Megamix. Les sorciers les plus savants du bidouillage électronique relisent Steve Reich et ouvrent de nouvelles perspectives. Le bruit courait depuis quelque temps déjà d’un hypothétique remix de Steve Reich, en fait depuis la création de City life, où l’Américain avait introduit dans son orchestre de chambre plusieurs sons échantillonnés et samplés en direct, dont […]
Megamix. Les sorciers les plus savants du bidouillage électronique relisent Steve Reich et ouvrent de nouvelles perspectives.
Le bruit courait depuis quelque temps déjà d’un hypothétique remix de Steve Reich, en fait depuis la création de City life, où l’Américain avait introduit dans son orchestre de chambre plusieurs sons échantillonnés et samplés en direct, dont la voix d’un New-Yorkais répétant « Can’t take no mo ». Des oreilles averties ayant cru reconnaître un message subliminal (« Take no mo » donnant à l’écoute « Techno more ») et comme on lui faisait remarquer cette étrange coïncidence lors de la création, en 1995, Steve Reich feignit tout d’abord d’en être l’instigateur, puis prit le parti d’en exploiter les nouvelles perspectives… Aussi, un an plus tard, à l’occasion de l’enregistrement de City life (Nonesuch), parlait-il de « l’idée qu’on puisse utiliser n’importe quel son dans un morceau de musique a été dans l’air durant la plupart du xxème siècle. De l’utilisation des klaxons de taxi dans Un Américain à Paris de Gershwin jusqu’aux sirènes de Varèse, à l’hélice d’avions d’Antheil, à la radio de Cage et à l’emploi de tout cela et davantage encore dans le rock depuis au moins les années 70, et plus récemment dans la musique rap, le désir d’inclure dans la musique des bruits de tous les jours n’a fait que s’accroître. L’échantillonneur en fait maintenant une réalité pratique. »
Convoqués pour cette nouvelle potion enrichie, les sorciers les plus savants dans l’art du bidouillage sonore et du lifting princier : Coldcut d’abord, pour Music for 18 musicians, qui dérive imperceptiblement de l’original pour se fondre dans une syncope électronique digne du meilleur remix d’Atomic Moog titre culte des duettistes Jonathan More et Matt Black de Coldcut ; Howie B accentue le scintillement gracile de l’octuor Eight lines, tandis qu’Andrea Parker ne retient des Four sections (initialement pour orchestre) qu’un bref thème qu’il redéploie et varie avec distinction ; DJ Takemura fait de même avec Proverb ; Tranquility Bass plonge plusieurs oeuvres de Reich dans un grand bain de Megamix onctueux et rêveur ; D*Note électrocute Piano phase et DJ Spooky s’est réservé une pièce de choix, City life, qu’il triture en hymne bruitiste. Enfin, la voix lancinante de Come out, l’une des premières pièces du compositeur au minimalisme sévère et quasi brutal, fait peau neuve grâce à Ken Ishii, nimbée d’une harmonie vaporeuse.
Moins dansant qu’il n’y paraît, ce Reich remixed est opportunément et davantage une Musique à penser telle que Brian Eno la formulait déjà en 1993 avec son disque Neroli, sous-titré Thinking music , formulée autrement par les experts d’une nouvelle dialectique du son.
Reich remixed by Coldcut, Howie B, Andrea Parker, Tranquility Bass, Mantronik, DJ Takemura, D*Note, DJ Spooky, Ken Ishii (Nonesuch-Warner)