Les rappeurs Killer Mike et El-P livrent un second album sidérant. En concert à Paris. Critique et écoute.
Coups de pioche dans la gueule, baffles en lambeaux et cadavres partout, l’effrayant RTJ2 reprend la torture où son prédécesseur l’avait laissée. Tout le monde est mauvais et tout le monde en rajoute, nous courons à notre perte avec un sourire cynique : aux coups de lattes sur le groin de gouvernements corrompus répondent ainsi les contes odieux de ces femmes enceintes auxquelles l’auteur vend de l’héroïne, (dé)troussant les gouaches d’une humanité en haillons, rongée de brutalités, de corruption et de vices. L’oralité anguleuse d’El-P et la colère sèche de Killer Mike bornent ce cosmos flippant cerné par les pièges d’une production claustrophobe et assommante qui rend palpable le choc, la violence et la paranoïa ; un paysage noir, dense, froid.
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Les rares mélodies se planquent, abîmées, étourdies par les breaks hérissés de clous qui ceinturent ce spectacle total où la violence musicale le dispute au sinistre verbal – “murder, mayhem and melodic music” (crimes, chaos et mélodies). Mais la beauté ne réside pas tant dans les hurlements et les pleurs que dans la capacité des deux démons à les rendre immédiats, entraînants – parfois même drôles. A force d’hyperboles et de flows bouncy, les deux MC font danser le chaos, tournoyer le malin sur un goulot de Roederer, rendant par endroits leur prose surréelle, presque cartoonesque (“Je t’envoie rebondir sur le cul au milieu d’un champ de bites”). Il a fallu attendre décembre mais on tient un des meilleurs disques de 2014, vulgaire et phallique, aventureux et cohérent, catchy et sensé.
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