Stupeur : le crooner anglais Richard Hawley fait parler l’électricité sur un nouvel album nettement plus tortueux et rock. Bonheur : ces quelques gouttes d’acide s’accommodent parfaitement à son thé anglais. Critique et écoute.
Après des bijoux roulés à la feuille d’or pur comme Coles Corner ou Lady’s Bridge, après un Truelove’s Gutter à la transparence diamantaire de chef d’oeuvre, le nouveau disque de Richard Hawley semble briller d’un éclat moindre.
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Entendons-nous bien : le léger bémol que l’on ressent aux premières écoutes de Standing at the Sky’s Edge est à la mesure du niveau où l’on situe le rockeur-crooner de Sheffield. Soit le sommet des cimes du paysage pop-rock actuel. La première chose qui frappe dans cet album, c’est le son, énorme. Le très laid-back Hawley a comme été piqué par un insecte électrique, lâchant tous les chevaux de ses guitares. “Je voulais épurer, supprimer tous les arrangements orchestraux, n’utiliser qu’une seule arme : la guitare. Il ne faut pas oublier qu’elle était mon premier amour, après ma mère et mon père bien sûr ! C’est incroyable, tout ce qu’on peut faire avec une simple guitare.”
Pas de méprise, le délicat Hawley ne s’est pas pris pour le fils caché d’Eddie Van Halen mais lorgnerait plutôt vers le psychédélisme de la fin des 60’s. Des chansons telles She Brings the Sunlight ou Leave Your Body Behind You plantent leur reverb ondulante entre Jefferson Airplane et le Pink Floyd version Syd Barrett : toujours de la pop, mais trempée dans un buvard d’acide. “Si on entend dans le mot ‘psychédélisme’ les fleurs et les arcs-en-ciel, ce n’est pas ça du tout. Dès mon premier album, il y avait un sens de l’espace. J’ai toujours tout écouté, digéré des influences ici et là, pas plus dans ce disque que dans les précédents.”
Quand on se lance dans de telles aventures soniques, de telles digressions instrumentales, le risque est grand de passer le songwriting à la trappe. Ecueil évité. Les chansons plus dépouillées (Seek It, Don’t Stare at the Sun, Before…) révèlent leurs mélodies à nu dans la seconde partie du disque. Et au bout de plusieurs écoutes, les morceaux qui ressemblaient à des jams cosmiques seventies finissent par dévoiler leur finesse harmonique.
La tonalité “space” du disque est autant dans les textes que dans le son. Alors que les ambiances nocturnes et pluvieuses dominaient les précédents albums, on entend surtout dans celui-là des mots comme “sky” ou “sun”, comme si la lumière s’était levée sur le ténébreux paysage intérieur de Richard Hawley. Le chanteur ne se sent pourtant pas plus guilleret qu’à son habitude, mais il s’est dernièrement lancé dans une quête métaphysique, se passionnant pour tout ce qui dépasse la vie humaine et l’expérience terrestre. “J’ai lu beaucoup de livres scientifiques sur l’univers, c’est très intéressant. Rien de ce qui est sur Terre n’est originaire de la Terre, tout vient du cosmos. Je ne suis pas dans un délire hippie, ce sont des scientifiques qui le disent. Tout se transforme, nous aussi. Quand nous mourons, nos molécules se recomposent en autre chose. Ça m’a rassuré sur l’idée de la mort, sans avoir besoin de recourir à une religion.”
L’heure où son cadavre se transformera en poussière d’étoile n’ayant pas sonné, Richard Hawley connaît une intense activité terrestre. Il a produit un bel album instrumental de Duane Eddy (Road Trip), légendaire gâchette du rock avec lequel il a échangé quelques belles envolées twang, et il a écrit des chansons pour Lisa Marie Presley ! “L’album est bouclé, avec des chansons de moi et d’Ed Harcourt, produites par T-Bone Burnett. Avec Lisa Marie, on est devenus bons amis. J’ai failli tomber de ma chaise quand elle m’a appelé ! Il se trouve que l’un de ses musiciens s’était procuré mes albums, les avait adorés, Lisa Marie aussi. Mon idée n’était pas de capitaliser sur elle ou sur son nom mais de l’aider à trouver sa propre voie musicale. Je ne parlais pas de son père avec elle, question de tact. Si vous connaissiez une fille qui a perdu son père à 10 ans, vous n’aborderiez pas ce sujet, n’est-ce-pas ? Mais elle sait que je suis un fan d’Elvis, ça transparaît dans ma musique.”
Un fan qui a su trouver sa propre voie avec une classe confondante. Même s’il nous a accoutumés au sublime et que Standing at the Sky’s Edge est seulement excellent, Richard Hawley fait partie de ces maîtres en élégance qu’il faut savoir reconnaître au milieu de la laideur globale. Hawley of Sheffield, c’est comme Harrods of London, l’excellence du style anglais.
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