À l’occasion de la sortie de leur deuxième album, on a rencontré le groupe le plus cool du 94 (mais pas que), quelques heures avant son concert à la Bellevilloise en décembre dernier.
En décembre 2016, le Villejuif Underground débarquait sans prévenir dans le milieu du rock français. Quelques mois à peine après un premier album sorti sur le label SDZ, le groupe signait sur Born Bad Records et frôlait le génie en sortant un EP, Heavy Black Matters. Sur le titre Le Villejuif Underground, Nathan Roche, Australien exilé en France chante avec nonchalance et beaucoup de cynisme ses problèmes de visa, sur fond de boîte à rythme et de guitares crasseuses jouées par Adam, Antonio et Thomas, trois Français tout aussi perdus.
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La légende racontait alors que Nathan, après avoir écumé de nombreux squats s’était retrouvé à dormir dans une cabane au fond du jardin « grand comme un terrain de foot » de la maison de Villejuif qu’il partageait alors avec ses comparses français. Après un passage à Rock en Seine, et une tournée « absurde » en Chine « aux côtés des TOP 40 pop stars chinoises« , pas étonnant que le VU ait vite été intronisé groupe cool et déglingué qui allait sauver le rock français.
Ce 1er février 2019, le groupe fait son retour avec le génial When Will The Flies in Deauville Drop?, sorti sur Born Bad. De retour d’une tournée de quelques jours en France et en Italie, on les a croisé le 13 décembre dernier à la Bellevilloise, quelques heures avant un concert de folie aux côtés des Bryan’s Magic Tears.
Ce soir là, le Villejuif Underground n’est visiblement pas en grande forme et ne tari pas à sa réputation. Thomas, le bassiste du groupe a dû s’absenter, victime d’un problème à l’oreille. Entre manque de sommeil et descente d’acide, les trois autres ont visiblement passé une mauvaise nuit et débattent au sujet du – apparemment mauvais – concert de la veille : « Tu rigoles? C’était trop bien hier ! – C’est parce que t’as pris du LSD, mec. Moi j’ai pris de la coke et je peux te dire que c’était nul à chier ! »
Au bout de quelques (longues) minutes passées à essayer de les décrocher des balances de leurs potes de Bryan’s Magic Tears pour les installer autour d’une bière, puis d’une cigarette, puis d’une assiette, on a enfin réussi à leur parler :
Alors, comment s’est passée votre première tournée en Italie ?
Adam : C’était trop bien, cocktails tous les jours !
Nathan : Et on a bu les meilleures pintes du monde pour 5 balles à Rome !
Antonio : Je peux te donner l’adresse si tu veux, ça s’appelle la Taverne et c’est Via Plenestina 124 à Rome. Il faut en parler dans les Inrocks, comme ça ils seront riches grâce à nous.
Adam : Par contre, on a dormi par terre comme des chiens, dans une espèce de cité à Milan. Ils n’avaient pas prévu de logement pour nous.
Antonio : Et notre chauffeur était un ex-croque-mort, Marc. Big-up à lui !
Nathan : D’ailleurs, on a besoin de se faire 300 balles de merch au concert de ce soir. Vous voulez pas nous acheter un CD ? On doit de l’argent au croque-mort…
Il paraît que vous avez eu du mal à terminer l’album. Il a mis plus de temps que prévu à sortir. Qu’est ce qu’il s’est passé ?
Antonio : C’est juste qu’on n’arrête pas de créer, on est des machines. Quand on n’enregistre pas on tourne, et quand on tourne pas, on mixe.
Adam : On n’a pas le choix en fait !
Antonio : Par exemple, Wuhan Girl. À la base je l’avais composée sur un piano désaccordé en Bourgogne. Ça ressemblait pas du tout à ce qu’elle est aujourd’hui, c’était super lent. Et puis je sais pas, on a pris des champignons hallucinogènes à Villejuif avec Nathan, et on l’a passée en six fois plus accélérée. Et du coup c’est devenu un morceau de disco alors qu’à la base c’était une balade !
Nathan : Le truc, c’est qu’on a enregistré trois chansons il y a un an et demi et on a fait toutes les autres une semaine avant la fin. C’est parce que l’année dernière on a fait beaucoup de concerts. C’était super, mais c’est difficile d’enregistrer en même temps. Quand tu es en tournée, la dernière chose que tu as envie de faire c’est de t’enfermer dans une cave avec ton groupe. Moi, je préfère largement faire du vélo ou alors aller à la plage. Enfin moi ça va, j’ai juste eu à écrire les textes pendant mes vacances !
En vacances à Deauville ? Est ce que c’est de là que vient le titre du disque, When Will The Flies In Deauville Drop?
Nathan : Oui, le père de Thomas a un appartement à Trouville. J’avais besoin d’un endroit pour écrire donc je lui ai emprunté pour une semaine, pendant l’été et j’ai passé beaucoup de temps sur la plage. Là-bas, il y a vraiment, vraiment beaucoup de mouches, et elles essayent toujours de se poser sur ta tête… Parfois, elles restent sur le sable. Du coup, pour pouvoir être tranquille, il fallait que j’attende que les mouches se posent sur la plage. Je me suis dit que c’était sans doute une métaphore. Ou alors c’est juste un jeu de mot pour When Will the Beat Drop !
Et le reste du temps, vous habitez toujours tous ensemble dans votre maison à Villejuif ?
Nathan : C’est du passé. Moi, j’habite à Marseille, maintenant. La mer et le soleil me manquaient ! Et puis je suis marié depuis trois mois. Je dois encore attendre quelques mois pour que la préfecture me donne un titre de séjour.
Adam : Moi j’habite à Aubervilliers, en France.
Antonio : Et moi en Bretagne. En fait, la maison s’est écroulée. Il faut qu’on change de nom d’ailleurs ! (Rires)
Nathan : Le truc, c’est qu’on n’a fait qu’une chanson dessus, mais c’est quand même la question qui revient dans toutes les interviews. Ça, ou Born Bad. « Alors, ça fait quoi d’être sur le label Born Bad ? C’était difficile de jouer en Chine ? » Hé, je connais 1 000 groupes qui ont joué en Chine, c’est pas incroyable. Tous mes amis d’Australie ont fait des tournées en Chine. C’est juste à côté, c’est pas énorme.
Antonio : Après c’est vrai que nous on est partis en Chine alors qu’on n’avait rien. On n’avait même pas fait un disque. C’était notre première vraie tournée. C’était fun quoi. On est Made in China !
D’ailleurs, ça vous a fait quoi de passer de SDZ à Born Bad ?
Nathan : SDZ, c’est le meilleur label du monde ! Il y a tous les groupes de Born Bad avant Born Bad.
Adam : Dans le monde des grandes écoles du rock, ça serait la prépa. (Rires)
Antonio : Born Bad, ce serait plus comme Polytechnique, sauf qu’on gagne pas 800€ par mois. Mais sinon c’est pareil, ça ressemble au service militaire : il y a que des mecs. Non, en vrai c’est cool et ça nous a permis de faire plein de dates ! Et puis on a eu la chance d’avoir un tourneur alors que Nathan était sans papiers. Ça nous a mis le pied à l’étrier dans la grande famille du rock, on a rencontré plein de gens cool : Marietta, Julien Gasc …
Nathan : Je pense qu’il y a un peu un idéal du genre « Born Bad c’est le dernier label indépendant« , mais c’est n’importe quoi ! Il y a mille labels dans toute la France. La « grande famille« , c’est pas les groupes qui sont sur Born Bad, mais c’est tous ces petits labels. Pour nous, c’est plus intéressant de jouer avec plein de groupes, pas seulement ceux d’un seul label avec la même mentalité et idéologie.
Antonio : C’est pas forcément la raison pour laquelle on fait du rock. On n’est pas forcement en accointance avec tout Born Bad.
Nathan : On a envie de faire d’autres d’albums. Pourquoi pas sur d’autres labels du monde ! On n’est pas exclusifs. Born Bad Records, ça marche bien en France mais pas à l’étranger : personne en Australie ne connaît. Je suis content de ce disque, j’en suis même fier. Mais je préfère quand on joue en live, c’est complètement différent. On est un groupe de scène, pas de disque !
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