Mercredi 4 juillet : Add N To (X) débute sa tournée par une date française cherchant à contaminer notre Paris romantique de sa musique hypocondriaque. Le groupe restera courbé derrière ses claviers durant une petite heure, ne faisant que trop peu souvent vomir des claviers qui ne demandaient qu’à être torturés et à rendre une musique indigeste.
20h30
Je me dirige vers le Centre George Pompidou. L’air est chargé d’électricité, le ciel gronde et s’éclaire par endroits. On sent déjà la présence presque robotique du groupe dans la ville. M étant préparée à recevoir une décharge psycho-électrique, je pénètre enfin dans la grande salle du centre. C’est ici dans une salle de spectacle vivant, et non dans une salle de concert, que nous allons voir le groupe. Je m’enfonce dans un gros fauteuil rouge face à une scène sombre où des claviers en tout genre (Moog, et autres synthés analogiques) sont soigneusement disposés. Une question se pose : quelle expérience vont-ils réaliser ce soir sur cette scène qui rassemble installation et laboratoire de chimie ? Va-t-on assister à un concert ou à une performance ? Alors que Einstürzende Neubauten avait choisi de s’attaquer aux piliers de Beaubourg à coups stridents de marteau piqueur, Add N To (X), réputé pour son esthétisme (clips, vidéo, photos) pourrait bien à son tour dérégler nos sens.
Les lumières baissent, laissant place au trio fluorescent (Barry Smith, Steve Claydon et Ann Shenton) ainsi qu’à un métronome déglingué. Le groupe se partage les instruments, allant et venant sur scène à la recherche du son qui équilibrera l’équation Add N To (X).
Et voilà le groupe parti dans une construction chaotique et imprévisible de musique électronique : « notre matériel est incontrôlable, nos claviers très vieux, ce qui donne des concerts très différents« .
Entonnant leur tube Metal fingers in my body, le concert va bon train malgré un certain mal être dans la salle. Le public bouillonne sur son siège, martelant le sol d’une manière presque épileptique : il est vraiment difficile de rester assis pendant un concert d’Add N To (X). La reprise de I wanna be your dog d’Iggy Pop aura raison d’un public frustré qui se lèvera pour danser frénétiquement devant la scène pour enfin vivre pleinement la musique et quitter ce rôle imposé d’observateur.
Le concert se finit au bout d’une heure (Ann nous expliquera que c’est la durée légale d’un concert londonien), laissant le public affamé.
Ce ne sera donc pas une performance comme on en a l’habitude dans cette salle malgré quelques passages s’approchant d’une musique expérimentale privilégiant le son à la mélodie et immergeant le public dans un aquarium d’eau boueuse.
Mais alors pourquoi avoir choisi cet endroit Le groupe reconnaît que la salle n’était pas du tout adaptée, et qu’il était difficile d’y créer une atmosphère avec tant d’interdits (pas le droit de fumer, de boire, de se lever pour le public, pas le droit de faire du roller dans les coulisses pour Steve). Coup manqué pour le groupe qui se dit tout de même confiant, préférant commencer doucement pour leur première date : « cela n’ira qu’en s’améliorant, on ne peut pas réussir à chaque fois« . Le groupe a l’habitude de chercher des lieux insolites pour jouer. Leurs préférés : une centrale nucléaire désaffectée en Ecosse, ou encore un amphithéâtre en Belgique. Beaubourg était un souvenir d’adolescence pour Ann qui venait vider des bières devant cet enchevêtrement de tuyaux. Même principe pour leur musique, multitude de sons grinçants, bourdonnant, saillant, qui s’entrelacent de manière à créer une mélodie mielleuse et dynamique.
Après le concert, nous avons eu la chance d’avoir une entrevue avec le groupe. Barry avait ôté sa casquette militaire et Steve avait mis ses magnifiques lunettes italiennes des années 70. C’est derrière celles-ci qu’il nous fera une critique tranchante de la French Touch (Air, Daft Punk).
« Cette musique est très intelligente, elle joue sur la séduction. Tous les anglais en sont fous. C’est même une des premières fois que les anglais aiment la musique française. A l’heure actuelle, on nous bombarde de tubes que l’on est supposé aimer sans vraiment avoir le choix . Nous sommes plus proches de la rock attitude des seventies, de cette fascination pour la huge pop qui émanait de l’énergie de ses héros.«
Cela n’empêche pas le groupe d’avoir de nombreuses influences françaises, comme Godard, François de Roubaix, Misraki.
Fier d’être tel un virus qui se propage, Add N To (X) tourne autour de nos corps, fidèle moustique jouant avec nos nerfs en s’approchant à basse fréquence de nos oreilles.
LES ETOILIENS (Violette Cazals et Mickaël Doczecalski)