’y croire.
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