À l’occasion de la sortie du deuxième album de Camp Claude, « Double Dreaming », on a rencontré l’éclatante Diane Sagnier, qui nous a même concocté une petite playlist de ses inspirations du moment.
En 2016, Camp Claude sortait de l’ombre avec un premier album électro-pop rayonnant et très salué, sobrement intitulé Swimming Lessons. Piloté par la talentueuse Diane Sagnier, vite rejoint par le suédois Leo Hellden et le britannique Mike Giffts, tous les deux échappés de Tristesse Contemporaine, le trio avait même été qualifié de « meilleur espoir pop du moment », grâce à sa musique aux accents lumineux, dansants et envoûtants.
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Près de trois ans plus tard, Camp Claude fait son grand retour au mois de mars avec la sortie du sublime Double Dreaming. Bien plus rock et dynamique que son prédécesseur, ce nouveau disque semblerait davantage taillé pour les salles de concerts. Tout en dévoilant l’énergie dont il est capable, le groupe n’en oublie pas la délicate sincérité de la voix de Diane Sagnier, enveloppée de guitares et synthés toujours aussi minimalistes et rêveurs.
À l’occasion de la sortie de Double Dreaming, nous avons rencontré la jeune femme autour d’une menthe à l’eau du même vert que ses cheveux. Perchés sur le toit de la Brasserie Barbès, proche du métro aérien du nord de Paris, nous avons discuté avec elle pendant plus d’une heure, entre fou-rires et tentatives de définitions de ce qui fait l’artiste à l’heure d’Internet. Tenant sa promesse, Diane Sagnier nous a même partagé la playlist de ses coups de coeurs du moment, à retrouver juste en dessous !
Ton deuxième album, Double Dreaming vient de sortir. Ça fait longtemps que vous l’avez dans les circuits ?
Diane Sagnier : Oui, ça fait un petit moment qu’il est prêt. Certaines tracks étaient déjà dans l’EP qui a suivi la sortie de notre premier album, parce qu’on avait déjà commencé à composer à peine un mois après. Finalement, l’écriture s’est fait assez vite, le reste du temps c’était surtout du fignolage. Je suis trop contente qu’il soit enfin sorti ! Surtout qu’au niveau de tout ce qui va autour, que ce soit vidéos, les boucles, et tout ça, je suis dessus depuis très longtemps. Et puis il y a un mois, je me suis rendue compte que j’avais encore plein de choses à faire avant la sortie de l’album et c’était un peu la panique. Mais bon c’est pas très grave parce que je bosse bien dans l’urgence : j’ai réussi à tout rendre il y a deux jours ! (rires)
Justement, comment tu définirais ta place dans le groupe ?
C’est compliqué à expliquer. En gros, on compose tous les trois. La plupart des prods, des mélodies et de la musique sont faites par les garçons, et notamment par Léo. De temps en temps, ça m’arrive d’apporter quelques suites d’accords à la guitare, et ensuite ils les prennent, les modifient, on enregistre des petits morceaux et eux ils en font un truc. Mike s’occupe aussi des paroles avec moi ! C’est un très bon lyricist, donc on écrit ça tous les deux. Au final, il y a une bonne balance entre nous trois, chacun met la main à la pâte.
J’ai l’impression que ce deuxième album est bien plus énergique et rock que le précédent. Est-ce que tu saurais expliquer pourquoi ?
Je pense que pour cet album on a surtout beaucoup été inspirés par le live. Avec le premier, que j’aime aussi beaucoup, je me suis souvent retrouvée confrontée à beaucoup de balades et des morceaux sur lequel le chant était assez plat. Du coup, j’avais du mal à donner de l’énergie sur scène… alors que j’en ai énormément à offrir ! (rires) Pour ce deuxième album, on ne s’est pas dit qu’il fallait faire des tracks taillées pour le live, mais plutôt on écrivait et on se disait « Putain ce morceau va être trop bien en concert ! » Avant, je jouais uniquement sur une guitare acoustique. Et puis pour cet album j’ai acheté une guitare électrique. J’ai directement été chercher des pédales, et notamment une Big Muff pour mettre de la disto partout, ce qui a pas mal orienté les morceaux. En fait, ça paraît plus rock, plus pechu et parfois même plus dansant, parce qu’on avait envie de dégager ce type d’énergie en live de temps en temps. Et c’est cool parce maintenant, on peut alterner sur scène entre des balades et des trucs beaucoup plus énergiques. Et ça fonctionne trop bien, les gens dansent !
Tu écoutais beaucoup de rock dans ton adolescence ?
Ça dépend, il y a quelques trucs super honteux (rires). Petite, j’écoutais des trucs assez classes, je piochais dans les CD de mes parents : il y avait du Bruce Spingsteen, le White Album des Beatles, un peu de Elvis, des groupes comme Pow Wow ou Toto… Et puis j’ai grandi. Le premier album que j’ai acheté c’était celui des Spice Girls ! J’ai aussi beaucoup écouté de Britney Spears : j’avais le single Baby One More Time quand j’avais neuf ans et je l’adorais. En grandissant, je suis passée sur du Avril Lavigne, et puis ensuite c’est revenu un peu plus cool : Sum 41, Blink 182, Paramore. J’étais très punk-rock. Avec les débuts de My Space, j’ai aussi commencé à m’intéresser à des groupes emo dont je me souviens plus les noms, tellement il y en avait. Franchement, les débuts d’Internet c’était tellement une bouffée d’air frais pour la musique ! Pour moi, c’est le moment où j’ai commencé à puiser des influences un peu partout. Maintenant, j’écoute de tout, c’est vraiment éclectique.
La musique, c’était ta seule passion quand tu étais plus jeune ?
Quand j’étais petite j’habitais dans les Alpes. C’était trop beau de grandir là-bas, au milieu de la nature, des montagnes, de la neige, à passer mon temps en randonnées à caresser des marmottes et voir des bouquetins en flan de falaise. C’était super inspirant, et il y avait une ambiance un peu « dreamy« . Au collège, on a déménagé dans le sud de la France, dans un village où jusqu’à mes 17 ans, il n’avait pas de bus pour aller en ville. Du coup, je passais beaucoup de temps enfermée chez moi à m’ennuyer. Comme je ne savais pas quoi faire, j’ai commencé à créer des choses : musique, images… Franchement, je remercie l’ennui immense que ça m’a apporté parce que grâce à ça je me suis développé plein de passions !
J’ai appris que tu es également photographe pro à côté. Tu as fait l’école des Gobelins, c’est bien ça ?
Tout à fait ! Quand j’ai été diplomée, je me suis mis en mode « boulot » directement. Je ne faisais que shooter, tout le temps, tous les jours : j’étais super active. À 20 ans, tu as plein d’énergie et comme tu connais pas grand chose, tu fonces dans le tas. J’ai eu l’occasion de travailler avec plein de petits médias, au début gratuitement, et de rencontrer des artistes. J’adore mettre des images sur un univers musical. D’ailleurs, mon projet de fin d’année des Gobelins, c’était une succession de photos en vidéo, un peu comme du stop motion et comme musique pour accompagner, j’avais moi même enregistré une petite cover d’un morceau. Quand les gens ont découvert ça, ils m’ont proposé de faire des clips pour eux, et je suis devenue réalisatrice dans la foulée. J’ai un peu appris sur le tas, et je faisais tout moi même : photos, retouches, tournage, montage, étalonnage… L’année dernière, j’ai tourné un clip au téléphone pour L.A. Salami et c’était super fun et cool. J’ai aussi fait une vidéo pour Niki Niki, mais c’était une plus grosse prod, que j’ai co-réalisé avec mon mec.
Et ça te laisse du temps pour Camp Claude ? C’est toi qui réalise vos clips ?
Pour l’instant oui, c’est moi qui les ai tous réalisés. Mais j’ai fait trop de trucs ces derniers moi, j’en ai eu marre. Pour réaliser un clip, il faut se donner à fond. Les gens ne se rendent pas compte mais c’est énormément de travail et de préparation. Pourtant, j’adore travailler au feeling. D’ailleurs j’ai déjà fait ça : partir avec des potes, sans de scénario précis mais juste une base de direction artistique histoire que ça reste un minimum cohérent. C’était cool, mais c’est compliqué de se filmer seule et du coup c’est dur de rester spontanée. Donc il faut tout écrire, tout prévoir, et c’est un boulot monstre ! Pour notre dernier clip, j’ai bien galéré. Il a coûté un peu cher, et on a mis du temps à le faire valider. Le prochain, j’ai décidé de le refiler à quelqu’un d’autre ! Elle s’appelle Diane Gay, elle a 22 ans et en plus d’avoir le même prénom que moi elle est aussi touche-à-tout ! (rires) Ça fait longtemps que je la suis sur les réseaux sociaux et elle fait des trucs vraiment super, donc j’ai confiance ! J’ai commencé à écrire un scénario, ça devrait sortir courant avril.
Justement, est-ce que tu penses que le fait d’être une artiste super complète et touche-à-tout comme tu dis, ça apporte directement à ta musique ?
Je ne sais pas vraiment. J’aimerais bien voir ce que ça donnerait dans un monde parallèle ! Ce qui est sûr, c’est qu’au départ je ne savais pas vraiment ce que je voulais montrer. J’ai eu besoin de beaucoup de temps pour expérimenter, pour filmer, et faire pas mal de choses. Il y a plein de trucs que je n’ai jamais sorti parce que j’en étais pas satisfaite. Et puis, chaque nouvelle idée est une expérimentation. J’avance un peu au fur et à mesure, je ne me dis jamais « j’ai tout fait moi-même, trop bien ! » (rires) J’avais ce personnage, Camp Claude, à faire évoluer et je ne savais pas vraiment qui il était au début. En tout cas, pas en image. Donc j’ai commencé à développer cette personnalité là, et je pense que je ne m’en suis pas trop mal sorti. Maintenant qu’il a une vraie identité visuelle, je peux commencer à passer le bébé à d’autres gens. La musique, c’est de l’art, au même titre que l’image. Peu importe ce qui sort, que ce soit de la peinture, de la photo, de la musique, de la vidéo, il y a plein de façons différentes de s’exprimer. C’est intéressant d’utiliser toutes les plateformes et les médias possibles !
Tu t’es aussi occupée de la cover du disque ?
C’est pas moi qui l’ai shootée, c’est Cédric Jereb qui s’en est occupé. J’ai organisé un petit shooting dans le sud, pas très loin de chez ma mère. Il y a tellement de trucs à exploiter là-bas ! C’est un paysage vraiment magnifique, provençal, avec de petites collines sympas, pas loin de l’étang de Berre qui est l’une des plus grandes étendues d’eau salée d’Europe. Le problème, c’est qu’aujourd’hui il est noir d’algues polluantes, à causes d’usines qui se sont installées tout autour et qui ont rejeté n’importe quoi dedans, en tuant tout ce qui y vivait. Pendant un moment, on pouvait plus du tout s’y baigner tellement c’était sale. Il y a vraiment ce contraste là bas, entre le magnifique paysage et tout ce qui a été détruit, la saleté, et les constructions. Mais bon je pense que c’est le cas partout en France et dans le monde. Je me rappelle que quand j’étais ado, on allait dans des criques paradisiaques, et maintenant c’est totalement bétonné. C’est vraiment chaud, je trouve.
Tu sais ce qui te rattache quand même à la France ?
Je suis franco-américaine, via ma maman. Je suis déjà allée aux États-Unis, en vacances mais aussi pour le boulot. D’ailleurs, on avait joué un concert à New York ! Mais je ne pense pas m’installer là-bas. Le travail en photo proposé là bas ne m’attire pas vraiment, et le climat politique compliqué et le système de sécurité sociale me font peur. J’adore l’ambiance qu’il y a là-bas, mais je préfère quand même la France. C’est cosy, on est à la maison !
Tu chantes et tu écris uniquement en anglais. Le fait d’être franco-américaine ça a aidé, j’imagine ?
À la maison, j’ai grandi avec de la musique anglophone, mes parents n’écoutaient pas beaucoup de morceaux français. Je n’ai pas vraiment eu cette culture. Ma maman est prof d’anglais, donc elle a vraiment poussé le truc à fond, pour qu’on soit bilingue. Par exemple, quand on nous mettais devant la télé, c’était toujours Cartoon Network en anglais. Et puis ado, si je voulais des manga en français et pas en anglais, il fallait que je me les paye moi-même, avec mon argent de poche ! (rires) Ça m’a toujours fait marrer, d’avoir grandi comme ça. Et puis maintenant j’ai l’impression de beaucoup mieux m’exprimer en anglais qu’en français ! Quand j’ai commencé à chanter à jouer de la guitare, c’était quasiment jamais des chansons en français. J’ai peut-être du jouer un peu de Damien Saez, mais sinon je ne connaissais pas grand chose. En fait, je trouve que chanter en français, c’est plus compliqué, et je ne suis pas assez littéraire pour ça. J’ai plus facilement le réflexe d’avoir un vocabulaire plus pointu, avec le petit mot qui passe bien en anglais.
Même si chanter en anglais doit te donner plus d’écho à l’étranger, tu n’as pas peur de passer à côté de la scène émergente d’artistes qui chantent en français et l’assument ?
Pour l’étranger je ne sais pas encore, on verra bien ! Dans tous les cas, je pense qu’il y a toujours eu beaucoup de chanteurs qui assument leur français. En tant que photographe, j’avais fait beaucoup de promo d’artistes français. C’est vrai qu’on a l’impression qu’il y en a de plus en plus, mais c’est peut-être grâce aux nouvelles technologies qui rendent la création plus ouverte et à la portée de tous. En France, ça restait assez compliqué de se faire connaître sans passer par les réseaux traditionnels de promo. Grâce aux réseaux sociaux, avec un petit coup de chance tu peux facilement réussir à sortir de ces sphères et à faire ton auto-promo ! En fait, je ne me sens pas vraiment comme une artiste française. De manière générale, je ne pense pas trop à tout ça. Mais bon, on est hyper anglophones, et j’ai parfois l’impression d’être détachée de la scène française, même si j’adore ce qu’il se fait. Et puis même, il y a plein de groupes français en anglais, je pense notamment à Agar Agar, Bonnie Banane, Niki Niki, Yannis, Muddy Monk, et puis aussi les frères jumeaux Ryder The Eagle et Jazzboi qui font des trucs super… Il y a plein de trucs trop bien qui sortent ces derniers temps !
Propos recueillis par Zoé Pinet
Camp Claude est à retrouver en concert à la Maroquinerie (Paris XX) le 27 mars prochain.
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