Personne ou presque n’a retenu jusqu’ici le nom de Daniel Yvinek, pourtant celui-ci figure à coup sûr en plusieurs endroits stratégiques dans la discothèque de l’homme de goût. En faire l’inventaire ici prendrait trop de place, alors citons parmi les musiciens au service desquels ce bassiste s’est produit les notables Salif Keita, Hector Zazou, Tania […]
Personne ou presque n’a retenu jusqu’ici le nom de Daniel Yvinek, pourtant celui-ci figure à coup sûr en plusieurs endroits stratégiques dans la discothèque de l’homme de goût. En faire l’inventaire ici prendrait trop de place, alors citons parmi les musiciens au service desquels ce bassiste s’est produit les notables Salif Keita, Hector Zazou, Tania Maria, David Byrne, Riyuichi Sakamoto, John Cale, Suzanne Vega ou David Sylvian. Pour un petit Français venu à la basse par profil bas, le CV est plutôt flatteur. ?Je suis plutôt un coureur de fond qu’un sprinter?, dit aujourd’hui Yvinek, pour expliquer l’avènement si tardif, à 39 ans, d’un premier album portant son nom.
Avant d’être un disque de musicien, Recycling the Future est d’abord un disque de mélomane boulimique : Les meilleurs disques, souvent, sont ceux qui naissent dans les cerveaux où s’entassent ainsi les milliers de pièces d’un puzzle musical auquel une seule manque pour donner un sens à toutes les autres.
Bâtie autour d’une conception singulière des architectures électroniques (apportée par le pianiste et grand praticien de l’informatique Pierre-Alain Goualch), dotée d’un éventail rythmique où l’air du temps n’a pas vraiment de prise, Recycling the Future constitue une somme remarquable et hautement recevable en soi. Délicatement chorégraphié à l’intérieur de paysages engourdis, qui prennent le temps d’étaler leurs perspectives et d’ourdir leurs reliefs, un impressionnant ballet d’instruments aux phrasés économes achève de rendre les lieux à la fois accueillants et sauvages, sans véritable balise mais sans indiscipline non plus. La musique d’Yvinek paraît en tout cas trouver son point de départ dans un grand tout fusionnel et anarchique ? à la fois musical et extramusical ? dont l’auteur, à rebrousse-poil des habitudes, aurait patiemment élagué le propos, ordonné le bouillonnement, apaisé les débordements, histoire d’y vendanger une substance nouvelle.
Un éminent écrivain, qui en connaît un sacré rayon quant aux brouillages de dimensions et aux anticipations atmosphériques, a apporté son auguste caution au projet. Rencontré grâce au père d’Yvinek, professeur d’anglais et traducteur, Ray Bradbury a ainsi défini l’album : « Billet de voyage à destination de galaxies inconnues, Recycling the Future ne ressemble à aucune musique que vous auriez déjà entendue. » On ne saurait mieux dire.