Avec Beta Band et Brothers in Sound en vitrine, le label Regal joue aux confiseurs. C’est pourtant avec substances illégales que rime Regal. Petit tour d’horizon de ces principaux allumés.
Avec son nom de confiserie (entre loukoums Krema et acidulés Régalade), le label anglais Regal a effectivement tout du stockiste Haribo. A cette différence près : ses surcreries sont largement coupées au LSD et diaboliquement trompeuses. A un tel point qu’on se demande franchement comment boutique aussi déviante a pu trouver refuge au sein du vaste centre commercial d’EMI.
L’histoire du label, comme sa suite, démarre en psychiatrie. Sauf qu’au départ, ça n’est pas drôle : recrutée sur la foi d’un hymne trop injustement inconnu, le sublime Dry the rain, la fanfare écossaise du Beta Band est la première signature du label. Malheureusement, dès ce premier single, le cerveau le plus amoché du groupe (qui en comprend plusieurs dans un état douteux), doit rentrer en Ecosse, hospitalisé. Gordon Anderson, qui a composé cet hymne qui s’ignore, quitte le groupe en camisole de force et s’en va enregistrer, entre deux hospitalisations, quelques 400 chansons bouleversantes sous le nom de The Lone Pigeon. A la table du Beta Band, sa place est réservée pour toujours : car son écriture folk et puérile, outrageusement mélodique, faisait de lui à la fois le Brian Wilson et le Syd Barrett d’un groupe soudain désemparé. Ça n’empêchera pas Steve Mason, autre cerveau trouble de cette bande, de continuer de gérer les flux contradictoire de cette musique que la scène débarrasse sublimement de ses maniaqueries et surcharges de studio. Car en quelques années, malgré un album partiellement raté à force de vouloir faire entre trente chansons par chanson, le Beta Band est devenu l’un des musts du circuit live anglais, où sa (con)fusion de blues et de hip-hop, de folk et de psychédélisme, de pop et de groove fait systématiquement merveille. C’est cette collision explosive et irraisonnable, boostée par des armes tranchantes empruntées à la drum’n’bass, que Steve Mason a détourné au service de ses chansons solos, belles comme du Syd Barrett remixé par Photek : sous le nom de King Biscuit Time et toujours sur Regal, il vient de sortir deux maxis en deux ans (le rythme Regal est celui de la tortue), compilés en France sous la forme d’un huit titres grandiose : No Style. Un nouvel album de Beta Band, pour lequel la rumeur avance des noms prestigieux de producteurs américains de R&B, dont l’immense Timbaland (génial metteur en son, notamment, de Missy Elliott), est annoncé pour cet été.
Mais la main-mise de Beta Band sur la vitrine de Regal ne saurait pourtant occulter les chansons inouies des Anglais de Brothers In Sound, trio qui a décidé de retirer la garde de la pop aux quelques arsouilles margoulins qui l’avait, depuis dix ans, transformée en débile légère et gâteuse. Gros nettoyage de cerveau : la pop doit retrouver ses instincts d’aventurière, aller de A à Z sans fatalement passer par un alphabet éculé. Là aussi, on parlera, faute de mieux, de psychédélisme pour tenter de capturer ce son volant et voluptueux, qui force la pop à reprendre ses recherches scientifiques ? mais sans blouse blanche, à poil et libre.
Nettement plus accessoire, le psychédélisme massif de la troisième signature du label, Orange Can a jusqu’à présent peiné à séduire. Mais un intrigant nouveau single donne quelques bonnes raisons d’attendre un album prévu avant l’été.
Une compilation de nouveaux tordus recrutés par cette institution têtue est également prévue avant l’été. A lire les noms du générique ? Stan Francisco ou Orlando Careca vs The Cosmonut ?, on se dit que Regal risque encore longtemps de rimer avec substances illégales’. Et avec vital, brutal, infernal, en cavale et agité du bocal.
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