En anglais, on ne reprend pas une chanson, on la “couvre”. Polysémie aidant, le terme ouvre un palpitant champ de possibilités : si les saillies furieusement animales d’Elvis ou des Stones ont valu au blues son lot d’affolantes jouissances, l’hypothèse architecturale a vu d’humbles refrains s’orner soudain de tourelles, pignons et crénelures ? Ray Charles […]
En anglais, on ne reprend pas une chanson, on la « couvre ». Polysémie aidant, le terme ouvre un palpitant champ de possibilités : si les saillies furieusement animales d’Elvis ou des Stones ont valu au blues son lot d’affolantes jouissances, l’hypothèse architecturale a vu d’humbles refrains s’orner soudain de tourelles, pignons et crénelures ? Ray Charles ayant ainsi transformé en cathédrales soul les cahutes hillbilly de Hank Williams. Plus modestement, Neal Casal se contente, à l’instar des Yo La Tengo de Fakebook, de nicher ses chansons fétiches sous un voile d’étoffe aérienne et précieuse ? rejoignant, dans cette confrérie de tisserands attentionnés, ses camarades de label Hederos & Hellberg, qui récemment drapèrent I Wanna Be Your Dog dans des langes de cantilène.
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De la douceur et des soins quasi hospitaliers, le florilège de romances émaciées sélectionné par Casal en avait grand besoin : dans les disques des Heatbreakers (It’s Not Enough), des Faces (Debris) ou de Royal Trux (Yellow Kid), on a plus souvent rencontré cette clique de complaintes clopinantes des seringues dans les bras, un litron de rouge dans la poche et des cabas sous les yeux que le rose aux joues. En frayant avec ses héros maudits du rock poivrot ou junkie, Neal Casal s’affranchit de son image un peu lisse de gendre idéal de la famille americana pour, la voix encore cuivrée par son escapade soul au sein de Hazy Malaze, confronter ferveur gospel et arrangements pastoraux, réduits à quelques touches de piano, orgue et pedal-steel verdoyante.
Désintoxiquées de frais, ces chansons qu’on a connues (et aimées) livides retrouvent des couleurs et chatoient au contact de perles dénichées au fin fond des répertoires méconnus de Gene Clark, Michael Hurley ou Doug Sahm. En gratifiant son petit panthéon du songwriting d’arrangements aussi aérés qu’étoilés, Neal Casal invente ainsi la « cover version » à ciel (tendance Eden) ouvert.
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