Comment y voir plus clair dans le traditionnel bouchon de la rentrée discographique, particulièrement impressionnant cette année ? En prenant de la distance et en surveillant d’hélicoptère le gigantesque carrefour où hip-hop, rock, musiques électroniques et pop se frottent les ailes.
Un jour, il faudra qu’on dise deux mots à l’abruti qui a décidé d’appeler « rentrée » un moment de l’année où il n’est question que de sorties. En cette rentrée 2001, donc, dans la vaste sphère rock/electro/ rap, le flot imposant des nouveautés a encore de quoi affoler tous les instruments de mesure et faire vaciller la raison du chroniqueur chargé de l’inventaire.
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Si quelques gros poissons ont eu la sagesse de devancer l’appel en rentrant de la plage plus tôt que prévu pour éviter les embouteillages de septembre (Björk, New Order, Mercury Rev et les inévitables Strokes ont tous fait leur coming août), tous les autres frétillent désormais sur la grille de départ dans un peloton serré qui annonce une compétition homérique jusqu’aux portes de l’hiver.
Si on la contemple selon un certain angle, cette rentrée possède pourtant une drôle d’allure anachronique. Vivrait-on un remake de la rentrée 1971 ? Les plannings des événements annoncent en effet un Bob Dylan, un Leonard Cohen, un McCartney, un Mick Jagger, probablement un Bowie… Encore un peu et Nixon viendra en visite officielle chez Pompidou ! A priori, seul Leonard Cohen (totalement retrouvé sur un album qu’on n’espérait plus) n’a pas à rougir à côté des nouveaux noms à se mettre sous les incisives : de la chair fraîche dont les pages suivantes vous dévoileront en détail le menu. Il y a aussi quelques habitués de ces colonnes qui reviennent en pleine forme après de plus ou moins longs séjours en hibernation. Exemple : le très attendu nouvel album de Pulp, enfanté dans la douleur au cours des trois dernières années, arrive tout fringant en octobre. Non moins attendu, le retour prévu fin septembre de Spiritualized avec un Let It Come Down gargantuesque, gavé de gospel psychédélique et orné d’une production colossale. Entre ces deux piliers imposants, il y aura aussi la place pour de moins lourdes besognes comme un Suzanne Vega tranquillement bourgeois, une collection de reprises signées Tori Amos, un Kylie Minogue volontairement superficiel… Avec Garbage en figure de proue, les filles au caractère volcanique sont d’ailleurs aux avant-postes de la rentrée.
On vous épargne les blagues graveleuses sur Michael Jackson (pour ceux qui vivent sur la lune et auraient raté l’information : Invincible sera mis en orbite autour de la terre le 30 octobre), mais la soul non dépigmentée possède encore quelques dignes ambassadrices comme l’impeccable Macy Gray ou encore Kelis, dont le second album est dans les paddocks pour un démarrage plein gaz en octobre. Sur le front toujours bouillant du hip-hop, c’est également la grande fièvre des sorties. Ils sont presque tous au rendez-vous dans les prochaines semaines : les deux producteurs et auteurs phares de l’époque, Dan The Automator et Timbaland, mais aussi De La Soul, RZA, Cypress Hill, Mos Def, KRS 1 et nos plus turbulents tchatcheurs nationaux, Saïan Supa Crew, ou encore Akhenaton.
La scène française envoie d’ailleurs au turbin ses meilleurs cadres, pour la plupart absents des bacs depuis quelques saisons. Noir Désir ouvre le bal dès maintenant, avant la valse torride que s’apprêtent à danser Dominique A, Miossec et Kid Loco (très en jambe tous les trois) le mois prochain. D’autres noms à suivre de près se détachent aussi : Julien Ribot, Luke ou Kaolin, dans le sillage de ces augustes parrains, les Clones ou Roudoudou chez les laborantins de talent, la confirmation Intik chez les militants festifs. Sans oublier un poids lourd qui n’ose dire son nom : la moitié de Louise Attaque, baptisée Tarmac.
Un numéro spécial des Inrocks disséquera début octobre tous les disques de la galaxie electro. Des stars comme les Chemical Brothers ou « rinôçérôse » pointeront le bout de leur nez, mais d’ores et déjà on annonce le nouvel album jubilatoire de Bosco comme le probable événement de l’automne en France et celui, plus torsadé et inquiétant, d’Aphex Twin en Angleterre à côté de challengers comme Playgroup, Groove Armada ou Oxide & Neutrino.
Le dossier des pages suivantes montrera enfin qu’à l’arrière des arbres se dissimule une forêt intense de noms qui fourmillent, dans les familles plus ou moins extensibles des songwriters ou des bâtisseurs d’atmosphères, dans le rock hérissé ou la pop soyeuse. De Hawksley Workman à Smog, de Stina Nordenstam aux Czars, de Eels aux premiers pas discographiques de l’ombrageux Vincent Gallo, les seconds rôles seront parfois de premier ordre.
Et puisque la rentrée sonne aussi l’heure des plongées dans le grand bain, les premiers albums réservent encore cette année de splendides découvertes dont les auteurs encore inconnus (Princess Supertar, Baxter Dury, The Coral, Richard Hawley ou The Music) pourraient faire les gros titres des rentrées 2002, 2003 et suivantes. En attendant, la cuvée de cet automne est abondante, riche en parfums divers et en saveurs exotiques nouvelles. La dégustation peut commencer.
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