Au terme d’une gestation compliquée, The Coral met au monde la grand album pop de son époque.
Finalement, les Arctic Monkeys sont la meilleure chose qui pouvait arriver à The Coral. Détrônés dans leur quête de décrocher la queue de Mickey du manège épuisant de la pop anglaise, les sept de Liverpool ont pris le temps de mûrir à l’ombre, cessant de jouer à la guerre des boutons pour entrer dans l’âge adulte. Même s’ils ne se sont pas épargné une belle crise de croissance, avec l’éclipse prolongée de leur guitariste Bill Ryder-Jones qui gangrena la dernière tournée et faillit mettre le groupe sur le sable, leur réveil n’en sonne que plus tonitruant. Noel Gallagher est la seconde meilleure chose qui soit arrivé à The Coral. Fan numéro 1, Nono a menacé de leur botter le cul un par un si jamais ils renonçaient à donner un successeur à The Invisible Invasion. Il leur a également offert les clés et la jouissance gracieuse de son studio pour les laisser en paix trouver le souffle nécessaire à la poursuite d’une aventure trop prometteuse pour finir ainsi en quenouilles.
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Loin d’être le disque comateux et sursitaire qu’on pouvait redouter, Roots & Echoes présente au contraire un visage apaisé et conquérant, à l’image d’un premier single vibrant d’harmonies soul – Who’s gonna find me – qui inaugure une belle cavalcade de chansons hautement inspirées mais marquées d’un sceau unique. Pour s’en tenir au seul cadastre musical de Liverpool, on pourrait avancer que The Coral parvient à réconcilier deux courants ennemis du Mersey : le psychédélisme ombrageux de Echo & The Bunnymen et la clarté d’arpège des La’s, les eaux salées des Teardrop Explodes et la source de jouvence des Pale Fountains. C’est surtout qu’ils savent mieux que personne remonter aux cascades originelles de la West Coast américaine, des Doors (Foreflies) à Buffalo Springfield en passant par Bacharach – et retourner au besoin à la matrice Beatles comme en témoigne cet emprunt à peine voilé à Here Comes the Sun sur Jacqueline.
On oubliera très vite ce bagage de références pour trouver dans la seconde moitié de l’album le tiercé de chansons folk les plus émouvantes entendues de longue date – hormis chez les Pernice Brothers. L’écarquillé Not so Lonely, ballade qui possède en son cœur un pont d’or où la flûte fait des volutes à attendrir le kop des Reds tout entier. Le Morriconnien Rebecca you et ton tressage de cordes et de guitares twang en cinémascope. Et surtout Cobwebs, un mid-tempo country qui aurait pu naître des phalanges d’un Lee Hazlewood s’il s’était mis un jour à tripoter les Byrds sur leur perchoir. Un monument de chanson, au milieu du genre d’albums pour lesquels il existe une expression anglaise imparable : a modern classic.
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