On n’arrête pas de ressusciter le rock, pour mieux le déconstruire et le saccager. La floraison expérimentale de la saison promet d’être joliment baroque et foldingue.
On ne sait plus trop par quel bout prendre le rock. Tandis que les Strokes le ravivent, d’autres s’amusent à le déconstruire et le chahuter jusqu’à ce que mort s’ensuive. On avait quitté les passionnants partouzards post-rockeux Godspeed You Black Emperor! l’an dernier sur un double album orgiaque. On les retrouve ces jours-ci en formation étendue, sous l’appellation mystique Set Fire To Flames, le temps d’un album de musique improvisée, lancinante, qui laisse une large place aux bourdonnements sombres et guitares réverbérées, beaucoup plus cosmique qu’à l’accoutumée. Enregistré en cinq jours et cinq nuits, Sings Reign Rebuilder, l’album de Set Fire To Flames, est un marathon de free-rock sous codéine, une couette sonore pour l’hiver qui pointe. Dans la même famille, on annonce aussi la sortie du second album de Silver Mt. Zion, la version musique de chambre de Godspeed.
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Les atmosphères quasi gothiques de Set Fire To Flames ne dépareillent pas à côté de celles, aquatiques, de Stars Of The Lid, dont le nouvel album incorpore des instruments inédits chez ce duo américain : en sus des guitares maltraitées et des boucles chipées à Eno, Stars Of The Lid fait désormais boiter des pianos et quelques cordes. Leur musique, améthyste et noctambule, semble née des reins du thème de Twin Peaks : elle en possède en tout cas le teint sombre et l’éclat effrayant. Pour la BO du nouveau film de Bigas Lunas, Piano Magic a choisi de revenir à ses vieilles marottes atmosphériques : son ambient-rock est enveloppant, mêlé de bruits de vagues et de guitares claires. Beaucoup plus clairsemé que ses productions habituelles, ce Son de Mar marque une pause avant le nouvel album pour 4AD et la sortie d’une compilation des premiers singles rares et introuvables : une vraie bonne nouvelle pour les amateurs de jolies chansons neurasthéniques.
Faux parent de Piano Magic, Hood mâtine ses guitares sèches de breakbeats et d’abstractions électroniques : leur passionnant et délicat nouvel album, Cold House, en ressort illuminé et transgenre, comme un métissage savant entre Young Marble Giant, Apartments et Aphex Twin. Qui dit mieux ? Dans une lignée acoustique vicieuse, voisine de Hood, sévit Tinsel, un inconnu à la voix déraillée, pas loin d’un Leonard Cohen mal fagoté, pas lavé : son folk-rock est habillé de bourdonnements, de collages et d’elfes rachitiques. Son folk lo-fi dépravé rappelle la musique apocalyptique de Current 93. Sur le même label, Alice In Wonder (maison française folle et follement furieuse), on trouve les imprononçables Finlandais Kemialliset Ystavat : un collectif néo-hippie, qui fait du rock à l’envers, et de la chanson sens dessus dessous. Leur album Suurempi Pieni Palatsi est gorgé de parasites hululant à la mort : cet automne, on dansera le vaudou à Helsinki. A Chicago, en revanche, on dansera le marathon avec New Features, nouvel album de Him, qui doit beaucoup à Miles Davis, Fela et King Tubby et qu’on rêve de voir illustrer Téléfoot. Une émission dont doivent se régaler les Strasbourgeois de KG : leur punk électronique rabote le rock à coups de pogos rigolos.
Dans les semaines qui viennent, on redécouvrira, surtout, Chance Meeting on a Dissecting Table of a Sewing Machine and an Umbrella, le premier album des très surréalistes Nurse With Wound. Enregistré il y a vingt et un ans, ce disque était un manifeste dadaïste et iconoclaste, mêlant musique improvisée, rock déstructuré, collages concrets et sonorités industrielles. A l’époque, le NME, la bible musicale anglaise hebdomadaire, lui avait accordé une drôle de note maximale : cinq points d’interrogation, en lieu et place des étoiles habituelles. En 2001, cet album garde tout son mystère insondable de violeur en chef du rock.
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