Cette version musicale d’un livre évoque brillamment le rapport ambigu de Ray Davies avec le pays de l’oncle Sam.
Chantre d’une certaine Angleterre, celle, éternelle (?), des pavillons de brique, des pelouses manucurées, des services en porcelaine et des bonnes manières, Ray Davies cultive un sentiment à la fois paradoxal et ambivalent – entre haine et fascination – pour les Etats-Unis, au point d’en avoir fait le sujet central d’Americana – les Kinks, la route, le riff parfait. Au fil des 350 pages de ce drôle d’objet littéraire (carnet de route ? autobiographie ? recueil de souvenirs ?), il réglait ses comptes avec le pays fantasmé de son adolescence, un pays qui l’aura rejeté, puis adulé, un pays où il aura même failli perdre la vie, en 2004, victime d’une balle perdue dans une rue mal famée de La Nouvelle-Orléans.
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Visiblement inspiré par le sujet, Ray Davies livre aujourd’hui le pendant musical de son bouquin, un album enregistré en compagnie des Jayhawks, eux-mêmes parangons d’une country-pop alternative, sensible et soyeuse, idéalement raccord avec la démarche et le propos du leader des Kinks.
Les Kinks, on y pense forcément, à l’écoute de ces chansons finement troussées, joliment boisées, qui évoquent la période douce-amère de Muswell Hillbillies (1971). Comme à l’époque, Ray Davies, qui à plus de 70 ans n’a rien perdu de son filet de voix, évolue entre tendresse et désenchantement, évoquant ici le souvenir ému d’Alex Chilton (Rock’n’Roll Cowboys), là ses premiers pas contrariés sur le sol américain (The Invaders), ailleurs encore l’envers du rêve californien (The Deal). Alternant interludes narratifs et vignettes mélodiques, l’album suit ainsi son cours, avec une cohérence et un à-propos d’autant plus admirables qu’ils sont dénués de toute nostalgie. Ray Davies est un homme qui regarde droit devant lui, comme le laisse imaginer le second volet, déjà programmé, d’Americana. Affaire à suivre, donc.
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