Baal de Bertolt Brecht, mise en scène de Richard Sammut.
« Je veux être un éléphant qui pisse dans le cirque quand tout n’est pas beau », dit Baal, poète illuminé, jeune homme violent, effroyablement misogyne, terriblement amoureux et alcoolique au dernier degré. Dans le cirque, rien n’est vraiment beau et sur la piste, les lions et les tigres ont figure humaine, les acrobates ne s’élancent sur aucun autre trapèze que celui de la vie et Baal tient haut la main le rôle de clown désespéré. Un numéro éblouissant, conduit de bout en bout par Eric Elmosnino, acteur incandescent et sans limites, merveilleusement accompagné de Patrick Pinaud aussi extraordinaire dans le rôle d’Ekart. Le Baal que Richard Sammut met en scène prend le pari de la fragilité. C’est l’homme déchiré qu’il met en avant, un homme qui traite ses semblables comme des chiens, se fiche de tout, se transforme en assassin, voleur, violeur sans remords aucun, alors qu’il ne peut vivre sans la caresse d’une main, la douceur d’un corps contre le sien et qu’à l’heure de sa mort, il demande qu’on ne ferme pas la porte. On ne peut plus odieux, Baal est pourtant bouleversant dans sa course suicidaire. Avec pour tout plan d’avenir le présent immédiat, jouir de tout, tout de suite, vivre à corps perdu, ne s’attacher à rien et pratiquer la méthode de la terre brûlée devant toute ébauche sentimentale. Personne ne lui résiste, les femmes encore moins. Lui s’offre totalement, sans préliminaires et fait payer le prix fort à ceux qui l’accompagnent. Baal est ici une figure rimbaldienne aux accents gainsbouriens. Stéphanie Daniel, l’éclairagiste, tel un peintre, travaille le plateau en demi-teintes, elle dessine les corps nus, souligne le bois du plateau, contourne les étreintes d’Ekart et de Baal. Tout n’est pas réussi dans ce spectacle, notamment lorsque le metteur en scène cherche un rapport plus conventionnel au théâtre de Brecht, ou à travers les morceaux chantés qui, à force de vouloir être déchirés, ne sont plus que bruyants. Le dispositif sous chapiteau ne joue pas à plein, mais il n’en reste pas moins que cette première mise en scène est d’une sensibilité qui ose montrer la face fragile des hommes, et que l’on ne peut que s’incliner devant l’entreprise.
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