Les gens comme il faut n’ont jamais aimé les Chameleons. A l’époque où le groupe du rustaud Mark Burgess officiait dans une Angleterre dominée par Ultravox et Culture Club, les gens bien aimaient les Talking Heads et Tom Waits ce destroyé très présentable, aux mèches folles rudement bien coiffées, aux auréoles de sueur dessinées […]
Les gens comme il faut n’ont jamais aimé les Chameleons. A l’époque où le groupe du rustaud Mark Burgess officiait dans une Angleterre dominée par Ultravox et Culture Club, les gens bien aimaient les Talking Heads et Tom Waits ce destroyé très présentable, aux mèches folles rudement bien coiffées, aux auréoles de sueur dessinées par Calvin Klein. Dans le quotidien des esthètes de la déjante, des amateurs de décadence allégée, pas la moindre place pour la transpiration véritable et les odeurs de bière des Chameleons. Carrément prolo, mal fringué, parfois ringard on garde le souvenir d’interviews franchement mystiques où Burgess tentait vainement d’expliquer que le soleil et la lune étaient ses principales sources d’inspiration , le groupe de Manchester aura traversé le milieu des années 80 en portant sur son dos le présage menaçant de son insuccès. Trois albums studio aux vertus certaines (sens de l’urgence, de la mélodie épique, de la mise en scène) ne parvinrent jamais à incliner le cours de l’histoire, à dépasser les limites des dortoirs étudiants. Pourtant, on croise encore régulièrement, ici (Paris) ou là (Tours, Brighton), des gens par ailleurs fort respectables que la simple évocation de chansons comme Second skin, Perfume garden ou Don’t fall peut littéralement réduire aux larmes. « Well, we were younger then », entend-on Burgess chanter sur le superbe Tears. Foutue nostalgie d’un temps révolu où l’on se moquait des problèmes de garde-robe chez les Chameleons, T-shirts sans manche, pantalons de jogging et bottes de moto et de crédibilité médiatique. Pour la presse, les Chameleons ne furent jamais que des U2 de seconde zone. A la lumière de l’histoire rock récente, on aura grand-peine à imposer Script of the bridge (1983) ou What does anything mean basically (1985) dans la liste des incontournables jalons discographiques des quinze dernières années, l’objectivité saleté de concept nous obligeant à admettre que ce rock à la fois atmosphérique et grandiloquent a aussi mal vieilli que les ancestraux DX7 la 2CV des synthés qui en tissent la toile. Mais les quatorze titres de ce best-of inattendu devraient toutefois permettre aux novices et aux distraits d’évaluer plus précisément les vertus d’un groupe mélodiquement trop doué pour se contenter d’un quart de page dans la triste encyclopédie des années new-wave.
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