Eprouvé par le succès, revenu d’une cure de désintox qui lui a coûté le sourire,Eminem
se reconstruit doucement. Une renaissance difficile qui mine son cinglant nouvel album, Recovery. Rencontre et écoute intégrale.
Quitte à renier ses disques (“Mes deux précédents albums ne comptent pas/Pour Encore, j’ai pris des drogues, pendant Relapse, je les vomissais”), le blanc-bec aborde sans détours la cure de désintoxication dans lalaquelle il a plongé en 2006. Accro au Valium et à la méthadone, Eminem touchait alors le fond : “Le point de départ, c’est toi-même. On ne peut pas te dire : va en désintox. Il faut que ce soit toi qui te dises : merde, il faut vraiment que j’y aille. J’ai longtemps refusé mais je me suis retrouvé en face, c’était impératif.”
Ses mots tremblent, on dirait qu’il cherche un soutien dans ce coup d’oeil furtif qu’il lance à son manager avant d’aborder les conséquences sur la production de Recovery : “Quand tu redeviens sobre, tout est différent. Il m’a fallu réapprendre à écrire. Mon cerveau était embrumé car les pilules rendent inerte, suppriment les émotions. Une fois que le couvercle a sauté, c’est un lent processus, ça revient peu à peu. Il a fallu réapprendre à enregistrer en étant sobre, à entrer dans le studio sans pilules. C’est un voyage, quelque chose d’extrême.” L’attitude fait écho aux paroles. Eminem semble cet être fragile qui revient de la maladie, prudent, interrogateur et méfiant.
Recovery relativise cettte sensation : il y apparaît mordant, arrogant et nerveux, quoique ses ego-trips semblent parfois destinés à le rassurer plutôt qu’à défaire les MC d’en face. Mais là, dans cet hôtel, entre ce manager qui surveille tout et le staff qui s’agite à côté, il semble surtout un homme fatigué qui répond machinalement aux questions qu’on a sélectionnées pour lui, un gamin perdu qui avance à tâtons vers les quelques millions qu’il peut encore rapporter.
Il pleut. Esseulé par le succès, asphyxié par le reste, le roi Eminem semble plus seul que jamais, jalousé, haï ou déifié. Devenu adulte par nécessité médiatique ou simplement pour sauver sa peau, il semble s’ennuyer au sommet, à retenir ses blagues et à gérer sa sobriété. Depuis que Proof, son meilleur ami, est décédé, qui peut vraiment comprendre ce qu’il vit ?
La réponse est étonnante : “Je dirais Elton. Elton John. Nous sommes toujours restés en contact depuis que nous avons joué aux Grammy Awards, nous nous apprécions. Quand j’ai décidé de redevenir sobre, c’est lui que j’ai appelé, parce qu’il sait ce que c’est : la célébrité, et en même temps l’addiction, la désintox. Il a su gérer ces choses de front et il a fait tout ce qu’il a pu pour m’aider.” Elton John ? Ce faggot ?