Ambitieux mais pas chantilly, l’élégant et classique cinquième album du Canadien.
Dans la confidentielle assemblée d’artistes que réunissent, sous l’honorable étiquette de fils spirituels de Randy Newman, Scott Walker ou encore Colin Blundstone , nos plus douces fantaisies, Rufus Wainwright n’a eu de cesse, depuis une dizaine d’années et son pétulant premier album, de jouer le rôle du bourreau des cœurs. Il leur fit souvent battre la chamade, pour ensuite leur imposer une cadence plus lente, voire de désagréables ralentis.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Car Rufus Wainwright a ce qu’il convient d’appeler les défauts de ses qualités : romantique en diable, dévoilant un lyrisme à faire passer Neil Hannon pour un gérant d’autotamponneuses belges, il est capable d’offrir des envolées chantantes de la plus haute altitude (Cigarettes & Chocolate Milk et The One You Love restent, pour ceux qui les fréquentent régulièrement, d’exquis petits refuges), mais aussi, poussant la chose à son paroxysme, de tomber dans l’exagération, comme on peut se noyer dans le total-look et les fanfaronnades. Ainsi Want One, avec ses quelques passages outranciers et autres citations du Boléro de Ravel, avait un peu fatigué, avant que le plus modeste Want Two ne vienne, tout en finesse, rassurer les plus pessimistes.
A cet étrange diptyque succède aujourd’hui Release the Stars, que les mauvaises langues pourront rebaptiser Want Three, pour ce qu’il condense un peu du meilleur et du plus banal de ses prédécesseurs. C’est d’ailleurs avec un Do I Disappoint You ? équivoque que l’inquiet Rufus ouvre son bal, question à laquelle on peut heureusement vite répondre par la négative : si l’on met de côté quelques moments médiocres (un Slideshow un peu pompeux, un Tulsa classique).
Car Rufus ne déçoit aujourd’hui plus personne, continuant d’éblouir avec ses atouts traditionnels : une voix parfaitement juste, des orchestrations cinématographiques (Rules and Regulations), des textes soignés, le tout magnifié par une production (signée notamment Neil Tennant des Pet Shop Boys) impeccable. Et réussit par la même occasion la difficile tâche de rappeler, à une époque dominée par le folk minimaliste, l’electro tapageuse ou le rock fougueux, que la virtuosité, l’opulence et la minutie peuvent, lorsqu’elles ne se font pas celles de l’immodestie, toujours se faire source d’éclat.
{"type":"Banniere-Basse"}