Après une histoire compliquée, les cultissimes Ride reviennent en pleine forme avec un sixième album à la fois nostalgique et pourvu d’une énergie renouvelée.
Retour en arrière : à la fin des années 1980, nous voilà en plein centre de l’Angleterre, dans la petite ville de Banbury. Andy Bell et Mark Gardener sont deux adolescents en école d’art et de design, mais une chose les passionne davantage que de créer des typographies : faire de la musique. Ils créent donc un groupe avec deux acolytes, Laurence Colbert et Steve Queralt et choisissent le nom de Ride. Une poignée de demos plus tard, les quatre garçons profitent de l’annulation d’un artiste pour jouer à Oxford.
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Coup de chance, Jim Reid de The Jesus & Mary Chain est dans la salle. Il tombe sous le charme de morceaux comme Drive Blind et part demander une cassette de Ride au DJ de la soirée. Celle-ci se retrouvera rapidement entre les mains du légendaire Alan McGee, fondateur de Creation Records (et manager de The Jesus & Mary Chain), qui finira par signer le jeune quatuor.
Un groupe parti de “Nowhere”
Le premier album de Ride voit ainsi le jour en 1990. Il s’appelle Nowhere, et c’est un chef-d’œuvre de pop bruitiste, acclamé à la fois par le public et par la critique. Ce sera la même chose pour leur deuxième disque, Going Blank Again (1992), qui place même un morceau de huit minutes (Leave Them All Behind) dans les dix premières places des charts anglais. Avec ses guitares gorgées d’effets et ses mélodies brumeuses, le groupe devient l’une des têtes de proue de la scène shoegaze, même s’il refuse cette étiquette, comme le prouvera l’album aux accents byrdsiens Carnival of Light (1994).
Sauf que tous les mouvements naissent pour s’éteindre, et que tout le monde commence à se tourner vers des formations comme Blur ou Oasis. L’ère de la britpop débute et, à partir de ce moment-là, c’est la dégringolade. Andy Bell et Mark Gardener, les deux auteurs-compositeurs, finissent par ne plus pouvoir se supporter. Ride annonce donc sa séparation en 1996, après la sortie d’un quatrième album complètement raté (Tarantula), agrémenté d’excès et disputes en tout genre.
“Toutes les tensions du passé se sont vite dissoutes dans notre alchimie.” Andy Bell
L’histoire aurait pu s’arrêter là et le groupe, être voué à rester une entité disparue, régulièrement citée comme influence. Seulement, nous voilà en pleine canicule du mois de juillet 2019, et Mark Gardener et Andy Bell nous font face, tranquillement installés dans un hôtel de Montmartre. Les deux hommes sont là pour évoquer leur sixième album, This Is Not a Safe Place. Deux ans après Weather Diaries, le disque du come-back inespéré, on peut donc officiellement conclure sur un retour de Ride sur le devant de la scène, que Mark explique lucidement.
“Il y avait une grosse part d’anxiété dans notre reformation, parce que d’autres ont essayé et se sont rendu compte que tous leurs sentiments initiaux avaient disparu… Au moment où on a rejoué ensemble, tout est revenu, c’était étrangement familier.” Andy acquiesce, avant d’embrayer : “En fait, il y a des racines très profondes dans ce groupe. On est allés à l’école ensemble, on a grandi côte à côte… Toutes les tensions du passé se sont vite dissoutes dans notre alchimie.”
De la pop et du stoner
Une chose que Weather Diaries annonçait déjà, démontrant que Ride n’avait rien perdu de sa capacité à écrire de belles chansons en se replongeant dans le son qui avait fait le succès du groupe : des guitares aériennes alliées à d’irrésistibles harmonies pop. “Dès qu’on a décidé de reprendre, on voulait surtout revenir à nos premières influences. Un de nos grands regrets concernant le quatrième album, c’est de nous être complètement éloignés d’elles, de ce qu’on aimait. Et évidemment ça n’a pas marché.”
Sur This Is Not a Safe Place, l’ambiance reste un peu la même, mais elle s’orne de nouvelles choses ; notamment grâce à l’apport du producteur Erol Alkan, qui avait déjà œuvré sur Weather Diaries : “Il nous a beaucoup apporté. Au-delà de son savoir en terme de production, il nous a aidés à prendre du recul sur les morceaux, en pointant les choses à retirer et en organisant nos compositions.”
Et l’album traverse un large éventail de styles différents. On y trouve un morceau purement pop comme Future Love, ou encore Kill Switch, quasiment stoner et fendu de distorsion ; et même de l’acoustique sur Shadows Behind the Sun. Mais là où Ride excelle par-dessus tout, ce sont bien dans ces montées épiques, longues de plusieurs minutes. On citera notamment à ce propos la superbe Eternal Recurrence, ou la belle conclusion In This Room : “C’est une chanson qui parle du business de la musique, qui n’est pas vraiment sain pour les gens… Si tu n’es pas capable de prendre soin de toi, ça peut être destructeur, et tu peux devenir une victime de ce système. Mais nous sommes un peu plus armés maintenant.” Et les paroles de cette chanson ont donné son titre à l’album, également inspiré de Jean-Michel Basquiat.
“Quand il faisait des graffitis à New York, Basquiat traçait souvent un signe, trois lignes qui signifiaient ‘This Is Not a Safe Place’ et qui conseillaient aux gens de ne pas dormir à cet endroit de la rue. Ces signes font partie de l’hobo code et nous ont pas mal influencés.” D’ailleurs, ces signes se retrouvent accolés au nom de Ride sur la pochette de l’album, dans laquelle il faut voir un hommage au passé et à la vague de Nowhere, leur premier disque. S’il est un peu nostalgique et forcément tourné vers le passé, ce retour prolongé de Ride est artistiquement un franc succès ; et la chose est franchement assez rare pour être soulignée.
Album This Is Not a Safe Place (Wichita/Pias)
Concert Le 13 février, Paris (Trianon)
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