Beaucoup de choses me sont arrivées cette année, mais après que j’ai travaillé dur pour les obtenir. Quand tout a vraiment commencé pour moi, j’étais donc très content, mais aussi un peu fatigué. Jouer à Paris fut l’un des plus grands moments. J’y étais déjà venu mais en touriste, et je rêvais d’y jouer, d’être […]
Beaucoup de choses me sont arrivées cette année, mais après que j’ai travaillé dur pour les obtenir. Quand tout a vraiment commencé pour moi, j’étais donc très content, mais aussi un peu fatigué. Jouer à Paris fut l’un des plus grands moments. J’y étais déjà venu mais en touriste, et je rêvais d’y jouer, d’être emporté par la foule dans les rues, porté sur des épaules. Ce n’est pas encore arrivé, mais cela s’en approchait. Ce fut un vrai triomphe parce qu’au départ, ma maison de disques ne voulait pas sortir l’album, ne voulait pas le travailler : il a fallu pas mal d’efforts des gens des médias et des amateurs de musique pour qu’il sorte. Ce fut très drôle quand c’est arrivé. La veille du concert parisien, certaines personnes de ma maison de disques me traitaient assez mal, presque comme un chien. Juste après le show, ils étaient prostrés, me baisaient les pieds, c’était plutôt amusant. C’est jouissif de voir les gens de cette industrie sous mon contrôle…
J’ai aussi aimé jouer au Japon : c’est l’une des premières fois où j’ai ressenti que ce n’était pas mal d’être un Américain. Là-bas, il se passe tellement de choses, leur culture est tellement établie qu’être américain, ou en tout cas de culture américaine, ne signifie rien. Et j’aime ça. Pendant un concert, je me suis même fait attraper et ravager par une douzaine de petites Japonaises : c’était très intéressant. En général, ailleurs, ce sont des excités punk-rock qui font ça. J’ai aussi adoré jouer à Vienne, dans la ville où Schubert est né : ce sont de petits plaisirs qui comptent. Londres est par contre un mauvais souvenir. Tous les gens de l’équipe technique du club étaient complètement drogués, notamment le gars qui faisait les lumières : quand j’ai commencé ma chanson, il y avait trente mille lumières sur moi, une vraie discothèque.
Ma plus grande joie maintenant, c’est quand je suis à la maison et que je vois mes parents. Avant, je voulais toujours être dehors ou en voyage, et maintenant que je peux le faire, j’apprécie la beauté de ne rien faire et de passer un peu de temps avec ma mère. Mes parents sont très fiers de moi, mon père est un peu jaloux parfois. Mais ce n’est pas vraiment de sa faute, il est jaloux de tout le monde.
J’ai mis deux ans à faire mon album, donc quand il est sorti, ça ne m’a pas fait grand-chose : je l’entendais depuis trop longtemps, pour moi c’était comme s’il était déjà sorti. Cet album se laisse apprivoiser doucement, il ne frappe pas immédiatement : l’impact a donc été progressif, tout est en train de se passer maintenant. Quand j’ai commencé à l’enregistrer, je pensais que c’était normal d’y consacrer beaucoup d’argent. On en a dépensé énormément, même si ce n’était pas comme Titanic. Moi je me disais « plus je dépense d’argent, plus la maison de disques voudra que je sois populaire et que je travaille. » Et maintenant j’ai l’impression qu’il faut que je la rembourse, pas avec de l’argent mais avec mon sang. Si je devais le refaire, ce serait avec moins de moyens. J’ai adoré la journée en studio avec l’orchestre qui jouait mes chansons : c’était dans le studio où Frank Sinatra a fait plein d’enregistrements, Judy Garland également, c’était fantastique, tellement hollywoodien…
Quand je suis arrivé à Los Angeles pour faire l’album, j’ai immédiatement pensé que j’étais une star. On m’a loué une voiture pour deux ans, payé mon loyer et donné de l’argent, j’ai pris des habitudes. Ça m’a un peu choqué qu’on m’enlève tout ça quand l’album est sorti et qu’il n’a pas marché immédiatement. Je me suis senti comme un drogué en manque. Je pensais que les choses iraient plus vite, j’imaginais des limousines, trente personnes qui me suivent tout le temps, comme Marylin Monroe. L’année prochaine, j’essaierai d’être plus frugal, plus moine, d’avoir moins de besoins. Mais je ne pense pas que ça se passera ainsi : il suffit que je mette la main à mon porte-monnaie pour voir les choses différemment.
La seule résolution que j’ai tenue, c’est le test du sida. Je ne l’avais jamais fait avant et, heureusement, le résultat était négatif. J’ai fait quelques progrès personnels cette année. Ce sont des progrès très physiques, je suis très concentré, je peux faire plein de choses, je suis devenu très flexible. Mais j’ai mis le spirituel en veilleuse. C’est très difficile de penser au spirituel quand on travaille sur un projet concret, il faut parfois avoir des oeillères pour y arriver, comme un cheval. Et c’est ce que j’ai fait cette année. Je me suis sacrifié. J’ai sacrifié ma vie sentimentale, ma santé, parce que j’ai énormément voyagé. J’aurais bien aimé vivre quelque chose que je n’ai pas vécu, une bonne relation avec un garçon. L’amour, l’amour, l’amour… C’est tout ce dont j’ai besoin maintenant.
Propos recueillis par Anne-Claire Norot
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