Tous les chemins mènent à Macerata. Mais comment deux membres de Radiohead en sont-ils venus à se produire dimanche 20 août au Sferisterio, un opéra à ciel ouvert situé dans cette commune italienne d’environ 40 000 âmes de la région des Marches ?
C’était encore un mystère avant de croiser dans les rues de la ville le coorganisateur du concert, Fabio Pucciarelli. Ce juriste est membre du comité ArteProArte dont la vocation est de redistribuer des fonds recueillis grâce à l’organisation d’événements culturels, pour réhabiliter les biens ou œuvres d’arts endommagés à la suite du séisme du 24 août 2016, qui a durement touché Les Marches. Il nous confie :
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“Jonny Greenwood est venu il y a quelques années dans le coin pour visiter la bibliothèque de Fermo. Tombé amoureux de la région, il y a acheté une maison.”
Le guitariste de Radiohead se trouvait aussi en Italie pendant les tremblements de terre d’août et octobre dernier. “On a alors organisé une réunion avec lui”, poursuit Pucciarelli. “Mais ce n’est qu’en février que Jonny et sa femme, Sharona Katan [une artiste faisant également partie du comité] ont décidé d’organiser un concert caritatif.” Le premier en duo avec Thom Yorke depuis Glastonbury en 2010, et le plus long à ce jour. Bilan : 231 000 euros de profits réalisés grâce à la vente de 2 800 billets arrachés en quatre minutes.
#radiohead une nuit à l'opéra @MacerataOpera #thomandjonny pic.twitter.com/y1m77yZJTx
— Yohav Oremiatzki (@YohavOre) August 21, 2017
Un filage plutôt qu’un soundcheck
Hakim, 37 ans, chercheur en mathématiques lillois est allé jusqu’à “abandonner femme, enfants et théorèmes” pour se rendre à Macerata, sans garantie de pouvoir acheter un billet sur place. Comme lui, en début d’après-midi, les fans du groupe d’Oxford sont partout dans la vieille ville de Macerata. Pour trouver le chemin du Sferisterio, il suffit de se laisser guider par la résonance du soundcheck en cours. On débouche alors sur une ruelle, à l’ombre du haut mur de scène du monument construit en 1823.
Là, levant les yeux (humides) au ciel, faisant les cent pas ou installés à la terrasse de l’auberge des arènes, quelques dizaines de personnes écoutent religieusement deux heures de répétition durant lesquelles Thom et Jonny filent la plupart des chansons qui se retrouveront sur la setlist – et quelques titres laissés de côté (Idioteque, Desert Island Disk et The Eraser).
Des fans de #Radiohead réunis pour écouter le très long soundcheck de #ThomAndJonny dans une ruelle, derrière le @MacerataOpera – 20.08.17. pic.twitter.com/mwHeu8r31k
— Yohav Oremiatzki (@YohavOre) August 22, 2017
Une nuit à l’opéra
21 heures. Comme le veut le rituel à l’opéra, plusieurs sonneries indiquent aux spectateurs de prendre place pour écouter la première partie choisie par Yorke et Greenwood, composée de musiciens du cru : le Cubis Quartet, très vite rejoint sur scène par le bandonéoniste Daniele di Bonaventura. Sublime alliance.
22h15. Thom et Jonny arrivent sur scène en empruntant une passerelle latérale. Une entrée sans artifice, à l’image de cette prestation bouleversante et surprenante. Les premières notes de Daydreaming résonnent dans l’enceinte du Sferisterio, réputé avoir la meilleure acoustique d’Italie. Cette réputation n’est pas usurpée, même si Thom Yorke demande à changer le réglage sur sa voix, ayant “l’impression de chanter dans une boîte de corn flakes”… Pourtant, on l’avait rarement entendu chanter si bien, si relâché. Une nouvelle preuve que l’Anglais de 48 ans est bien plus en voix hors tournée et en formule semi-acoustique.
Piochant essentiellement dans la discographie de Radiohead, Thom et Jonny présentent une dizaine de titres jamais joués en duo et alternent versions dépouillées (Weird Fishes/Arpeggi et Exit Music qui trouve ici un écrin à sa mesure) ou réarrangées pour l’occasion (Bloom, Nude dénudée, I Might Be Wrong, A Wolf at The Door nerveuse, All I Need). Et réservent une surprise de taille : une version toute belle, toute neuve de Follow me Around, jouée occasionnellement sur scène depuis la tournée OK Computer (1997-1998) mais jamais publiée. Riffs hypnotiques, beatbox jouant sur les variations d’équalisation et de volume, boucles de guitares à la Sigur Rós ou Portishead… Ce seul arrangement reflète l’ambition du concert : être créatif tout en allant à l’essentiel, viser l’épure mais non la perfection.
Thom + Jonny = le futur de Radiohead ?
Il y aura d’ailleurs pas mal d’imperfections voire de faux départs dans ce concert pourtant exceptionnel (Bloom, How to Disappear Completely, Give up The Ghost), trahissant peut-être un léger manque de préparation et un trac palpable. La plupart du temps, Yorke choisit d’en rire, blaguant en italien ou faisant le clown. Une manière de se protéger des fans transis, ou de ne pas se prendre au sérieux ?
“Thom a seulement pu venir répéter en Italie il y a de ça quelques jours mais ils ont mis une énergie énorme dans ce projet”, confiera Fabio Pucciarelli après le concert.
Pour son unique rappel, le duo choisit des classiques, terminant sur No Surprises et Karma Police. Bien qu’entendu mille fois, ce final n’a jamais été aussi beau. Au long de ce concert conçu pour les “fidèles”, est aussi (ré)apparue la nature du lien unique entre Thom Yorke et Jonny Greenwood. Le premier se comportant comme un grand-frère parfois dur mais protecteur, le second communiquant sans parler. En quittant ce décor de rêve, on se dit que l’avenir de Radiohead est là : dans une collaboration plus poussée, plus exclusive, entre Yorke et Greenwood.
.@mailansa on #Periscope: thom& jonny in macerata 2 https://t.co/lZfSjR86CY
— yasuko (@Y_Grrrr) August 20, 2017
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