Les airs de l’errance. Une compilation des musiques tziganes parvient à réunir la diaspora autour d’un seul feu : l’émotion. Après l’excellent recueil proposé par Frémeaux & Associés sous la direction d’Alain Antonietto, dont la vocation était essentiellement historique, ce Road of the Gypsies constitue la meilleure mise à jour possible de ce que recouvre […]
Les airs de l’errance. Une compilation des musiques tziganes parvient à réunir la diaspora autour d’un seul feu : l’émotion.
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Après l’excellent recueil proposé par Frémeaux & Associés sous la direction d’Alain Antonietto, dont la vocation était essentiellement historique, ce Road of the Gypsies constitue la meilleure mise à jour possible de ce que recouvre aujourd’hui l’appellation « musiques tziganes ». Il y a deux façons d’écouter cette double collection. La première, passive, consistera à se laisser entraîner au gré des méandres géographiques et musicaux qui font passer l’auditeur du désert du Rajasthan aux plaines alluviales de la vallée du Nil, des sierras andalouses aux contreforts des Carpates, des campements bosniaques aux salons musicaux d’Istanbul. Ces visites permettent de prendre conscience de l’ahurissante richesse mais aussi de la disparité qui participent à la constitution d’une culture tzigane vivante parce qu’insaisissable. Bien que les modes musicaux varient finalement assez peu, ce sont les instrumentations et surtout les influences contractées dans leurs environnements respectifs qui distinguent le chant ensorcelant de l’Indienne Suwa Devi, de la douloureuse complainte de l’ensemble polyphonique Ando Drom, la fanfare épique de Kocani en Macédoine du toujours délicieux et funambulesque Taraf De Haïdouks de Clejani. Une fois acquitté de cette approche large, on peut passer à la seconde écoute et commencer à essayer de tisser des liens entre les différentes « familles », trouver des points de convergence, d’heureuses coïncidences qui permettent une meilleure perception de l’art majeur de cette « tribu prophétique aux prunelles ardentes » décrite par Baudelaire. La synthèse se fera dans le vécu et non ailleurs, ainsi que dans son prolongement : l’expression. Qu’ils soient amateurs ou professionnels, de Roumanie ou d’Espagne, qu’ils s’adonnent au jazz ou au flamenco, les musiciens tziganes partagent tous une manière forte d’exprimer les choses n’évitant parfois hélas ni la surenchère virtuose ni un lyrisme excessif. Sauf ici, où la sélection conjugue le nombre et la qualité. Victime à la fois du rejet social et d’un paternalisme littéraire et cinématographique jamais éteint, le musicien tzigane va en permanence rechercher ce qui cimente sa mémoire à son existence au présent, l’émotion. Depuis qu’il est inscrit au lexique des publicitaires comme un vulgaire slogan, on hésite à employer ce terme tant pèsent sur lui des soupçons de vacuité voire de duperie. C’est pourtant celui qu’il faut garder pour franchir ces différents horizons, celui qui oriente le vent afin que la nef musicale poursuive cette passionnante odyssée. Cette collection exemplaire, dont il faut aussi vanter le texte d’Alain Weber, se dote alors des richesses de tons d’une mosaïque humaine où chaque pièce résume l’ensemble et où l’ensemble exprime finalement, sur une autre dimension, ce que la pièce seule a déjà évoqué.
Road of the Gypsies, L’Epopée tzigane (coffret 2 CD Network/Harmonia Mundi)
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