Tabu Ley Rochereau, célèbre musicien de la rumba congolaise, père du rappeur Youssoupha, vient de disparaître. Retour sur une star qui a enchanté l’Afrique pendant des décennies.
Le jeune Youssoupha a perdu son papa. Le rappeur français, fameux pour sa polémique avec Eric Zemmour, est un effet un des (nombreux) enfants de Tabu Ley Rochereau, qui vient de s’éteindre à Bruxelles, à (environ) 73 ans, deux années après un AVC dont il ne s’était jamais remis.
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Pascal Emmanuel Sinamoyi Tabu est né en 1940 dans ce qui était alors le Congo belge. Le surnom de Rochereau lui viendrait d’avoir été le le seul de sa classe à connaître le nom de ce maréchal de Napoléon et deviendra son nom de scène. Il changera à nouveau de nom en devenant Tabu Ley lors de la “zaïrianisation” du pays, décrétée par Mobutu qui prône le retour aux racines africaines.
Rochereau, chanteur, compositeur, chef d’orchestre et accessoirement homme politique, est aujourd’hui quelque peu oublié et moins connu que son rappeur de fils. Il a pourtant fait danser toute l’Afrique pendant des décennies, celles des espoirs nés des indépendances et des révolutions. Quand Kinshasa, capitale pas encore ruinée par les frasques de Mobutu, était une sorte de New York des tropiques, où résonnait vingt-quatre heures sur vingt-quatre, dans les milliers de bars de la ville tentaculaire, cette musique chargée de l’énergie et la gaieté irrépressibles de ses habitants.
http://www.youtube.com/watch?v=OZHpbk7e83g
Rochereau fut un monstre sacré de la rumba congolaise. Cette musique, qui donnera plus tard la “soukouss”, est née des allers-retours entre les deux rives de l’Atlantique, de l’Afrique vers les Caraïbes, et plus précisément Cuba, où est apparue la rumba. Dans les années 50, alors que la musique cubaine est sur toutes les ondes du monde, les Congolais y retrouvent la mémoire de leurs rythmes et traditions musicales et inventent leur propre rumba, à base de guitares “hawaïennes” tourbillonnantes et de voix haut perchées, dans une langue délicate qui semble faite pour les chansons d’amour, le lingala.
Avec d’autres stars comme Franco, du TPOK Jazz, le Grand Kalle ou le guitariste Docteur Nico, Rochereau en est une des grandes voix. Le Zaïre semblait alors le centre du monde ou en tout cas du tiers-monde et la rumba reine de l’Afrique. Ouvert à toutes les influences, Rochereau écoute les sons venues d’outre-Atlantique, James Brown en particulier, qui fit, avec d’autres, une tournée mémorable à Kinshasa en 1974, lors du combat de boxe historique entre Mohamed Ali à George Foreman. Fort de cette expérience, Rochereau introduira de la soul et des cuivres dans son orchestre. C’est l’âge d’or du chanteur et de ce style, il est le premier musicien africain à se produire en vedette à l’Olympia, accompagnées de ses “Rocherettes, émules de “Claudettes” et il sort deux disques par an.
Mais le Zaïre est rattrapé par les délires de Mobutu, toujours plus sanguinaire et paranoïaque. En bisbille avec le dictateur, Rochereau doit s’exiler aux Etat-Unis, après le refus de la France de l’accueillir. Le Zaïre, devenu République démocratique du Congo, sombre dans le chaos. Et la musique congolaise en subit le contrecoup. Sur scène, lors de concerts de plus en plus hystériques, les musiciens répètent interminablement le nom des hommes politiques qui leur allongent des billets de banques.
Rochereau n’est plus, mais la rumba existe toujours. Elle revit avec le succès planétaire des handicapés euphorisants du Staff Benda Bilili, avec l’écrivain Alain Mabanckou qui a monté l’orchestre Black Bazar, pour faire renaître cette musique, née dans les taudis “du cœur des ténèbres”, qui respire la vitalité de l’Afrique et dont Rochereau fut l’un des meilleurs ambassadeurs.
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