Du haut de ses 19 ans, cette native de Chicago a publié l’ep « Crush », un des projets les plus réjouissants de ce début d’année. De passage à Paris, elle retrace avec nous son irrésistible ascension.
D’apparence frêle, Ravyn Lenae s’avance sur la scène de La Maroquinerie d’un pas conquérant. Ce soir, dans le cadre de sa tournée européenne, l’Américaine est venue défendre les couleurs de son troisième ep, Crush, paru le 9 février dernier et succédant à Moon Shoes et Midnight MoonLight. Un projet résolument soul, qui explore toute la vulnérabilité de la jeune femme, et dont les cinq titres, qui flirtent parfois avec r’n’b, ont été produits par le talentueux Steve Lacy (connu pour ses collaborations avec The Internet, Kendrick Lamar ou Tyler, the Creator).
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La relation entre Ravyn Lenae et Steve Lacy est déjà comparée à celle qu’ont à leurs débuts entretenue Kelis et Aaliyah avec Pharrell Williams et Timbaland. Et pour cause : à l’instar de ces deux figures du r’n’b moderne, Ravyn Lenae, 19 ans, a trouvé en Steve Lacy un allié de taille, capable d’étoffer ses textes introspectifs, qui s’adressent principalement aux femmes. “D’ailleurs, je crois que la conception de ce projet a challengé Steve, qui a vraiment dû explorer sa part de féminité », commente-t-elle.
Avec Crush, cette native de Chicago, biberonnée aux albums d’Erykah Badu et d’India.Arie, est aujourd’hui considérée comme l’un des nouveaux visages d’une scène soul et r’n’b en pleine renaissance, redéfinie par la vision d’artistes novateurs comme Frank Ocean ou Solange. “J’ai le sentiment d’appartenir à cette génération dont l’envie est de donner une nouvelle impulsion au r’n’b et à la soul”, confirme l’intéressée. Une posture à l’image de son ambition, sur laquelle elle revient aujourd’hui pour nous.
Du haut de tes 19 ans, tu as déjà sorti trois EPs : Moon Shoes, Midnight MoonLight et Crush. Où puises-tu ton inspiration ?
Ravyn Lenae – La source de mon inspiration a énormément changé en fonction de mes projets, parce que forcément, vu mon âge, beaucoup de choses se passent entre chacun de mes EPs. Mais Crush, le dernier en date, est clairement inspiré par la thématique de l’amour. Ces sentiments que j’exprime sur les morceaux, le fait d’être amoureuse, blessée, frustrée… ce sont ceux que j’ai moi-même éprouvés. J’ai vraiment tenu à dévoiler mon journal intime. Ce qui m’inspire aussi, au-delà de mes sentiments amoureux, c’est le fait de me voir grandir en tant que femme. Avec cet EP, j’avais envie de m’adresser aux femmes, d’entrer en connexion avec elles. C’est important que des artistes comme moi utilisent leur voix pour mettre les femmes en lumière, les encourager à être sûres d’elles.
Quel message souhaitais-tu envoyer aux femmes à travers ce projet ?
L’idée, c’était surtout d’être la plus honnête et vulnérable possible, de raconter des expériences très personnelles dans l’espoir que d’autres femmes puissent s’y reconnaître. Ce projet, c’est celui de la maturité. Il est très spécial pour moi, car il était difficile d’être aussi honnête à travers ma musique auparavant. Avec mes deux premiers projets, Moon Shoes et Midnight MoonLight, je parlais d’histoires qui étaient arrivées à ma mère ou à mes amies, de choses que je n’avais pas expérimentées moi-même. Je les regarde aujourd’hui comme de vieux albums photo, qui me permettent de voir mon évolution.
Dirais-tu que le fait d’avoir créé Crush t’a aidé à en savoir plus sur toi-même ?
Oui, complètement ! Comme je te le disais, c’est la toute première fois que j’expose mes émotions personnelles, et donc, j’ai effectivement dû aller puiser un peu plus en profondeur pour découvrir qui j’étais vraiment, et ce que je ressentais vraiment. À mes yeux, la musique est une forme de thérapie personnelle. Je me suis posé des tas de questions en créant cet EP, du genre : « Attends, comment je me suis senti après tel évènement ? Qu’est-ce que je ressens vraiment pour telle personne ? » Finalement, je crois que cet ep a constitué une expérience thérapeutique pour moi, mais aussi certainement pour les personnes qui écouteront les chansons et se reconnaîtront en elles.
Crush a entièrement été produit par Steve Lacy. Quelle est votre relation à tous les deux ?
J’ai rencontré Steve il y a… un an, déjà ! On a commencé à discuter sur le net, et j’ai fini par lui rendre visite chez lui, en Californie. On a tout de suite eu une vraie connexion, amicale et artistique. Le fait d’avoir le même âge aide à ça, sans doute. On faisait de la musique de façon très studieuse pendant des heures, et une minute plus tard, on jouait au ping pong ou regardait des vidéos débiles sur YouTube… Steve est un artiste incroyable. Tous ceux qui ont eu la chance de travailler à ses côtés te le diront : c’est un génie. C’était une chance pour moi de travailler avec lui, et je crois que nous avons donné vie à quelque chose de beau ensemble.
Et puis, je crois que la conception de ce projet l’a challengé, lui aussi. Non seulement parce qu’il n’avait jusqu’ici jamais créé un projet de A à Z avec une chanteuse, mais aussi parce qu’il a vraiment dû explorer sa part de féminité. Il m’a aidé à écrire certaines paroles, en se demandant : « Bon ok, comment pensent les filles dans ces moments-là ? » [rires].
Y a-t-il d’autres artistes, qu’ils soient producteurs, chanteurs ou rappeurs, avec lesquels tu aimerais collaborer ?
J’adore Moses Sumney, qui est un magnifique artiste. Il y a Nai Palm aussi, la chanteuse et guitariste du groupe Hiatus Kaiyote, que j’ai vue en concert il y a quelques mois et qui m’a bouleversée. Et puis… Kendrick Lamar bien sûr [rires] ! Il y en a plein d’autres, mais disons qu’à mon sens, ces trois-là contribuent énormément à bousculer la scène musicale actuelle
À mes yeux, les scènes soul et r’n’b américaines connaissent aujourd’hui un véritable renouveau, grâce notamment à l’ascension de nombreuses jeunes femmes, comme toi, qui proposent une musique moderne et novatrice. Partages-tu cette idée ?
Oui, et je me sens hyper stimulée par cela ! Les femmes artistes sont de plus en plus nombreuses et visibles, tu as raison, on assiste à une vraie renaissance du girl power dans la musique, qui était très présent dans le r’n’b des années 2000. Et j’ai le sentiment d’appartenir à ce mouvement. D’être l’une de ces voix fortes et indépendantes, dont le désir est d’être entendue. C’est vraiment beau à voir, et très inspirant.
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Qu’as-tu trouvé dans la musique que tu n’es jamais parvenue à trouver dans aucune autre forme d’expression artistique ?
Le sentiment que j’éprouve quand j’écris, ou quand je suis sur scène, n’est comparable à aucun autre. Faire de la musique… c’est un peu comme avoir pris la meilleure drogue du monde, finalement [rires] ! Et c’est pour ça que je suis sur scène tous les soirs en ce moment : parce qu’une fois descendue de scène, j’en veux toujours plus !
Tu viens d’assurer ton tout premier concert à Paris. Qu’est-ce que cela te fait, de réaliser que ta musique a voyagé si loin de ta ville natale ?
Honnêtement ? C’est fou. C’est fou de constater que ma musique est comprise par des gens vivant à des milliers de kilomètres de chez moi. Et de voir que, même si l’anglais n’est pas leur langue natale, et qu’ils ne comprennent donc peut-être pas tout ce que je dis dans mes chansons, ils parviennent à se sentir connectés à ma musique. Ça me rend vraiment heureuse : à mon sens, la musique n’est pas affaire de langage, mais d’émotions.
Propos recueillis par Naomi Clément
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