Ça sent le sapin pour le blondin ? Relapse, sixième album raté, plonge Eminem du côté obscur.
C’était il y a déjà dix ans, en 1999, sur MTV. On découvrait un mec du nom d’Eminem : ce gringalet blond élevé à Detroit allait transporter le hip-hop là où personne ne l’avait jamais véritablement emmené auparavant. Dans ces immenses banlieues blanches américaines (ou pas forcément), peuplées de familles middle class re ou décomposées qui laissent déambuler leur kids dans l’indifférence crasse des grands lotissements – souvent un skate à la main et un pétard dans l’autre. Bien consciente que personne n’avait véritablement envie de lui parler clairement, cette génération qui n’avait que ses yeux déjà rougis pour pleurer Kurt Cobain, s’éclatait les oreilles avec plus ou moins de réussite, à grands coups de Korn ou de Limp Bizkit. C’est là qu’Eminem est arrivé avec son album The Slim Shady LP.
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Ce disque souple, fourbe et gonzo (son second en réalité, après une première tentative passée complètement inaperçue) allait mettre de mots sur le quotidien de ces gosses perdus entre la télé, la défonce et leurs parents plombés. Pour la première fois, le hip-hop quittait les ghettos de New York, de Los Angeles ou d’Atlanta : il était incarné et tenu à bout de bras, de Detroit, par un blanc-bec trash et couillu, muni d’un flow nasal complètement dingue autour duquel, brutalement, tout le monde déclara une sorte d’union sacrée. Dre et Snoop en tête, tout le rap US voulait alors être vu aux côtés de ce jeune prophète du micro, capable de mettre sa vie en scène avec un cynisme inouï, surtout sur son album suivant, l’incroyable et ultrapersonnel The Marshall Mathers LP, sorti en 2000 – peut-être l’un des meilleurs disques de rap de tous les temps. Un disque sur lequel Eminem n’épargnait personne : sa fille, sa femme, sa mère et lui. Petit maître du storytelling, il mettait en scène son ascension avec humour et lucidité : en direct, on assistait à la prise de pouvoir hiphop, un peu voyeuriste mais dans le fond assez cool, d’un jeune mec du Michigan.
Après ces deux premiers essais historiques, le blondin publiait deux autres albums, The Eminem Show en 2002 et Encore en 2004 : loin d’être honteux, ils refaisaient pourtant d’Eminem un mec normal. L’arrogance, la fraîcheur semblaient derrière lui ; ses textes très personnels aussi. Au journal intime, Eminem substituait un propos semi engagé et à côté de la plaque, évoquant entre quelques rares saillies les marronniers du moment : la guerre en Irak ou la gouvernance de George W. Bush. En 2009, qu’en est-il, dix ans après son explosion, alors que sort son sixième album, Relapse, qui pourrait bien faire pencher la balance du blondin du mauvais côté, et faire de lui un has been, une simple baudruche ?
Disons le d’emblée : l’album est très décevant. D’abord, aucun single vraiment évident. We Made You, le titre qui a été envoyé en éclaireur, devrait faire le boulot, mais simplement grâce aux rotations massives sur MTV : on est loin de l’évidence de My Name Is ou de The Real Slim Shady, et même le clip, parodie loupée des précédentes vidéos d’Eminem, fait un peu de peine. Crack a Bottle, celui qui pourrait suivre, et sur lequel on retrouve 50 Cent et Dre, est tout simplement lourd et raté.
Pour le reste, pas vraiment de souffle non plus. On ne retrouve plus l’Eminem capable de vous faire lever comme un seul homme comme sur Lose Yourself (certainement le meilleur morceau pour défoncer un mec après Eye of the Tiger de Survivor), même s’il y a un peu de ça sur l’assez rageur Stay Wide Awake.
Et on a beau chercher, on ne tombe plus non plus sur ces morceaux écrits au cordeau comme The Way I Am ou Stan. On s’émeut un peu sur Same Song & Dance, certes, mais dans l’ensemble la traversée de ce Relapse est un peu ennuyeuse. Elle s’avère même franchement embarrassante sur Bagpipes from Baghdad et ses rythmes pseudo-arabisants ; et c’est tout simplement la sieste qui guette sur un Déjà vu qui porte plutôt bien son nom. Après Relapse, vrai disque de trop, Eminem présente un bilan globalement négatif ; et évoque désormais – rapport peut-être à son flow nasal – le Dylan largué du début des années 80, mais version hip-hop.
Comme lui, Eminem semble avoir perdu la fulgurance des origines, cette écriture quasi universelle, à la qualité littéraire indéniable qui fédéra autour de lui une génération (existerait-il des Orelsan ou des Streets sans Eminem ?). C’est donc penaud qu’Eminem revient sur Relapse, un disque qui ne satisfera a priori que les collectionneurs, et qui laisse entrevoir un avenir plutôt sombre pour le blondin. Qui, est-ce un signe, s’est d’ailleurs récemment teint les cheveux en noir. Courage mec.
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