Petite larme : REM, héros depuis les années 80 du rock alternatif américain, n’est plus.
Une carrière exemplaire s’achève en pente douce : REM a splitté après plus de trente ans de vie commune. Une séparation sans tapage, sans vacarme, à l’image d’une vie loin du tumulte, enracinée à Athens, dans la Géorgie, où le groupe avait totalement rénové au début des années 80 les vieux grimoires du folk-rock américain.
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REM a ainsi été ce groupe outsider qui, malgré lui, a été rattrapé par le gigantisme à l’occasion de tubes phénoménaux comme The One I Love ou surtout Losing My Religion, qui ont accompagné dans les années 80 la montée en puissance des college radios américaines et le triomphe de ce qu’on appelait alors le rock alternatif. Que reste-t-il d’alternatif au rock quand il devient à ce point mainstream ? Cette question, Michael Stipe et ses hommes ont dû se la poser, en enregistrant des albums plus expérimentaux, comme le somptueux Automatic For The People (1992).
Quand on le rencontrait, le groupe frappait par son étrangeté, son anomalie presque : mélange de rustique, voire de rustaud, et de grâce sophistiquée, précieuse, il semblait avoir les santiags bien ancrée dans le Sud éternel mais la tête, du moins celle de Stipe, totalement larguée dans le cosmos et les nuages. Ils évoquaient ainsi ces dessins tordants du dessinateur anglais Glen Baxter, où des cowboys devisent sur Kant ou le surréalisme tout en attrapant des vachettes au lasso.
REM, c’était à la fois la poussière de la terre et celle des étoiles, un mélange insolite de musiques strictement américaines (les groupes en B du bonheur : Beach Boys, Big Star, Buffalo Springfield ou Byrds) et de lyrisme éthéré, venu sans doute d’Angleterre dans quelque rêve humide de Michael Stipe. Ce décalage entre le chanteur et son groupe était trop criant de vérité depuis l’extérieur pour être à ce point marqué en interne : les rôles étaient sans doute moins caricaturaux, mais de ses différences, le groupe a nourri une musique impossible, souvent merveilleuse – Nightswimming ou Everybody Hurts, entre autres ballades chancelantes.
Le groupe est ainsi resté, au fil de ses quinze albums, en équilibre, penchant parfois d’un côté, parfois de l’autre, se faisant peur en s’éloignant trop de ses bases à l’époque de Automatic For The People, au point d’enchaîner avec un Monster rétrograde, mais rassurant pour le groupe. Même s’il était devenu plus pépère musicalement avec l’âge, REM reste un exemple de dignité et d’exigence, d’engagement politique et citoyen infatigable. Aux Etats-Unis seulement, le groupe a vendu plus de 25 millions d’albums : ça n’aurait servi à rien si ça n’avait pas permis d’ouvrir les portes des charts et des radios à tout un pan du rock, de Radiohead à Nirvana (qui devait tourner avec les hommes d’Athens, tout était réglé, sauf le suicide de Cobain). « Un homme sage a un jour dit ‘réussir une fête, c’est savoir quand se retirer’”, écrit aujourd’hui le groupe sur son site. Bonne retraite, donc, même si on est déjà certain de vite retrouver Stipe en solo, et probablement loin de la terre.
JD Beauvallet
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