Armé de son attrayant rock fusion, le quintette du sud de Londres marque peu à peu les esprits de ceux qui croisent leur route. Pas étonnant que Dan Carey, tête pensante du renommé label Speedy Wunderground, leur ait mis le grappin dessus. Nous avons échangé avec trois de ses membres en amont de leur venue aux Inrocks Super Club, le 18 octobre prochain, à Paris.
Le week-end est à portée de main lorsque Jude Lilley, Tom Wilson Kellett, Caspar Swindells de Moresih Idols apparaissent à tour de rôle depuis leur fenêtre Zoom, tous trois éparpillés dans la capitale britannique. Malgré la distance que peut susciter la plateforme, l’atmosphère est relâchée et joviale au cours de la discussion avec trois des membres fondateurs de la bande née à Farmouth, petite ville portuaire à l’extrémité des Cornouailles. La complicité entre Jude, Tom et Caspar – respectivement co-leader, chanteur et guitariste, claviériste et second chanteur et enfin bassiste – ne fait pas l’ombre d’un doute malgré les diverses influences dont fait preuve le quintette depuis leurs débuts, à la fin de la décennie dernière.
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À l’instar de Black Midi, Squid ou encore Black Country, New Road, les joyeux acolytes de Moreish Idols s’amusent à puiser dans le même ancrage post-punk, sans jamais s’interdir d’expérimenter au gré de leurs pérégrinations musicales respectives. “Prendre du plaisir avant tout” : voilà le fondement même du groupe qui a vu le jour en marge de leurs années à l’Université de Falmouth. Après une première phase entamée en 2017 avec l’EP Lemoncello Sunrise, aux contours soul mélancoliques et acidulés, les Moreish Idols ont profité du temps mort imposé par le Covid pour repenser leur approche et se re-présenter au monde sous un nouveau jour. C’est dans ce contexte qu’ont éclos leur deux EP suivants, Float en 2022 et Lock Eyes and Collide, sorti cette année. Deux projets émancipateurs à l’esthétique plurielle, où art rock, dub, post-punk ou encore jazz cohabitent sans encombre. Bien au contraire. Jude, Tom et Caspar remontent le fil de leur histoire pour nous.
“South London Thing”
Si l’ADN de Moreish Idols s’est bel et bien formé sous le ciel des Cornouailles en trompant l’ennui entre deux cours, il aura fallu se déraciner pour les cinq membres du groupe afin de prendre une nouvelle dimension, comme se souvient Jude : “Notre histoire, c’est un peu l’histoire classique du groupe qui se forme à l’Université. Ce n’était pas quelque chose de cool de se prendre trop au sérieux dans son groupe, les gens faisaient tellement de musique ensemble, tout le monde avait plusieurs projets à l’époque. C’était juste l’une des choses les plus amusantes à faire à l’Université. Évidemment, nous avons commencé à prendre les choses plus au sérieux quand nous sommes arrivés à Londres.”
En atterrissant autour de 2018 dans le quartier de South London, alors en pleine effervescence musicale, Moreish Idols trouve une résonance particulière ainsi qu’un terreau fertile pour explorer pleinement son essence éclectique et se consolider en tant que groupe à part entière. Caspar, bassiste du groupe, raconte : “Vers 2017-2018, il y avait tous ces groupes qui jouaient souvent au Brick et au Wimble, et qui faisaient une sorte de post-punk assez proche du jazz. Il y avait beaucoup de nouvelles choses qui se passaient en jazz à ce moment, qui sortaient sur Brownswood Recordings et des labels de ce genre. Et cela se croisait avec tout ce post-punk qui connaissait une résurgence : Squid, Black Midi, Black Country, New Road. Il y avait toutes ces influences intéressantes, des choses qui n’avaient jamais été faites auparavant, ou qui n’avaient pas été faites depuis 40 ans. C’était un moment très excitant.”
À force d’arpenter les salles de concerts de Peckham, Brixton et consorts, le groupe fait de bonnes rencontres, dont une essentielle pour la suite de leur parcours. “De manière presque fortuite, nous avons rencontré Dan (Carey, ndlr), qui est notre producteur et dirige notre label aujourd’hui (Speedy Wunderground, ndlr). C’est quelqu’un de très en vue au sein de cette scène”, précise Tom.
Un mentor nommé Dan Carey
Pour enregistrer Float, premier EP enregistré sous la houlette du producteur londonien également derrière le son de Fontaines D.C. et Wet Leg, les cinq membres du groupe ont réussi à faire converger leur large éventail d’influences avec un fil directeur ténu au cours d’une intensive session de cinq jours. Le co-leader du groupe, Jude Lilley, revient sur leur collaboration avec enthousiasme : “C’est une expérience tellement harmonieuse avec lui. Dans le processus, il y a eu beaucoup de ‘oui’ entre nous tous, chaque décision était du genre ‘ouais, faisons-le, allons-y’. Et Dan est connu pour avoir apporté cette idée de laisser les groupes jouer en direct et de les capturer ainsi (…) C’est une priorité pour lui et c’est ce sur quoi le label est basé : réunir les groupes dans une pièce, les faire enregistrer, capturer ce moment plutôt que de s’enfoncer dans un tunnel avec toutes ces décisions sur les effets à utiliser et quelles prises à utiliser. Si ça sonne bien, il faut le capturer, et c’est exactement ce dont nous avions besoin. Car nous étions souvent piégés dans ce processus à utiliser des ordinateurs, plein d’outils et de ne pas être capable de les reproduire sur scène.”
L’identité et l’unité de Moreish Idols ressortent définitivement grandies de cette association. Et cela se poursuit sur leur dernier EP en date, Lock Eyes and Collide, qui diffère dans son approche artistique en se concentrant sur les forces et les vulnérabilités de chacun des membres, le tout en apportant à tous la possibilité de s’exprimer.
Une fois encore, les méthodes peu orthodoxes de Dan Carey lors de l’enregistrement ne sont pas étrangères à la symbiose actuelle du groupe, comme le rapporte Tom : “C’est à 50 % du vaudou et à 50 % de la technique pure. Il est du genre : ‘C’est le bon moment de faire la prise’, et puis il va aussi te dire ‘Ce que tu dois faire, c’est enlever un tout petit peu d’aigus de cette guitare’ ou quelque chose comme ça. C’est très spécifique et c’est le meilleur des deux mondes parce que nous ne sommes pas le groupe le plus technique, mais nous ne sommes pas non plus le plus négligé. Nous avons juste besoin de ce genre de choses, ça nous convient parfaitement.” Nul doute que l’ambitieux renouvellement stylistique de Moreish Idols et sa perpétuelle prise de confiance sur scène fera mouche le 18 octobre prochain, sur la scène des Inrocks Super Club.
Moreish Idols en concert le 18 octobre aux Inrocks Super Club à La Boule Noire, à Paris, avec Special Friend et BLANK\\. Vous pouvez déjà réserver vos billets à cette adresse.
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