Fêté sans répit par sa meute de disciples, Roxy Music, légende anglaise des seventies à paillettes, joue à Rock en Seine pour sa première escale française depuis sa reformation en 2001. Histoire.
Au bonheur d’apprendre qu’enfin Roxy Music allait faire escale en France, où ses diverses tournées jubilées depuis 2001 ne l’ont jamais mené, est aussitôt venue se greffer une interrogation : de quel “Roxy” et de quel “Music” parle-t-on ? Des zazous glam débarqués en 1972 en pantalons léopard et coiffures fifties, de leur néo-pop convulsive et triviale, traversée par les éclairs free du saxophone d’Andy Mackay ? Des croupiers de casino de 1982, glissant sur les velours cossus de la voix de Bryan Ferry et du saxophone désormais domestiqué d’Andy Mackay ?
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S’agit-il du groupe le plus vibrant au monde, celui de Virginia Plain, de Do the Strand, de Mother of Pearl ou de Love Is the Drug, ou bien de celui de la semi-retraite d’Avalon et ses couchers de soleil pour milliardaires ? Roxy Music fête cette année ses 40 ans – le groupe s’est formé en 1970 – mais sa période d’activité réelle n’aura duré que onze ans, de 1972 à 1983, avec un trou de trois ans au milieu, entre 1976 et 1979.
Leur butin, au final, tient en seulement huit albums studio, dont les quatre premiers sont d’insubmersibles chefs-d’oeuvre qui ne cessent de gagner en substance et en pertinence avec l’âge, et les quatre autres juste d’honnêtes productions en phase avec leur époque – et donc un peu démodées. L’hypothétique neuvième album, annoncé depuis une dizaine d’années, a sans doute autant de chances de voir le jour que Bryan Ferry d’être pris en flag avec Michèle Bernier dans un Buffalo Grill du Nord-Pas-de-Calais. Et c’est plus volontiers dans le futur Olympia de Ferry en solo (lire ci-dessous) que l’on aura le juste aperçu d’une version 2010 de Roxy Music – avec Brian Eno en prime.
En attendant, Ferry, Andy Mackay et Phil Manzanera, trois seuls membres du Roxy originel encore dans la course, s’amusent avec leurs audaces d’antan sur cette tournée au long cours baptisée For Your Pleasure, du nom du deuxième album du groupe, élégant euphémisme pour signifier qu’il s’agit d’un best-of en relief. Dans les vidéos récentes que l’on peut trouver sur internet, on découvre un groupe de quinquas maîtrisant honorablement son affaire et son répertoire cinq étoiles, n’insultant pas trop sa légende comme tant d’autres “reformés” fiscaux. C’est déjà ça.
On aperçoit aussi en arrièreplan des projections façon kaléïdoscope des images, cover-girls, logos et graphismes divers qui ont fait de Roxy une sorte d’antenne grand public du pop art anglais, nourrie aux écoles d’art et particulièrement aux préceptes du mentor Richard Hamilton, dont Bryan Ferry fut l’un des élèves à l’université de Newcastle dans les années 1960.
Dans son ouvrage Re-Make/Re-Model, paru en 2007, l’écrivain britannique Michael Bracewell substituait à une biographie ordinaire un passionnant travelling arrière sur les années de formation de chacun des membres de Roxy, de 1953 jusqu’à leurs premières étincelles communes. On y devinait entre les lignes ce qui aura produit l’émulsion originelle de ce groupe hors normes, à savoir la rivalité de classe entre ses deux hommes forts : Bryan Ferry et Brian Eno.
D’un côté, un fils de mineur ayant cherché à s’élever socialement à travers l’art ; de l’autre, un aristo – Brian Peter George St. John le Baptiste de la Salle Eno – ayant voulu dévoyer son éducation religieuse et musicale en rejoignant un groupe de rock. Sur les deux premiers albums de Roxy Music – avant qu’Eno ne soit débarqué et poursuive en solitaire la croisière que l’on sait –, ce carambolage entre formes classiques et avantgarde semble comme un jeu entre Bryan, sa banane gominée et son timbre de crooner décadent, et Brian, ses trucs en plumes et ses synthés venus de l’espace.
C’est, entre autres, ce qui rend ce groupe si riche, si parfait, plus encore que la concurrence pourtant élevée des Bowie, T. Rex et autres têtes de gondole du glam-rock. Loin de s’étioler au départ de Brian Eno au cours de l’été 1973, cette noblesse arty du son Roxy va connaître son apogée avec les albums Stranded (1973) et Country Life (1974) et inspirer directement la newwave (XTC, Magazine, les premiers Simple Minds et Ultravox).
L’inégal Siren (1975) et la trilogie que forment Manifesto (1979), Flesh + Blood (1980) et Avalon (1982) – qui comportent chacun des moments fabuleux – auront un peu lustré l’image de Roxy Music, devenu à son corps défendant le groupe ultime du romantisme british aux dents blanches et au regard de braise. Le groupe saxo/sexy aux refrains lubrifiés et aux couplets en satin véritable. Une influence, cette fois moins glorieuse, pour George Michael, Spandau Ballet, ABC, Duran Duran et tous les blaireaux en costume à épaulettes de la décennie 80.
Désormais, bien que Roxy Music ne figure plus depuis longtemps parmi les formations autour desquelles il existe le moindre enjeu, son importance historique et la modernité de son répertoire continuent d’irriguer tout le rock contemporain, y compris en France. On ne doute pas d’ailleurs que les membres de Phoenix, pour ne citer qu’eux, se presseront aux premiers rangs pour les applaudir au parc de Saint-Cloud.
BRYAN FERRY SUR L’OLYMPE
A peine aura-t-il posé ses valises de la tournée For Your Pleasure que Bryan Ferry reprendra sa casquette solo pour un nouvel album à paraître le 25 octobre. Baptisé Olympia, il avance un casting impressionnant avec, entre autres, les Scissor Sisters, Jonny Greenwood (Radiohead), David Gilmour (Pink Floyd) ou Nile Rodgers (Chic), mais surtout avec les autres membres de Roxy, parmi lesquels un certain Brian Eno. On peut déjà entendre le single, You Can Dance, sur son site.
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