La collaboration ambient des deux frères Eno produit de jolis effets.
On sait depuis la publication d’Apollo (1983), l’un des albums majeurs de Brian, que l’ambient coule dans les veines de la fratrie Eno. Pour la première fois, Roger était crédité au côté de son aîné. Si la carrière de Roger a décollé depuis, parsemée de collaborations (Peter Hammill, David Gilmour, etc.), les chemins des deux frangins n’ont cessé de se croiser, surtout sur les projets de Brian.
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L’an passé, pour fêter l’anniversaire de leur premier alunissage, les deux Eno ont ainsi, avec le troisième luron du projet Daniel Lanois, étoffé la réédition d’Apollo de créations inédites. Mais jamais, jusqu’à aujourd’hui, ils n’avaient signé d’album où le duo serait tête d’affiche. A ce titre, Mixing Colours constitue un objet de curiosité.
Jouer du silence et se donner du temps
Conçu sur la durée – initié il y a plus de quinze ans –, ce recueil ne voit pas ses deux coauteurs prendre de virage sonore radical. En toute logique, la fratrie a choisi un terrain sur lequel elle est à l’aise, celui des compositions instrumentales apaisées et éthérées.
Il s’agit ici pour eux de mêler leurs couleurs (pour reprendre l’intitulé) comme des peintres qui seraient économes de leurs gestes et de la matière sonore disponible. La palette dont dispose chacun se révèle réduite à l’essentiel et les rôles plutôt clairs : Roger amène souvent les thèmes mélodiques avec son jeu de piano cristallin tandis que Brian y répond avec synthés et machines pour emmener le morceau légèrement ailleurs.
Dépourvus d’un quelconque rythme, les dix-huit morceaux retenus par la fratrie obéissent au credo du minimalisme – “less is more”, pour aller vite – et jouent beaucoup avec le silence. Il faut donc leur donner du temps pour isoler leurs reliefs et apprivoiser leur beauté minérale. Pour qui aime se laisser charmer en tendant l’oreille, accorder de l’attention à ces délicates miniatures se révèle tout de même gratifiant.
Entre Erik Satie et Michael Nyman, Mixing Colours possède des teintes joliment mélancoliques (Celeste). L’enchaînement de Blonde et de Dark Sienna déclenche ainsi un cinéma imaginaire quand Slow Movement clôt l’ensemble avec majesté. Parfait pour rêver, contempler une aurore boréale, méditer, peindre ou faire l’amour, comme diraient les frères Larrieu.
Mixing Colours Deutsche Grammophon/Universal
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