Tractée par les bolides Noir Désir, Dominique A, Saïan Supa Crew, Kid Loco et Miossec, la caravane française est de sortie tout l’automne. Premiers albums ou relance de carrière, en solo ou en bande, la scène hexagonale agite ses lampions malgré la crise et confirme sa (bonne) santé stationnaire.
Pendant que la France qui préside mettait ses couilles au balcon, la France qui chante posait les siennes sur la table. Ou bien entre deux tranches de pain, comme dans le Sandwich au poil, l’un des plus savoureux moments du goguenard C’est pas pour danser (le 25 septembre) de Machinchose. Découvert l’an passé sur Des choses, album publié sous le pseudo de Machin, le Bordelais Eugène Lampion poursuit son uvre terroriste, entre happening situ et minimalisme hardcore, et réussit à marier Houellebecq et Bobby Lapointe. « C’est pas facile d’être un imbécile », entend-on sur Etre un imbécile. « Oui, mais ça finit toujours par rapporter », lui répond Jean Neplin sur Le Paradis bleu des c’urs couronnés (le 2 octobre). Personnage mythique de la scène rock parisienne du début des années 80, Jean Neplin n’avait pas enregistré de disques depuis près de vingt ans, préférant aller verser ses larmes de clown punk chez Taxi Girl ou les Rita Mitsouko Fred Chichin est ici à la production. Pas étonnant, donc, que Le Paradis bleu des c’urs couronnés, entre poésie réaliste et fantaisie novo, semble avoir été enregistré en 1982.
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C’est le 23 octobre qu’atterrira dans les bacs Uminski, le premier album de l’ancien chanteur de Montecarl, Philippe Uminski, qui des Small Faces aux Grosses Têtes a choisi de franchir le pas en solo. « Un bordel unique » nous promet la bio. C’est juste : personne, pas même Jean-Louis Aubert, n’ose plus parler d’amour comme Philou lorsqu’il éructe « Parlons de bonheur, faisons-nous l’amour » sur le boogie-disco-metal de Croire en son bonheur. Uminski, prophète du sexe à prix jeune ? Livrée à elle-même, c’est au service de l’écurie Tricatel que l’autre moitié de Montecarl, épaulée de trois nouveaux compères et rebaptisée A.S Dragon, s’était mise il y a un peu plus d’un an, en accompagnant notamment Bertrand Burgalat sur scène. Ultime témoignage de cette année passée sur les routes, Bertrand Burgalat Meets A.S Dragon (le 2 octobre) fait de l’œil au côté sombre de la force des paraboles electro du Burgalat de The Sssound of Mmmusic, son premier album. Comme on dit à Québec, « Ça envoie le bois ! »
Du bois, justement, il y en a plein dans les chansons de Bertrand Louis (album le 2 octobre) : du bois vert, servi à la volée sur ces textes au détachement malin où le cyanure se consomme exclusivement avec du Martini. Entre le jazz et la Javel, la pop au grand c’ur de Bertrand Louis balance, mais relève la gageure de faire rimer Aznavour et A nos amours. Celles de Dominique A vont apparemment beaucoup mieux, sa musique aussi. Après son Remué d’il y a deux ans, dernier coup de lame rageur dans le bois tendre du Twenty Two Bar, Dom A est allé chercher un vrai dur à cuire pour contenir ses débordements de fureur. Enregistré cet été au pays de Galles sous la très juste direction musicale de l’Anglais John Parish, Auguri (le 16 octobre) est le plus beau disque de rock jamais enregistré par Dominique A qui signe ici quelques-uns de ses textes les plus poignants.
Avec un nom pareil, Julie B. Bonnie (le 25 octobre) avait tout ce qu’il fallait pour venir jouer les Calamity Jane au milieu d’une rentrée qui commençait à méchamment sentir le musc et le tarama pêché sous la couette. Dommage que le folk de cette ex-Cornu ne laisse entrevoir ses charmes graciles que dans les moments où la voix n’est plus veillée que par une guitare, une trompette, un robinet qui coule ou un chanteur de Louise Attaque. Celui-là même qui, accompagné de l’un de ses habituels camarades de jeu, reprendra la route cet automne sous le nom de Tarmac, qui promet d’arracher grave le bitume.
Sur Internet, on découvre que Coralie Clément (album le 23 octobre) a un homonyme anglo-saxon spécialiste des altérations chimiquement induites du développement et fonctionnement sexuel chez l’homme. C’est l’effet que nous a fait le premier disque de la petite s’ur de Benjamin Biolay, entièrement produit par un frérot qui profite de l’occasion pour, sur Le Dernier Train, réaliser un vieux fantasme : nous rejouer Petula Clark et Jacques Dutronc en duo chez les Carpentier.
« Tout luit, tout brille, mais rien ne brûle », crache en ouverture de son quatrième album un Miossec (Brûle, sortie cet automne) qu’on avait, l’hiver dernier, cru cramé au sortir d’une dangereuse partie de double « Je ». Après avoir frôlé la caricature (A prendre) et signé quelques textes pour Johnny Hallyday, Jane Birkin ou Axel Bauer, le maillon faible de la nouvelle chanson française est toujours debout. Il n’a jamais si bien écrit et se permet même d’envoyer valser dans les cordes ses histoires d’amour tuméfiées. A ce propos, on se demande d’ailleurs bien quelle tête avaient les petits Anglais de Coldplay après que le Brestois leur a fait un enfant dans le dos et l’a baptisé Luke. Le bébé, lui, se porte à merveille et pousse ses premières canines sur La Vie presque (le 16 octobre), premier album à la maturité jamais frimeuse, qu’il faudra sans faute aller découvrir sur scène. Là où, à cheval sur un nuage de mellotrons troué d’arpèges iridescents, la langue bien pendue de La Cour des grands ou de Se taire est capable de coller des timbres sur les étoiles. La vie presque. La belle, bientôt.
A force de le voir traverser le Channel dans tous les sens, on craignait de voir un jour Marc Gauvin (La Femme légère, le 16 octobre) s’abîmer au large des côtes, quelque part entre Deauville et Portishead la ville. On s’inquiétait pour rien : en mettant le cap vers les mers du sud, les chansons nomades du Français, qui vogue ici dans le sillon du Gainsbourg de La Noyée (Petite fantaisie) ou de Moustaki (Elle est une île), évitent l’écueil de la répétition et conservent leur folle élégance.
En 1997, sur Smurf in the U.S.A., les Toulousains Bubblies rêvaient de passer leurs vacances chez l’Oncle Sam. C’est finalement chez l’oncle Nick (Sansano, arrangeur et producteur) que le groupe a passé tout l’été. A travailler. Lâché dans New York, le rock buissonnier de No Brain No Headache (sortie en septembre) a effectivement perdu la tête.
Il s’en passe de belles dans l’Hôtel Bocchi de Julien Ribot (octobre) : le fantôme de Oui Oui y remplace Mickey dans Fantasia et joue son slip au strip poker, à l’étage, Françoiz Breut fait des galipettes avec un orchestre mariachi tandis qu’au bar, Burt Bacharach se raconte des histoires de fantômes chinois. Bourré d’idées, le premier album de Julien Ribot a la fraîcheur des premiers Katerine. Et déjà l’insolente consistance des derniers. Il y a moins de couleurs sur la pochette de Real Seasons Make Reasons (le 25 septembre), premier album de Don Nino. Mais pas moins d’idées à l’intérieur. Encore parfaitement inconnu, cet ancien Prohibition s’apprête pourtant à publier le plus beau disque de folk bruitiste de l’année. Crépusculaire, le blues déchiqueté de cet américanophile ne cesse, assez bizarrement, d’évoquer le rock derviche de Spiritualized, mais repris par Will Oldham. Magnifique.
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BOSCO
Pour son troisième album, le premier pour une major, Bosco passe à l’Action. Rutilant catalogue de déconnages malins, de tubes insolents et de dérapages gourmands, ce nouvel album devrait un peu plus encore confirmer la place de vilain canard du duo dans la basse-cour de l’électronique française. Trop vulgaire pour les dindons hautains, trop trash pour les poussins bien peignés de la french touch, ces punks sans carte de parti proposent un authentique hédonisme de terrain, de combat. Une jubilation encore plus évidente dès que cette paire de vauriens kidnappe son idole Fred Schneider, des B-52’s, pour le dialogue explosif de Nonstop Nonsense. Automne riche pour le duo bricolo-biscoto-déconno-érotico, avec une première partie terriblement logique de New Order au Festival Les Inrocks/Orange, un titre sur la BO de Tomb Raider et Action, en action mondiale dès le 11 octobre.
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