Avec son nouvel EP, “Sonho Azul”, le charismatique producteur luso-angolais parfait sa vision de la batida et nous plonge dans une exaltante spirale hypnotique. Rencontre avec le jeune ambianceur à l’univers onirique, membre du collectif congolo-montréalais Moonshine.
Toujours avoir un temps d’avance, voilà le moteur qui anime Vanyfox au quotidien. À bientôt 24 ans, Paulo Alexandre de son vrai nom a déjà les yeux rivés sur l’avenir et ses futurs projets, quand bien même il se trouve à une dizaine de jours de la sortie d’un nouvel EP. “Je sors un projet mais je ne m’arrête pas là, mon boulot c’est de voir plus loin”, lance avec aplomb le jeune homme. “Je vous laisse un petit projet en cadeau, pour que vous puissiez danser dessus, pendant que je reste enfermé dans mon box à faire mon travail et que vous puissiez écouter ce qui arrive”, ajoute-t-il en bon stakhanoviste.
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C’est que le fer de lance de la nouvelle scène batida – ce genre hautement percussif, à la croisée des musiques électroniques africaines et européennes, né dans les banlieues lisboètes au milieu des années 2000 – se sent investi d’une mission de nature divine, qu’il réalise en prêchant derrières les platines des clubs. “C’est grâce à Dieu que tout cela se passe. (…) Un de mes objectifs est d’amener ce style le plus haut possible dans d’autres pays, sans que ça ne devienne la tendance et que ne ça fasse comme l’amapiano”, confesse Vanyfox, soucieux que son genre de prédilection ne connaisse pas le même délitement que l’omniprésent phénomène sud-africain.
Près de dix ans après son arrivée en France, à Reims, à l’âge de 14 ans, le natif d’Odivelas – banlieue au nord de Lisbonne – connaît ces derniers temps, grâce à son inassouvissable dévouement, un sérieux coup d’accélérateur dans son parcours de DJ et de producteur. Depuis 2020, Vanyfox a multiplié les bonnes opérations, lui permettant de se tailler une place et une réputation au sein d’une scène underground électronique toujours plus globalisée : au sortir du premier confinement, il signe l’une de ses plus belles compositions pour une compilation du renommé label lisboète Enchufada, réalise une Boiler Room dantesque sur l’invitation du collectif parisien 99Ginger en 2021, et surtout, au même moment, il étoffe les rangs de l’inévitable collectif afro-diasporique Moonshine, avec lequel il publie un premier EP, le fougueux Banzelo, à l’été 2022, avant de monter encore d’un cran en terme d’intensité avec le nouveau venu, Sonho Azul.
“The Chosen One”
En sortant de son carcan solitaire pour rejoindre la bande fantasque de Moonshine, celui que ces nouveaux acolytes introduisent en tant que “The Chosen One” s’émancipe artistiquement, exploite pleinement son potentiel, tout en faisant preuve d’une authentique gratitude. “C’était une super expérience de m’intégrer à Moonshine en 2021, c’était spécial ! Ça voulait dire que ma sonorité représentait quelque chose pour eux”, reconnait-il a posteriori. “Ça a de la valeur pour moi. Je suis vraiment surpris de tout ce qui se passe en ce moment.” Une reconnaissance précoce de ses pairs qui vient saluer la ténacité dont a fait preuve le producteur autodidacte, lui qui n’aurait pas pensé occuper ce rôle aujourd’hui, si l’un de ses grands-frères ne l’avait pas incité à bidouiller le logiciel FL Studio lorsqu’il était ado.
C’est d’ailleurs l’un des points qui revient le plus souvent lorsque Vanyfox parle de sa musique : sa volonté de transmettre de la motivation afin que chacun puisse accomplir son plein potentiel, de “drop some knowledge” comme il aime à le dire. Avec ses beats vertigineux qui matraquent une signature rythmique addictive, Vanyfox espère apaiser et libérer l’esprit de ses auditeurs, que ce soit par la danse ou par un autre biais. “Sur cet EP par exemple, il y a une dynamique entre le bounce, la dance, et quelque chose de mélodiquement très profond”, analyse-t-il. “Dans Sonho Azul, il y a un message d’espoir pour les gens qui doivent gérer leur santé mentale, c’était déjà le cas sur mon EP précédent, Crazy Times. (…) C’est ce que j’essaye de montrer aux gens : il ne faut pas se cacher, se limiter quand tu veux faire de l’art. Lorsque je suis sur scène, il y a toujours quelque chose de soi caché qu’il faut essayer de ramener à la surface en jouant.”
Ce “rêve bleu” (traduction du portugais de “Sonho Azul”, ndlr) Vanyfox le façonne par le son comme David Lynch met en scène la séquence onirique du club Silencio dans son chef d’oeuvre Mulholland Drive (2001). Soit, une plongée sensorielle dans les abysses bleutés de la conscience, où un-je-ne-sais-quoi de mystère flotte inlassablement au travers de ses mélodies, provoquant une fascination à la frontière de la transe ; à l’instar de l’interprétation possédée de Llorando par Rebekah Del Rio dans le film de Lynch. Si le jeune producteur ne partage pas nécessairement ce rapprochement, il ne nie pas sa propension à composer une musique à l’image de ses songes : “Sonho Azul représente le calme dans son esprit et sa couleur… Et pour moi cet esprit est bleu parce que je vois tous mes rêves de cette couleur. Je ne sais pas pourquoi mais c’est peut être dû à la nostalgie, aux souvenir liés à des endroits, à des gens.”
Persévérance et sens de la famille
Sur les neuf nouveaux titres qui constituent la sève de Sonho Azul, l’artiste luso-angolais, aujourd’hui installé en banlieue parisienne, élargit son panel et parvient à surprendre au sein d’un genre d’apparence assez rudimentaire. “Les gens vont pouvoir m’entendre chanter, poser ma voix sur ce projet. Il y a des tracks un peu cachés dont je ne peux pas trop en dire… Mais vous allez trouver beaucoup de choses”, annonce-t-il avec malice. Pour la première fois sur l’un de ses lancements officiels, il convie d’autres artistes, comme par exemple la chanteuse belgo-angolaise Nayela sur le délicat et mélodique Final Feliz, version pop de sa batida. Juste avant d’emprunter à nouveau des chemins plus ténébreux aux côtés de DJ Lycox, autre ambassadeur du genre afro-électro en France, sur le mystique Realidade puis le cathartique Do Nada et ses rugissements tantôt sinistres, tantôt euphorisants.
Si les sonorités de l’imperturbable Vanyfox paraissent provenir d’une autre dimension, son inspiration, elle, est bien ancrée dans ce monde, puisqu’elle puise ses racines dans son sens de la famille et d’une solide confiance en soi. “Il y a toujours quelqu’un qui m’inspire ; en ce moment, c’est ma mère. C’est elle qui m’inspire pour continuer, ne rien lâcher en quoi que ce soit. Grâce à elle, je sais qu’il y a toujours un moyen de bien faire les choses. J’ai aussi beaucoup d’inspiration qui vient de moi-même, j’essaye d’être toujours meilleur qu’hier”, admet-il. Avec toujours le regard fixé sur l’horizon, Vanyfox garde la tête froide et le viseur focus sur ses prochains objectifs, avant d’entamer une tournée qui l’emmènera parcourir l’Europe, mais aussi Montréal et l’Arabie saoudite cet automne. Pour lui, pas de raison de s’inquiéter tant que l’essentiel est assuré à ses yeux : “Je suis toujours avec mon entourage, je me protège, il n’y a pas de stress. Je suis toujours moi. Je reste concentré.” Pas de place au relâchement pour Vanyfox, la constance demeure par-dessus tout.
Sonho Azul, disponible le 6 octobre (Moonshine).
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