On découvre tardivement Manishevitz, groupe du seul Adam Busch, génial cinglé américain à la pop épicurienne et revenue du fond. Ceux qui ont raté The Grammar Bell and the All Fall down, le premier album de Manishevitz paru l’an passé, ont eu tort. Mais on les excuse, ce discret recueil de folk-songs contrites, nées dans […]
On découvre tardivement Manishevitz, groupe du seul Adam Busch, génial cinglé américain à la pop épicurienne et revenue du fond.
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Ceux qui ont raté The Grammar Bell and the All Fall down, le premier album de Manishevitz paru l’an passé, ont eu tort. Mais on les excuse, ce discret recueil de folk-songs contrites, nées dans les mêmes crevasses que celles des premiers Smog ou Palace, n’était de toute façon pas taillé pour la grande lumière. Ceux qui rateront Rollover seront en revanche impardonnables. Entre ces deux albums, Adam Busch (l’homme orchestre de Manishevitz, ex-Curious Digit pour ceux que ce genre de détail intéresse) a déménagé de Charlottesville, en Virginie, pour Chicago et une nouvelle virginité. En déléguant les arrangements de ses chansons à Fred Lonberg-Holm, un violoncelliste de l’école (buissonnière) Peter Brotzmann/John Zorn, Busch a franchi une étape décisive dans son glissement progressif du déplaisir janséniste vers les hauts échanges épicuriens.
La petite musique de Manishevitz glisse ainsi, à son rythme toujours délicat et mesuré, des dégradés de gris à un confortable éventail de teintes instrumentales, certaines n’appartenant à aucun nuancier connu. On songe dès les premières mesures à Cardinal, voire à Pinback, à tous ceux qui, depuis les illustres modèles Kevin Ayers et Syd Barrett, espèrent une greffe possible entre un bourdon et un papillon, trompent leur blues à coups de trompettes, pansent leurs mauvaises pensées à l’aide de rubans dorés.
Alternant les guitares spartiates héritées des tablatures pointilleuses de John Fahey (Some men) avec une fanfare de cordes et de cuivres dissipés (Reprise), Manishevitz invente une musique de chambre toute chamboulée, un long tourbillon dérapant parfois dans une cacophonie à peine maîtrisée. Les rebondissements rythmiques de Oh Lilly, par exemple, prouvent à quel point Busch n’a pas cherché une seconde à laisser sa musique en paix, combien il l’a soumise aux humeurs et aux ivresses de ses hommes de main (recrutés dans les contre-allées sombres de la bouillante scène alternative de Chicago), pinaillant moins sur les détails que sur l’allure générale de son album. Et Rollover, œuvre à tiroirs dont certains ne se fracturent qu’au bout d’une dizaine d’écoutes, s’aborde avec la même patience que ces disques en pelote que l’on déroule au fil des années, ces Song cycle (Van Dyke Parks, l’un des inspirateurs reconnus de Busch) ou Oar (Alexander Spence), sans qu’on ne songe jamais à en voir le bout.
Heureusement, une simple fréquentation distraite procure aussi des plaisirs immédiats (malgré son tempérament ombrageux, Busch est quand même un mélodiste surdoué) qui combleront les amateurs de gourmandises pop. Sans attendre les résultats du dépouillement en Floride, on proclame Adam Busch président des Etats-Unis de notre Amérique perso pour au moins les quatre années qui viennent.
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