Pour fêter sa reformation, le duo américain Royal Trux ressort ses guitares débraillées et ce son rugueux qui n’a pas pris une ride.
Entre la fin des années 1980 et le début des années 2000, Royal Trux a incarné un fantasme rock’n’roll : un couple au mode de vie destroy, aussi charismatique que déglingué, sortant des albums abrasifs, à peine produits. Chez Jennifer Herrema et Neil Hagerty, le niveau de virtuosité technique et le coffre vocal n’ont aucune importance, c’est l’authenticité qui prime. Le duo a eu beau séduire le monde de la mode (en particulier Calvin Klein et Hedi Slimane), il n’est jamais rentré dans le rang. La fin de leur relation mit un terme à Royal Trux, mais d’autres groupes ont tenté de se hisser sur ce trône laissé vacant, des Kills à Ariel Pink.
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Fidèle à soi-même
Après une bonne dizaine d’années d’absence, Royal Trux s’est reformé en 2015 pour une série de concerts. Jennifer Herrema nous raconte cette expérience : “Je n’ai jamais arrêté de jouer en live, ni de sortir de nouveaux albums avec RTX et Black Bananas. Ce qui m’a surtout emballée c’était de rejouer avec Neil nos anciennes chansons. J’ai trouvé que ces paroles et ces mélodies étaient encore pertinentes pour nous aujourd’hui.”
Cet enthousiasme les pousse à enfin écrire le dixième album de Royal Trux, qui sort pratiquement deux décennies après le précédent. “Neil et moi avions évoqué l’idée de composer et d’enregistrer des nouveaux morceaux après notre tournée européenne de 2017, explique Jennifer. Mais on n’a pas eu envie de se précipiter pour concrétiser ce projet. Ça s’est mis en route grâce à un concours de circonstances et on a laissé cet élan nous guider.” On lui demande dans quel état d’esprit ils ont enregistré : “Défoncés et débordés.” Le duo reste fidèle à sa réputation.
« Le théâtre de nos vies »
Excepté une incartade hip-hop un peu incongrue sur Get Used to This, on retrouve les expérimentations noisy, les voix rêches, la production joyeusement chaotique et le son à la fois rugueux et explosif qui ont toujours été la marque de fabrique du groupe.
“Je dirais que c’est beaucoup plus qu’un projet musical pour nous, poursuit la chanteuse. Je comparerais ça à une philosophie personnelle, basée sur certaines idées qu’on combine pour créer. En élaborant notre propre vision du monde alors que nous étions si jeunes, on a préparé le terrain sur lequel pourrait se dérouler le théâtre de nos vies.”
Le groupe Royal Trux ne fait pas semblant. Leurs déboires narcotiques ou judiciaires n’ont jamais remis en question leurs valeurs.
Brut et dangereux
Cette continuité dans le ton donne l’impression qu’à peine quelques mois se sont écoulés entre aujourd’hui et leur précédent album studio, Pound for Pound, pourtant sorti en 2000 – difficile de dater, par exemple, les jubilatoires White Stuff et Purple Audacity #2, à contre-courant du rock trop souvent lustré des années 2010. Jennifer aura le dernier mot : “Ça n’a rien à voir avec le son. Quand c’est un choix conscient, ça ne fonctionne pas. On est brut et dangereux, ou on ne l’est pas.”
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