Figure incontournable de la scène punk new-yorkaise des seventies, Richard Hell a plusieurs vies derrière lui. Ado fugueur épris de poésie, chanteur et musicien fulgurant, grand innovateur à l’origine du look punk, il se consacre aujourd’hui à l’écriture. Rencontre avec une icône à l’énergie inépuisable.
Dans ton autobiographie, I Dreamed I Was a Very Clean Tramp (2013), tu racontes que tu as été attiré très jeune par l’écriture, que ce soit de la poésie ou de la littérature. Au début, la musique n’était pour toi qu’un passe-temps secondaire…
Richard Hell – Pendant mon enfance et même mon adolescence, je n’ai jamais rêvé de devenir musicien. Je lisais en permanence. Quand je suis arrivé à New York, j’étais encore un ado sans aucune éducation. J’avais quitté le lycée avec l’intention de gagner ma vie comme poète. J’ai ressenti de la frustration pour plusieurs raisons, notamment parce que quand on écrit de la poésie, on ne parle qu’à un nombre très limité de personnes. Je voulais produire un effet. Mon meilleur ami était musicien et la musique m’avait toujours fait réagir malgré tout. Petit, j’avais pris des cours de musique mais j’avais trouvé ça décourageant. Les choses qu’on m’apprenait étaient vraiment fastidieuses, alors qu’il n’y a pas de notion de virtuosité dans la nature du rock’n’roll. C’est plus une question d’instinct. Je me suis rendu compte que je pouvais démarrer un groupe et continuer à développer ce que j’avais appris sur l’écriture dans mes paroles de chansons, tout en obtenant toutes les satisfactions que le rock’n’roll pouvait offrir.
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Ecrire des poèmes dans son coin, c’est une autre chose qu’écrire des paroles de chansons et monter sur scène pour les chanter devant un public. Comment as-tu vécu cette transition ?
En me saoulant pas mal (rires). Etre sur scène, c’est quand même une position contre nature, qui met mal à l’aise. Donc je cherchais à me mettre dans un état d’esprit particulier pour pouvoir évoluer sur scène, mais j’ai fini par passer à autre chose. Je me sentais trop mal à l’aise. J’ai préféré laisser ça derrière moi. En même temps, c’était excitant et épanouissant. C’est une bonne façon de passer sa jeunesse. C’est un domaine artistique généralement lié à l’adolescence. On peut choisir de vivre comme un ado jusqu’à ce qu’on ait environ 30 ans. Mais passé un certain stade, ça devient déplacé. C’est ce que j’ai ressenti. Il y a aussi beaucoup de danger. Beaucoup de mes amis sont morts.
Tu as l’impression d’être un survivant ?
Non, je ne vois pas vraiment ça comme ça. Je ne me sens pas comme un survivant. J’ai plutôt l’impression d’avoir eu de la chance à différents égards. De ne pas mourir, malgré mon comportement très autodestructeur qui m’a conduit à l’hôpital plusieurs fois. J’ai aussi eu la chance d’avoir d’autres choix. En général, le rock’n’roll est joué par des gamins qui n’ont pas beaucoup de choix qui s’ouvrent à eux. Un peu comme la boxe. Quand on n’a pas grand-chose et pas tellement de perspectives, on peut se battre pour décrocher la gloire. Mais comme j’avais beaucoup d’autres centres d’intérêt, je pouvais voir d’autres directions à explorer quand j’ai commencé à trouver que je tournais en rond avec le rock’n’roll. Ça aussi, c’était de la chance.
Tu as arrêté la musique aux alentours de 1984. Tu y es revenu brièvement au début des années 90 pour le projet Dim Stars, avec des membres de Sonic Youth. As-tu parfois la tentation de t’y remettre ?
Dès le début, c’était prévu que Dim Stars ne dure qu’un mois. Nous avions décidé d’aller en studio pour faire un album. On a toujours su qu’il n’y aurait pas de concert, ni de suite. Donc ce n’était pas vraiment une exception au fait que j’aie quitté le rock’n’roll. J’ai toujours aimé écrire des chansons et les enregistrer. Ça m’a toujours plu et c’est toujours le cas, mais survivre dans le milieu de la musique implique beaucoup d’autres choses : il faut faire des tournées et assurer la promotion. C’est un boulot à plein temps. J’ai fini par faire légèrement l’imbécile d’une façon ou d’une autre. En 2009 (je crois que c’était cette année-là mais je n’en suis pas sûr), j’ai récupéré les droits d’un de mes albums, Destiny Street. J’ai toujours été insatisfait et frustré par la version d’origine, que j’ai enregistrée en 1981 et 1982. Je regrettais le résultat final qui n’était pas conforme à ce que j’espérais.
Comme j’en avais l’occasion et les moyens, et que je pensais que ça me donnerait une certaine tranquillité d’esprit, je suis retourné en studio pour réenregistrer certaines parties, ce qui a donné une nouvelle version. Ce genre de choses arrive de temps en temps, mais je ne cours pas après. Si quelqu’un vient me voir pour me proposer d’écrire une chanson pour un projet spécial ou un film, j’aime bien faire ça parce que c’est facile, mais ça reste une activité complètement secondaire.
Es-tu aujourd’hui satisfait de cette nouvelle version de Destiny Street ?
J’avais l’intention de la sortir sous forme de double album, avec la version originale, qui comporte quand même beaucoup d’aspects que j’apprécie, et la nouvelle qui à mes yeux ne remplace pas l’ancienne. C’est plutôt un complément. J’étais ravi du résultat mais ce qui manque, c’est ma collaboration avec le mec qui jouait toujours de la guitare avec moi. On avait une entente parfaite entre musiciens. Avant sa mort, il avait donné son accord pour retourner en studio avec moi pour cette nouvelle version. Le mec dont je parle, c’est Robert Quine. J’ai choisi des musiciens vraiment excellents, que je respecte et que j’admire, et qui étaient aussi des amis à lui. Des gens qu’il respectait et admirait lui aussi. Ils ont fait un travail remarquable, mais la relation que j’avais avec Quine était unique. L’objectif a été atteint, pour que j’arrête de grincer des dents à chaque fois que je repense à cette partie de mon répertoire. Je me suis débarrassé de cette insatisfaction.
Ça t’arrive de réécouter ta propre musique ou de relire tes écrits ?
Oui. D’habitude, c’est quand j’en entends parler : je me demande de quoi on parle exactement. J’essaie de prendre du recul sur ce que c’était réellement. Je dois faire bien attention quand je fais ça parce que ça peut potentiellement me déprimer (rires). J’essaie de me raisonner pour ne pas que ça me rende fou.
Pourquoi est-ce que ça te déprimerait ?
Parce que j’entends ce qu’il manque.
Donc ce n’est pas parce que ça te replonge dans une époque précise.
Non. Ces périodes de ma vie sont tellement loin que je peux presque voir ça comme une histoire. Je ne me sens pas plus investi que ça. C’est comme un récit.
Avais-tu aussi cette impression quand tu rédigeais ton autobiographie et que tu devais repenser à toute ta vie jusqu’en 1984 ?
Ecrire cette autobiographie, ça a joué le même rôle que ce que je viens d’expliquer. Je veux comprendre tous les secrets et les événements en tant que tels. Je veux voir vers quoi tous ces enchaînements ont mené. La mémoire a ses limites. On peut se souvenir d’un moment hors contexte. La seule façon de retrouver ce contexte, c’est de remonter le fil très loin. Je voulais juste essayer de voir si je pouvais obtenir une image précise de comment on en est arrivé là. C’était ma motivation.
L’une des histoires qui revient souvent dans ce livre, c’est celle de ta rupture avec ton meilleur ami de l’époque, Tom Verlaine. Est-ce que c’était important de revenir là-dessus pour comprendre ce qu’il s’est passé, pour l’exorciser ?
C’était un peu l’intention derrière tout ce livre. Se débarrasser de ce sujet en quelque sorte. Il y a eu beaucoup de discussions sur cette période. On me pose souvent des questions là-dessus et je vois aussi comment certaines personnes en parlent. J’en étais arrivé à un point où je refusais souvent d’évoquer cette époque parce que si j’avais dû accepter chaque demande, je n’aurais eu le temps de rien faire d’autre.
Donc d’une part, je voulais résoudre tout ça, mais aussi décrire mes pensées de l’époque d’une façon aussi détaillée et complète que possible. Ce livre est souvent traité comme si c’était l’histoire du CBGB’s ou du punk, mais ce n’est pas comme ça que je le vois. Pour moi, c’était une autobiographie. Il se passe une centaine de pages avant que je touche à ma première guitare. En même temps, c’est inévitable que les gens se focalisent là-dessus parce que c’est ce qui emballe tout le monde. Dans un sens, c’est vrai que c’est la partie la plus intense, parce que c’est pendant cette période, quand tu as entre 17 et 30 ans environ, que tout le monde vit ses années les plus intenses. C’est là qu’on est le plus déterminé, qu’on se construit.
C’était une période extrême pour moi parce que ces années de jeunesse sont extrêmes pour n’importe qui. En même temps, c’était juste ma vie ordinaire, au quotidien. Le but n’était pas de parler du punk. C’était juste d’essayer de voir comment les choses ont évolué d’un point A à un point B et ainsi de suite.
Dans ce livre, les passages sur ton enfance sont composés d’innombrables fugues. As-tu compris pourquoi ? Est-ce que tu te sentais frustré, pris au piège ?
La première fois que j’ai pensé que je pourrais essayer d’écrire une sorte d’autobiographie, je cherchais comment l’organiser et ma première idée a été d’écrire une série de fugues parce que c’est vraiment un motif récurrent de ma vie.
C’est juste une impatience, cette envie d’être toujours en mouvement. J’ai eu une enfance ordinaire, calme et chaleureuse. J’ai toujours eu ce penchant et je ne sais pas pourquoi. J’aime bien l’idée de tout recommencer à zéro. C’est aussi ce que je fais dans mon travail. Je n’aime pas faire la même chose deux fois de suite, même à l’intérieur du même album. Par exemple, si on prend l’album Blank Generation, chaque chanson est différente des autres.
Quand les gens mettent quelque chose dans la catégorie punk, en gros toutes les chansons ont la même intention et le même son. Je préfère procéder à l’inverse pour que chaque chanson soit différente des autres. Je ne sais pas pourquoi. C’est juste dans mon tempérament.
Quand tu as commencé à composer de la musique, ton approche était très intellectuelle, contrairement à d’autres artistes punk. Tu réfléchissais en profondeur à comment te réinventer, quel style tu voulais avoir… Est-ce que tu te sentais seul dans cette démarche ?
Je me sentais seul dans le sens où l’une des choses qui m’emballaient dans le rock’n’roll, c’était cette possibilité de communiquer par tous ces moyens différents. D’une certaine façon, chaque groupe est une sous-culture à lui tout seul. Quand on pense à un groupe, c’est lié à tout leur style de vie.
Par exemple, on peut opposer les Beatles au Velvet Underground. D’un côté, des mecs fantasques, joyeux, impertinents, insouciants, qui chantent en harmonie (rires). De l’autre, un monde souterrain de brouillard, de tristesse et de regrets. Ces deux univers ont des approches différentes dans leur vision du monde, leur façon d’enregistrer, ou leur façon de faire leur promo. Tous ces éléments font partie de leur sous-culture à eux, le monde à part où chaque groupe habite.
Les gens n’adhèrent pas qu’à leurs chansons. Ils adhèrent aussi à toute cette attitude envers la vie. J’en étais conscient et ça m’a intéressé de prendre ça en compte quand j’ai créé un groupe. Trouver comment s’y prendre dans des domaines qui allaient de la coiffure à l’expression faciale en passant par l’impression immédiate que donne la musique, la forme que prend ta promotion, comment tu te comportes sur scène ou en interview. Je voulais que tout ça soit fait exprès. Dans ce sens, je me sentais différent parce que je trouvais que ce n’était pas courant.
D’habitude, on voit des gens comme Brian Epstein avec les Beatles ou Malcolm McLaren avec les Sex Pistols. Je voulais me charger moi-même de tout ça. Je trouvais ça amusant. J’aimais bien essayer de trouver des moyens efficaces pour communiquer ma vision des choses. Donc de ce point de vue-là, je me sentais différent parce que je ne connaissais personne d’autre avec cette ambition, cette approche délibérée.
Quelle a été ta réaction quand tu as vu que des gens étaient influencés par ton style ? C’était flatteur ou agaçant ?
J’étais satisfait d’avoir eu un effet, mais c’est vrai que j’étais idéaliste. Une partie de mon message, c’était que chacun devrait inventer sa propre présentation de soi et de sa musique, en fonction de qui on est à l’intérieur de soi-même, plutôt que d’être influencé par la façon dont quelqu’un d’autre l’a déjà fait. Donc c’est un peu un mélange des deux.
Tu as parlé du Velvet Underground. Ils vont être l’objet d’une grande rétrospective à Paris au printemps prochain. Les as-tu vus en concert ?
Non, à mon grand regret. Ils jouaient tout le temps dans mon quartier entre la fin des années 60 et le tout début des années 70. Je ne vais pas trop à des concerts, donc je ne les ai pas vus. Mais, pour moi, le Velvet Underground est vraiment le plus grand groupe de rock’n’roll de tous les temps. C’est aussi simple que ça. (rires) J’ai un peu été en contact avec John Cale, mais je crois que je n’avais pas très envie de rencontrer Lou Reed. Il ne donnait pas l’impression d’être un mec très agréable.
Te rendais-tu compte à cette époque qu’un tout nouveau mouvement était en train d’émerger, ou étais-tu concentré sur ton quotidien et ta jeunesse ?
Au CBGB’s, entre 1974 et 1976, quand tout ça commençait à se développer, on le souhaitait tous. On pensait tous qu’on était les plus intéressants. C’était clair pour tout le monde qu’on vivait un moment important et que ça se propagerait. Je ne sais pas si je parle avec du recul ou si je pensais déjà ça à l’époque, mais j’ai aussi l’impression que ça ne se limitait pas à la musique. C’était une façon de se comporter, une façon de voir les choses qui aurait un impact sur d’autres formes d’art : les peintres, les écrivains…
C’est vrai que ça s’est produit, mais on est restés assez obscurs pendant toute cette période. Il a fallu attendre l’énorme explosion des Sex Pistols en Angleterre pour que ça ait vraiment un impact culturel. En Amérique, c’est peut-être un cliché mais le groupe qui a fini par devenir un phénomène énorme, c’est Nirvana presque vingt ans plus tard. Les Sex Pistols n’étaient pas connus en Amérique, sauf parmi les grands connaisseurs de rock. Bien sûr, ils n’ont pas duré longtemps. L’étape suivante qui a été importante dans cette longue période de développement du punk en Amérique, c’est la mort de Joey Ramone.
Les Ramones eux aussi n’avaient que très peu de succès. Ils travaillaient dur à passer leur temps sur la route, année après année, mais ils s’obstinaient. Quand Joey Ramone est mort, ils sont devenus des icônes légendaires du rock’n’roll. Ça a pris tout ce temps, mais une fois que c’est arrivé c’est assez étonnant de voir l’importance que tout ça a eu. Les gens sont fascinés par ça, comme par n’importe quel autre grand moment-clé qui relie la jeunesse, en termes de philosophie, de psychologie et d’art, comme la Beat Generation, ou la génération hippie et psychédélique. Le punk a fini par avoir ce statut de mouvement culturel fort.
Tu as participé il y a quelques années à une expo punk au Met, à New York. Comment réagis-tu quand tu vois qu’un mouvement aussi rebelle que le punk a aujourd’hui sa place au musée ?
C’est inévitable. Je me dispute toujours avec ceux qui pensent avoir bien cerné ce qui se passait à l’époque, parce que s’ils arrivent à le cerner ça veut dire que tout ça est mort. C’est inévitable qu’un jour ça soit complètement mort. Mais d’après ce que je peux voir, ça a suivi son cours de différentes façons et il y a encore de la vie là-dedans. Je sais que certaines personnes s’en inspirent encore. Après un certain temps, tout finit par se retrouver au musée inévitablement.
Pendant ton enfance ou ton adolescence, est-ce qu’il y a eu des livres ou des films qui ont fait évoluer ta personnalité ?
Ce qui me vient immédiatement à l’esprit, ce sont presque des clichés parce que j’en ai déjà beaucoup parlé et que ce sont des œuvres connues. Ce sont des œuvres françaises. Les Chants de Maldoror de Lautréamont est le livre qui a eu l’effet le plus puissant sur moi. Je l’ai lu quand j’avais 18 ou 19 ans. En cinéma, c’est Godard. Si on s’intéresse à l’art, on va forcément être mené jusqu’à Lautréamont à cause de son immense influence sur les surréalistes. J’ai toujours adoré Breton et Buñuel, et j’ai eu une petite période Max Ernst. Si on s’intéresse à tous ces gens, on va tomber à un moment sur Lautréamont parce qu’il est à l’origine d’eux tous. Je lisais tout le temps et je remontais le fil.
Quand quelqu’un que j’admirais mentionnait quelqu’un d’autre, je voulais savoir de qui il parlait. Quant à Godard, c’était une sensation dans les années 60. C’était incroyable de voir sa liberté et son imagination sans bornes. Il pouvait tout faire, sans aucune peur. Un mélange de courage et de raffinement esthétique très avancé. Pour moi, il est vraiment l’un des trois ou quatre plus grands artistes du siècle.
Tu n’as jamais été fasciné par toute la mythologie du rock’n’roll.
Non. Enfin, il y a des gens que je considère comme des génies spectaculaires, mais je ne vois pas d’aura particulière en eux.
Peux-tu me parler de l’année que tu as passée au sein des Heartbreakers avec Johnny Thunders ? Quel était ton état d’esprit ?
J’étais juste un gamin qui s’éclatait, en gros. Quitter Television avait été un énorme soulagement. Avec Television, il y avait une tension constante, même si j’ai eu aussi beaucoup de récompenses et de moments d’extase. Devoir collaborer avec Tom Verlaine, c’était difficile. Aller rejoindre les Heartbreakers, où tout était tellement relâché, c’était un soulagement, une fête sans fin. Je l’ai déjà dit par le passé : je trouve vraiment que cette période avec les Heartbreakers a été la plus amusante que j’aie connue en tant que musicien. Les Voidoids, c’était de loin la période plus enrichissante. Le degré de satisfaction que j’en ai tiré est incomparable.
Est-ce que ça a été une étape importante pour toi de devenir le chanteur et leader des Voidoids, en plus d’être musicien et songwriter ? Dans ton autobiographie, tu expliques qu’il n’y a qu’une catégorie de gens bien particulière qui peut devenir le leader d’un groupe…
Oui. Dès le début, je me voyais bien dans le rôle du chanteur, pour chanter mes propres chansons. C’était en moi. Je n’ai pas progressé peu à peu vers cette idée. Au tout début de Television, je me chargeais d’environ un tiers des chansons. Je ne jouais de la basse que depuis six mois. Tom était plus prolifique. C’était déjà un musicien accompli. Le concept de base, c’est qu’au fur et à mesure de mon apprentissage on finirait par tous les deux chanter et il y aurait une répartition équitable entre nous. C’est l’inverse qui s’est produit. Tom a commencé à avoir des idées différentes sur ce que le groupe pourrait faire et à se concentrer sur ses chansons à lui. Je ne me suis jamais vu comme un songwriter et un bassiste. Je me voyais comme un songwriter qui chantait dans un groupe.
Depuis que tu t’es retiré de la musique, tu as publié des poèmes, des articles, ou encore des romans. Qu’apprécies-tu dans ce mode de vie ?
Je crois que c’est ce que je sais faire de mieux. C’est difficile d’écrire, surtout le premier brouillon. Ça demande un certain effort. On peut se décourager. Mais je trouve ça aussi très satisfaisant. Contrairement à ce que j’ai vécu dans un groupe, c’est soulageant de ne pas devoir être responsable des autres. Quand on fait partie d’un groupe, on doit nourrir les autres. Pour certains aspects, j’aime bien aussi les collaborations. En tant qu’écrivain, j’en fais assez régulièrement. J’adore le sentiment d’avoir tapé dans le mille avec une phrase. Mais ce que j’apprécie particulièrement, c’est la peinture. Je crois que quand je serai vraiment vieux, je serai peintre (Rires). On peut être sénile, tout en étant peintre. On ne peut pas être sénile et être écrivain.
Sur quoi travailles-tu en ce moment ?
J’écris un nouveau roman. Je ne peux pas encore trop en parler. Peut-être que je finirai par l’abandonner. C’est très sombre. Je viens de sortir cet automne un recueil d’essais, Massive Pissed Love : Nonfiction 2001-2014. Il regroupe des chroniques sur le cinéma, de l’époque où je m’occupais d’une rubrique à ce sujet, des écrits sur la littérature, la musique et la peinture.
A quoi ressemble ton quotidien, en dehors de l’écriture ?
Je lis. Je vais au cinéma. Je visite des musées et des galeries. Je voyage. J’aime bien manger. J’habite toujours à New York. Je vis dans le même appartement depuis 1975. Je m’y sens bien. Je sais où aller pour trouver ce dont j’ai besoin.
Noémie Lecoq
Massive Pissed Love : Nonfiction 2001-2014 (Soft Skull Press, 2015)
I Dreamed I Was a Very Clean Tramp (Ecco, 2013)
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