Perte de contrôle et guitare fracassée : la guerre à la Gallagher comme si vous y étiez…
Rock en Seine, 28 août 2009, 21 h 30. Kele Okereke, le chanteur avec dreads de Bloc Party, maugrée un truc à la fin d’une chanson : “Restez avec nous, Oasis ne jouera pas ce soir.” Le public, qui ne parle peut-être pas anglais ou fait mine de ne pas comprendre, continue d’applaudir le groupe britannique, qui quitte la scène après deux chansons supplémentaires. La rumeur commence pourtant à se propager. Le concert d’Oasis serait annulé.
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On rit, on n’y croit pas. On ne va pas nous refaire le coup d’Amy Winehouse l’année dernière – et l’année d’avant. Sur scène, des types apportent des instruments, trifouillent des amplis. Ça traîne. Des infos arrivent des backstages, elles ne sont pas bonnes. Noel Gallagher se serait tiré du site sur un coup de tête. C’est assez le genre de la maison.
22 h 20, un jeune un peu trop jeune pour le rôle déboule sur la scène, attrape un micro. Il annonce dans le brouhaha total l’annulation du concert et ajoute brutalement : “Oasis s’est séparé.” Le public hurle. Sur les gigantesques panneaux qui entourent la grande scène, apparaît un communiqué. “A la suite d’une altercation au sein du groupe, le concert est annulé.”
Evanouissements et larmes dans le public
Rebrouhaha puis un message en anglais : “Keep your ticket for refund.” Autrement dit : “Les Anglais, ne défoncez pas tout, on va vous rembourser.” Pour certains dans le public, la séparation d’Oasis est un vrai coup dur. Des filles s’évanouissent au premier rang.
Le gentil chanteur de Vampire Weekend, Ezra Koenig, vient même réconforter une ou deux fans en détresse totale (larmes, cris, bave). 23 heures et des brouettes, les vieux Madness, qu’on venait de voir sur une autre scène, déboulent sur la grande en catastrophe.
“Je ne pouvais tout simplement plus travailler avec Liam” Noel
Les organisateurs ont réussi à les convaincre à coups d’euros de venir cacher la misère. Les iPhone et les Blackberry s’activent pour récupérer des informations. Sur le site d’Oasis, on peut soudain lire un message signé Noel Gallagher.
“C’est avec tristesse mais avec un grand soulagement que je vous annonce que je quitte Oasis ce soir. Les gens écriront et diront ce qu’ils voudront, mais je ne pouvais tout simplement plus travailler avec Liam.” Oasis s’est bel et bien séparé, et c’est Noel himself, après avoir quitté Rock en Seine en trombe, qui a posté le message sur le site avec ses petits doigts boudinés. C’est la première séparation 2.0 de l’histoire du rock.
Tout a pété à Paris
Les raisons de la colère ? C’est confirmé : une altercation entre les deux frangins. La énième, mais celle-ci aura été la bonne. Ils sont arrivés sur le site en fin de journée, chacun de son côté comme depuis le début de la tournée du dernier album, entamée au Canada il y a un peu plus d’un an. C’est chaud depuis plusieurs jours.
Laurent Truel, patron du bar rock parisien Le Truskel, a été invité backstage par le troisième frère Gallagher, le gros Paul, qui est censé passer des disques au camping après les concerts. “L’ambiance était ultra tendue dans les loges, les gens prévoyaient un clash, mais pas à Paris. Ils pensaient que ça péterait à Milan, la dernière date de la tournée. Les deux frangins ne se supportaient vraiment plus.”
“Depuis le début de la tournée, ils voyageaient chacun de leur côté, ils ne se parlaient plus. Tout le monde savait qu’après Milan, il y aurait une longue pause, que Liam allait se consacrer à sa ligne de fringues et que Noel bosserait en solo.” Et tout a pété à Paris, aux alentours de 21 heures, dans les petites cabanes en bambou allouées aux stars par Rock en Seine.
Une batterie d’insultes une Gretsch explosée
Liam, qui arrive de Londres, a visiblement picolé dans l’Eurostar. Depuis le début de la tournée, en août 2008, le plus jeune des Gallagher se la colle pas mal et chante n’importe comment sur scène, oubliant régulièrement les paroles. Ce qui a le don d’excéder Noel, qui craque en voyant son frère arriver légèrement bourré à Rock en Seine. Une batterie d’insultes, nourrie de “fookin”, vole alors des loges. Sara, la copine de Noel, s’en mêle. Liam la traite de tous les noms, Noel lui dit de la fermer.
De rage, Liam attrape une des plus belles guitares de Nono, une Gretsch avec laquelle il joue ses morceaux en solo, et la balance dix mètres plus loin, en plein espace détente. La Gretsch explose aux pieds des gens badgés qui n’y comprennent rien. “On a vu Noel sortir à toute vitesse d’un des cabanons. Il tirait une tête de dingue. Soudain, Liam a sorti la tête par la porte. On l’a entendu hurler : “You fucking cunt ! You cunt.” (“Espèce de salope !”) Noel a continué son chemin, il ne s’est même pas retourné. Liam s’est barré quelques minutes plus tard”, finit de raconter Laurent Truel. Il est 21 h 30.
Oasis vient de se séparer, peut-être une bonne fois pour toutes, après une dernière altercation à deux balles. Le lendemain, les organisateurs fixeront le prix du remboursement à quinze euros par place. En cassant un peu les prix, Oasis a fini par rentrer dans l’histoire du rock. Pendant ce temps, le public de Rock en Seine écoute Madness.
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