Découvert avec le tube Bruxelles arrive, le jeune rappeur Roméo Elvis remet la Belgique dans le game et explose sur scène. Bientôt au festival GéNéRiQ.
Dans la file d’attente qui s’étend de façon vertigineuse à l’extérieur du bar La Notte, près de la place des Lices, à Rennes, la plupart des visages portent encore les traces d’une adolescence boutonneuse et rebelle. Nous sommes le samedi 3 décembre et l’établissement accueille le rappeur belge Roméo Elvis, 24 ans, dans le cadre du festival défricheur Bars en Trans.
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Le constat est sans appel : tout le monde a grandement bien fait de poireauter dans le froid. Roméo Elvis est un dompteur de scène, le genre de type au charisme aussi grand que trois fois la Belgique, qui transforme un bar en sauna en deux ou trois punchlines et un tombé de T-shirt (blanc, forcément). La petite foule collée-serrée saute sur place les bras en l’air et les yeux brillants d’excitation. Nous aussi.
La voix grave caresse un beat qui claque
Comme souvent dans ce genre d’histoire, tout part d’un lien YouTube balancé par une personne de moins de 25 ans au détour d’une conversation Messenger. Au bout de notre clic : Bruxelles arrive, titre sur lequel Roméo Elvis parle de débarquer à Paris “serré dans une caisse” avec ses potes. La voix grave caresse un beat qui claque.
Le clip est aussi efficace : une bande de mecs en T-shirts XXL font les gentils zouaves dans une immense maison perdue en pleine forêt. Roméo Elvis, casquette à l’envers et lunettes de soleil aussi rondes que celles de Lennon, joue avec un joli serpent jaune. Un prêt de son dealer, qui les collectionne, nous racontera-t-il amusé, à Bruxelles, quelques jours après Bars en Trans. La baraque, elle, appartient à une connaissance d’une connaissance qui a découvert des pièces en la leur faisant visiter. Bilan : plus d’un million de vues.
Bruxelles arrive illustre parfaitement le mélange de premier et de second degré dont il a fait sa marque de fabrique
En sus d’être un “banger”, un “turn up” (deux termes utilisés dans le hip-hop pour désigner des morceaux ultra-efficaces) comme Roméo Elvis l’affirme lui-même, Bruxelles arrive illustre parfaitement le mélange de premier et de second degré dont il a fait sa marque de fabrique. Comment ne pas voir dans sa façon d’épousseter son épaule (geste égotripique par excellence popularisé en 2009 par le Dirt off Your Shoulder de Jay Z), la célébration d’un gimmick plus qu’un simple décalque ?
Roméo Elvis se prend et ne se prend pas au sérieux, joue avec les clichés du gangsta-rap mais délivre un hip-hop chanté, embrumé, cotonneux, smooth, plus proche d’un Tyler, The Creator – qu’il idolâtre – que de Tupac ou de Booba. Son admiration pour ce dernier – qu’il qualifie de “Sherkan français” parce qu’“il est au-dessus de la chaîne alimentaire” – n’en est pas moins sans bornes. Il décerne le grade de “Sherkan belge” à Damso, protégé de B2O et “patron du rap en Belgique”, lâche-t-il avant de mentionner un bref passage dans son studio, la veille de notre rencontre, sans donner plus de précisions.
“J’aime avoir la lumière sur moi, qu’on me regarde”
Roméo Elvis nous rappelle Nekfeu. C’est d’ailleurs l’écoute de 1995 et d’Orelsan qui lui a révélé que le hip-hop était une matière souple et donc protéiforme. “Pendant longtemps, le rap s’est résumé pour moi à un truc politique, un cri social venant de la rue. Je ne savais pas qu’au départ le hip-hop était fait pour danser, avec des mecs comme Grandmaster Flash !”
Décomplexé, le Bruxellois sort deux ep, puis s’associe avec le producteur Le Motel, spécialiste des nappes electro défoncées, pour Morale, son troisième ep bourré de punchlines à cheval entre désillusions sentimentales et réflexions sur la vie postadolescente. “Je commence toujours par écrire le refrain. C’est lui qui me donne la couleur du morceau. Puis je remplis le reste. Je ne fais pas d’impro. J’écris tout dans un carnet. J’aime que ça soit clair et net, savoir où je vais.”
Mais sa motivation principale, celle qui lui a fait lâcher la caisse de Carrefour, reste la scène. “J’aime avoir la lumière sur moi, qu’on me regarde. J’aime ce côté punk dans le rap et j’ai un énorme ego. Je ne suis pas un mec de studio.”
“Un premier album, c’est comme un enfant”
Et c’est peut-être parce que l’adage qui veut que les chiens ne font pas des chats ne tombe pas de nulle part. Sa mère n’est autre que l’humoriste Laurence Bibot, star nationale – “C’est notre Chantal Lauby”, nous dira-t-on plus d’une fois pour que l’on mesure sa notoriété – et son père le chanteur douloureux Marka. “J’ai toujours cru que réussir signifiait aller sur les planches et se faire applaudir”, confie celui qui a longtemps caché sa filiation par peur d’être résumé à cet encombrant statut de “fils de”.
Mais ce genre de considération ne le touche plus. Roméo Elvis pense à son futur ep, avec Le Motel toujours. “Je ne sors pas d’album parce que dans le hip-hop, un premier album c’est symbolique, c’est comme un enfant. Il faut se sentir prêt”, explique-t-il, l’air serein.
concerts le 3 février à Orléans, le 16 à Dijon et le 18 à Mulhouse (dans le cadre du festival GéNéRiQ), le 31 mars à Marseille
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