Lors de son passage récent en France, on a pu capter le rappeur californien G-Eazy pour discuter avec lui. Son troisième album, la polémique H&M, E-40… il évoque tout ça malgré sa gueule de bois parisienne.
Coffré dans un luxueux hôtel du 8e arrondissement de Paris, Gerald Earl Gillum, plus connu sous l’alias G-Eazy, fait la moue. Débarqué la veille de sa Californie natale, et encore bien amoché par son escapade nocturne et tardive dans la capitale, le rappeur a une petite mine avec son jus d’orange à la main. Afin qu’il soit dans les meilleurs dispositions possibles pour parler de son dernier album (peut-être aussi pour l’aider à se sortir de ce lendemain difficile), on attaque avec des questions faciles sur sa ville, Oakland, et plus précisément sur la Bay Area (lieu et mouvance rap californienne de référence, représentée par les grands noms E-40, Mac Dre, Too Short…).
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Il esquisse un sourire, certes léger, mais quand même. Puis sa langue se délie :
“D’où je viens, ils sont des dieux. Ils font partie des artistes les plus influents de la Bay Area. Ils ont influencé toute ma génération [G-Eazy est né en 1989 – ndlr], et bien d’autres avant moi. Leur musique représente vraiment un style de vie spécial, dont ils ont dessiné les contours. Moi, je m’en suis beaucoup inspiré. Tu sais, quand tu as des modèles comme ça, qui connaissent parfaitement l’endroit d’où tu viens, et qui en plus ont réussi, c’est hyper inspirant. Ils sont vraiment des superhéros”.
Young Gerald VS G-Eazy
Petit à petit, G-Easy semble bientôt disposé à nous parler de son disque. Et cet album, The Beautiful & Damned (paru à la mi-décembre 2017) porte dans son titre (« Le beau et le damné » en français) toute la complexité de la relation entre le rappeur et ses addictions. “Dans la vie, dit-il, tout est une histoire de balance et de modération. Il faut garder la tête hors de l’eau. Tu connais tes propres limites, ce dont tu es capable de faire ou non, ce qui est trop et ce qui est bien… C’est pour exprimer cela que j’ai choisi ce titre”. Pour illustrer cette « balance », ce jeu de funambule entre le bon et le mauvais, G-Eazy a trouvé une pirouette plutôt habile.
Tout au long de ses morceaux, le Californien fait se confronter deux protagonistes : Young Gerald, “la version calme” de lui, et G-Eazy, un homme qui “a perdu la tête depuis de longues années maintenant”. Un procédé récurrent dans sa musique, qui lui est venu naturellement. “Je crois que quand tu écris un album, dit-il, tu dois vraiment tout laisser sortir naturellement. Créer avec l’esprit ouvert, et juste voir où cela te mène. C’est ce que j’ai fait et je me suis retrouvé avec toutes ces chansons. Tout ce que j’ai créé pour ce disque tournait autour de ces deux personnages, ces deux personnalités qui finalement ne partagent qu’une unique chose, le même sang”. Pour mieux comprendre cette dualité, les morceaux Sober, Legend, ou encore Pick Me Up sont de bons révélateurs.
Un casting XXL
En plus de Young Gerald et G-Eazy, des invités prestigieux se sont greffés à ce disque. Sans parler de son modèle E-40 (Charles Brown), ni de Kehlani (Crash & Burn), ni des autres (Charlie Puth, Drew Love, Sam Martin…), le titre/tube No Limit réunit rien de moins que Cardi B et A$AP Rocky. Deux artistes avec lesquelles il est “pote”, et sur lesquelles il ne tarit pas d’éloge :
“Cardi est une artiste sensationnelle. Je suis vraiment super fière d’elle, elle inspire tout le monde. Elle a cassé tellement de barrières et de règles ! Et je pense que dans un sens elle a changé la pop culture. C’est vraiment puissant !”.
Ah, et ce morceau s’est fait en une nuit. “Avec Rocky, on a fait la chanson en 10 minutes. Je l’ai envoyé à Cardi dans la foulée et elle est venue toquer à la porte du studio la même nuit”.
Good buzz, bad buzz
Outre son disque (mixé par son fidèle Dakari, aussi producteur) l’actualité de G-Eazy est chargée. Il y a de bonnes choses : pendant les Jeux olympiques d’hiver, en février, la chanson The Beautiful & Damned sera diffusée dans le spot publicitaire Beat qui accompagnera la compétition. “C’est une opportunité incroyable. La chanson va tellement avec l’esprit de la pub. Puis, tu sais, en général il y a une énorme connexion entre le hip-hop et le sport”, estime le rappeur.
Et puis en parallèle de cette excellente nouvelle, il y a le cas H&M. Gerald devait sortir une collection capsule avec la firme à l’orée du mois de mars 2018 ; une idée évidemment avortée, dès la suite de la polémique autour de leur sweat-shirt raciste. À ce propos, le rappeur est sans équivoque :
“D’abord, je me suis senti embarrassé, puis touché et abattu. Qu’un truc comme ça arrive en 2018 et que personne ne dise rien, ça m’a beaucoup dérangé. Puis, ma deuxième réaction a été de me tirer de ça, je ne veux pas être relié à eux plus longtemps. La collaboration était bien avancée, mais quand quelque chose comme ça arrive, tu dois juste t’écarter de ces gens.”
Plutôt que de se quitter autour d’un sujet épineux, le rappeur préfère conclure autour de son court-métrage biographique – aussi appelé The Beautiful & Damned – qui accompagnait la sortie de son disque. “Je n’avais rien fait de similaire auparavant et j’étais emballé par cette idée de donner vie à l’album, de lui donner la forme d’un film, raconte-t-il. Quand j’écris, je le fais dans une perspective très visuelle. J’adore raconter des histoires et j’aime que ma musique te transporte quelque part. Le thème de l’album s’y prêtait parfaitement, alors je me suis lancé”. Avant de préciser qu’il a “adoré l’exercice” et que des projets de cet augure le tenteraient beaucoup dans le futur.
Album The Beautiful & Damned (RCA/Sony) est disponible sur Apple Music.
{"type":"Banniere-Basse"}