Ancien saxophoniste de l’Art Ensemble Of Chicago,
Roscoe Mitchell continue d’être un éternel apprenti. Surdoué.
A l’intérieur du livret de Far Side, disque récemment publié par le label ECM, une photo en noir et blanc montre Roscoe Mitchell : l’allure sobre, cravate à carreaux sur veste sombre, contraste avec les habits chatoyants qu’il arborait jadis, lorsqu’il soignait sa réputation de jazzman impétueux au sein de l’Art Ensemble Of Chicago. Pour revenir brièvement sur la carrière du saxophoniste, on peut avancer ces leçons de musique prises au début des années 60 à Chicago auprès du pianiste Muhal Richard Abrams, ces fanfares dissonantes composées avec ses frères d’Ensemble que sont Lester Bowie, Joseph Jarman, Malachi Favors puis Famoudou Don Moye, et puis ces projets récents de musiques hybrides.
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Roscoe Mitchell, 70 ans, dira plus simplement : “Les souvenirs que je garde de mes premiers enregistrements avec Muhal Richard Abrams et les très chers membres de l’Art Ensemble Of Chicago sont intenses et étincelants. J’estime avoir eu beaucoup de chance d’avoir pu partager ma vie avec eux.” Fidèle de nature, Mitchell enregistrait encore récemment avec Abrams : sur Spectrum, le saxophoniste et le pianiste divaguent d’abord de concert en se servant d’un langage commun qui emprunte aussi bien au jazz qu’à l’improvisation libre ou à la musique contemporaine. Plus loin, ils évoluent en compagnie du baryton Thomas Buckner et d’un Janacek Philharmonic dirigé par Petr Kotik, le temps de deux grandes compositions élevées dans l’ombre.
Le discours musical de Roscoe Mitchell s’est assagi. Mais il a évolué sous les effets d’une curiosité insatiable, qui a porté le musicien à tout entendre, et à faire de chaque découverte une source d’inspiration efficiente : “J’ai toujours écouté toutes sortes de musiques, qui m’ont toutes inspiré. Depuis mes débuts, j’ai eu cette impression d’être un éternel étudiant en musique, qui doit travailler autant l’improvisation que la composition, d’autant que l’une et l’autre s’inspirent mutuellement.”
Sur l’album Far Side, enregistré en 2007, c’est auprès de plus jeunes partenaires que le vétéran va et vient entre improvisation et composition. En octet du nom de The Note Factory – avec le trompettiste Corey Wilkes, les pianistes Craig Taborn et Vijay Iyer, et l’intraitable contrebasse d’Harrison Bankhead –, Roscoe Mitchell prend les commandes d’un vaisseau fantôme à la dérive, avant de défendre un bop classique, puis d’entamer une suite de marches, perturbées sans cesse par la distribution gratuite de solos inspirés.
En d’autres termes, là encore, Roscoe Mitchell invente une oeuvre aux références multiples, passant de saxophones aux flûtes et d’un contemporain affûté au free des grands soirs, avec une aisance qui ne rogne pas sur l’honnêteté de son humilité. Ainsi, lorsqu’on lui demande si sa seule présence pourrait suffire à influer sur le jeu de ses jeunes partenaires, Roscoe Mitchell relativise, en ancêtre élégant : “J’ai toujours ressenti que nous nous inspirions tous. Certains peuvent ensuite éprouver le besoin de ranger cela dans telle ou telle catégorie. Pour ma part, c’est en termes de musique que je vois les choses.”
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