Aperçu pendant les Inrocks Festival aux côtés de Moodoïd, ce pianiste de formation, rodé à l’exercice des concerts en tant que musicien de tournée, était à nouveau sur la scène de la Boule Noire, en solo cette fois. Le 11 janvier dernier, il venait en effet présenter son premier EP solo, une projection en six titres electropop de ses dialogues intérieurs.
Après près de dix ans comme claviériste pour Christine and the Queens ou Charlotte Gainsbourg, et un groupe electro synthétique Toys, qu’il fonde avec Bastien Doremus, Paul Prier s’échappe pour un projet solo qu’il signe sur le label Recherche et Développement (Jacques, PPJ, Miel de Montagne…). Il s’apprête à sortir un premier EP, dont il a dévoilé mi-novembre 2022 un extrait, Hard To Be Myself When I’m With U dont on vous parlait ici.
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Lui qui nous confiait s’être préparé minutieusement à cet exercice impliquant certes, de la musique, mais aussi de l’interaction avec le public, a expérimenté, non sans humour, le 11 janvier à la Boule Noire les interludes entre chaque morceau et les réglages d’un équipement plus tout jeune. Loin du premier concert de Toys, à La Flèche d’Or, au cours duquel sa voix l’avait lâché au moment de balancer un classique “Bonjour Paris”, il naviguait mercredi dernier de titre en titre ponctuant ceux-ci de quelques blagues, qui n’ont fait que renforcé la sympathie qu’il inspire.
Quelques jours avant, il était venu nous parler de piano, de dents qui tombent et de son EP à venir. Rencontre avec Paul Prier.
Presque un mois après avoir accompagné Moodoïd (programmé aux Inrocks Festival), tu es de retour sur la scène de la Boule Noire, mais cette fois, en solo. Qu’est-ce que tu ressens ?
Paul Prier — C’est assez marrant, c’est une salle dans laquelle j’ai beaucoup bossé, pour d’autres gens en l’occurrence, et là ça va être la première fois que je le fais pour moi, donc, je suis assez content. Avec Pablo – enfin, Moodoïd – c’était une manière pour moi de prendre mes marques et même si c’est ma quatrième date solo, c’est la première à Paris. S’ajoute à ça une légère pression : la présence des proches et des pros. Mais ça va, je suis assez serein et enthousiaste.
Tu appréhendes les choses différemment en étant seul sur scène ou en étant aux côtés d’un autre artiste ?
Oui, c’est deux choses complètement différentes. J’ai beaucoup tourné pour pas mal d’artistes, sur des grosses scènes, sur lesquelles maintenant je vais sans aucune appréhension. C’est mon métier depuis des années et l’enjeu n’est pas du tout le même que de jouer tout seul. Là, si tu me demandes de faire ça, je vais rentrer dans une espèce d’ascèse de deux semaines où je vais m’arrêter de boire et bosser méticuleusement mon show. Quand je suis musicien pour quelqu’un d’autre, je n’ai pas à défendre ma musique ni à remplir le reste du temps le show, le frontman s’occupe de garder le public. Là, je vais devoir faire de la musique et m’exprimer entre les morceaux. C’est assez excitant, c’est aussi pour ça que je fais ça.
Après avoir joué au soutien de la musique d’un autre, tu vas défendre ton propre projet. Ça fait partie des raisons pour lesquelles t’as eu envie de t’échapper un peu ?
Pas tellement, parce qu’en fait, si je me suis retrouvé à être musicien de scène pour d’autres, c’est de manière un peu accidentelle. Avec de la chance et des hasards, j’ai joué sur une première tournée qui a bien marché. On m’a appelé sur d’autres trucs, et à force, j’ai fait ça pendant quasiment 10 ans. J’ai récupéré cette casquette de musicien de live, de pianiste-claviériste, mais au départ, je voulais faire de la musique pour moi. Comme je suis un mec assez lent, qui prend du temps pour faire les choses bien, ça m’a pris quasiment six, voire sept, ans mais c’est pas une réponse à “j’en ai marre de jouer pour les autres, je veux faire mon truc, enfin avoir les lumières sur moi”, pas tellement. J’ai toujours voulu faire ça, plus qu’autre chose.
Dans le premier single, Hard To Be Myself When I’m With You, tu abordes un sujet plutôt personnel, introspectif. Le fait d’être seul, c’est aussi une manière d’avoir tes propres sujets ?
Oui, il y a cette question-là aussi, de raconter quelque chose au-delà de la musique. Pour moi, c’est l’étape la plus compliquée, de trouver l’angle, de savoir de quoi je vais parler. J’ai essayé de trouver une manière subtile de parler de quelque chose de personnel sans être complaisant, et finalement, les titres de l’EP, ce sont des chansons d’amour déguisées. Le concept de toutes les chansons, c’est des dialogues internes. Sur le premier, j’aborde les angoisses, les questionnements qu’on a tous.
On sent qu’une fois que tu as saisi un concept, tu suis le fil, notamment dans le clip dans lequel ton corps qui se disloque. Tu vois les choses comme un tout, des paroles jusqu’à la mise en image ?
Oui, sur chaque chanson, il y a un truc assez global. Sur Hard to be.., ça reste libre d’interprétation, mais le clip illustre un peu ça. Un mec qui est dans un tel état de stress qu’il finit par avoir la tête qui explose. Je voulais rester dans l’autodérision et je trouvais drôle ce prétexte de la crise d’angoisse pour avoir la matière visuelle un peu marrante à mettre en scène : les doigts qui se déforment, la tête qui explose, les dents qui tombent. Ce sont d’ailleurs des choses qui sont vraiment arrivées dans la vie ou des choses dont j’ai peur : les doigts qui se déforment c’est un cauchemar que je fais souvent en tant que pianiste ; la dent d’un de mes profs de piano était tombée aussi sur le clavier. C’est un mélange entre de petites anecdotes et une thématique plus globale de la paranoïa, la crise d’angoisse tournée un peu au ridicule.
Ce clip a été réalisé par Pablo (Padovani, aka Moodoïd). Le fait de bosser en équipe, même sur un projet solo, c’est une chose à laquelle tu tiens ?
C’est vrai qu’on bosse beaucoup les uns avec les autres, chacun sur les projets des uns et des autres, il y a un vrai truc de team. C’est pas systématique, il n’y a pas de contrat qui dirait qu’on doit tout faire ensemble, mais comme on se respecte mutuellement, dans nos qualités respectives de musicien, de réalisateur, de photographe, on se dit, autant le faire ensemble. C’est assez cool d’avoir cette énergie de bande, ça amène un essor créatif. Encore une fois, c’est un truc qui est chouette et à la fois auquel il faut faire gaffe parce que bosser avec ses amis c’est à bien doser.
Ton EP sort chez Recherche et Développement (R&D). Travailler avec eux, c’était évident ? Tu les connaissais ?
Je connaissais bien Etienne Piketty, le boss du label, qui est aussi un ami. Avant, il avait ce label, Pain Surprises. On avait déjà travaillé ensemble, et un jour il a décidé de monter R&D et il a commencé à m’en parler. Il est passé chez moi, il a écouté la musique et il m’a dit : “si tu veux on le fait ensemble.” Et je lui ai dit ok. C’était un procédé assez simple. [rires] J’ai discuté avec d’autres gens aussi à l’époque. Etienne n’arrivait pas forcément avec la plus grande force de frappe, le plus d’argent, mais j’ai eu hyper envie de le faire avec lui parce qu’il y avait ce truc de confiance entre nous. Je regrette pas une seule seconde. C’est un truc à échelle humaine, mais c’est quelqu’un avec qui je peux dialoguer tous les jours.
Avec lui, on avait envie d’élaborer les concepts, de prendre le temps de faire les choses bien, et que ce soit sur les visuels ou le clip, de faire en sorte que ce soit un projet cohérent, bosser une vraie identité. D’ailleurs l’ensemble du projet reprend le point de départ, qu’est le piano. L’histoire commence avec ma rencontre avec le piano, quand j’avais 15 ans. J’ai vite abandonné l’idée d’être soliste classique, mais c’est resté un truc central. Dans le visuel de l’EP et du single, tout s’articule autour des touches de piano : les touches forment les lettres PP et chaque sortie de single – comme le premier – sera accompagnée d’une version piano solo.
Comment tu imagines la suite ?
On sort un deuxième single fin janvier, et un troisième single accompagnera la sortie de l’EP, en mars, sur lequel il y aura six morceaux. Pour le live, l’idée c’est de faire un maximum de dates avant l’été pour présenter un peu le projet. Ensuite, on est en train d’élaborer un planning pour faire quelques clubs. J’ai envie d’avoir un beau projet de live. Pour l’instant, on est seulement deux, un batteur et moi et la basse sort des bandes, j’ai l’impression de déroger à la règle du live. C’est un peu frustrant, parce que pour moi, le squelette de cette musique c’est quand même la rythmique. On attend un bassiste qui va arriver à partir de février/mars.
Propos recueillis par Sophie Miliotis
Paul Prier sera à la Maison de la Radio et de la Musique dans le cadre de l’Hyper Weekend Festival le 21 janvier.
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