Lou Reed vu par ses proches, par ses fans et par lui-même : un portrait inspiré, de l’enfance aux années 90.
En prenant le titre d’un des albums de Lou Reed – l’incompris et étouffant Rock and Roll Heart, qui contient l’une des chansons les plus imposantes du New-Yorkais : Vicious Circle –, le réalisateur Timothy Greenfield-Sanders impose d’entrée un malentendu. Il ne s’agit pas ici de replonger, maniaquement, obsessionnellement, comme dans la série Classic Albums, dans la genèse d’un album particulier et marquant – en l’occurrence Rock and Roll Heart. Un album qui, dans la discographie de l’ancien Velvet (auquel une autre collection de rockumentaires, Under Review, vient de consacrer un DVD passionnant et sans doute illégal), peine de toute façon à jouir d’un statut de classique. La série de DVD Classic Albums a d’ailleurs déjà fait ce travail d’exégèse, offrant un rigoureux volume au Transformer de Lou Reed.
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A travers un travail impressionnant d’archiviste, puis d’intervieweur, ce Rock’n’Roll Heart se concentre plutôt, avec rigueur, sur l’écriture même de Lou Reed, sur la proximité affolante de son chant et sur la faramineuse influence de cette écriture aussi rosse que poétique, aussi noire que comique – de Bowie à Philipp Glass, de David Byrne à Vaclav Havel, chacun vient se prosterner devant cette pierre philosophale. “J’étais fait pour le rock’n’roll” confirme Loulou, plus de trente ans après son fondamental “Ma vie a été sauvée par le rock’n’roll” – un refrain qui, effectivement, bouleversa la vie de quelques adolescents.
C’est justement par l’adolescence que démarre ce film : les premiers cours de musique, la fascination pour une poignée de guitaristes de rock’n’roll, la médiocrité des premiers groupes, la découverte capitale de la poésie de Delmore Schwartz – et à quel point la simplicité, la fulgurance de ces mots ont chamboulé la vie du jeune Reed. Le reste du film, des premiers pas de songwriter au Velvet, de Warhol (ses interviews sont grandioses) à l’album New York, du glam au punk, suit strictement cette trame chronologique. L’occasion de se replonger, avec volupté et effroi, dans l’impitoyable Berlin. Souvent rigide et paresseuse ailleurs, cette forme chronologique convient parfaitement à cette carrière tout en risque et en inconscience, où chaque disque annule le précédent, tente une voie différente, parfois même opposée.
Le récit est basé sur un vertigineux kaléidoscope d’entretiens, tous plus riches les uns que les autres (il faut entendre Patti Smith ou Thurston Moore, encore lui, parler du fondamental Heroin). Il faut surtout entendre Lou Reed, loquace et généreux comme rarement, distiller les bons mots justes. Une leçon d’histoire magistrale – ce point de jonction unique dans l’histoire entre avant-garde et culture populaire –, que l’on devrait imposer à l’Education nationale.
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