Les deux zigotos de New York reviennent aux guitares et nous proposent la bande-son d’un western rétrofuturiste sous le doux soleil hawaïen. Rencontre, critique et écoute.
Au moment où vous lirez ces lignes, celui qui les a écrites sera parti en vacances. Son programme est déjà bouclé. L’escapade débutera par quelques jours à cruiser béatement sur les routes de Maui, dans une Ferrari 80’s de location, arborant potentiellement la moustache de Thomas Magnum mais portant assurément sa chemise à fleurs. Après un saut de puce vers la Californie, dans un coucou remuant ses ailes avec mollesse dans des nuages en mousse, la suite se déroulera sur la plage d’El Matador, à quelques kilomètres de Malibu, où il se prélassera dans la félicité et dans le Pacifique, piña colada à la main et panama sur la tête.
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Batteries rechargées, le soir tombant, il ira se secouer les puces et les idées, hilare, bringuebalé en tous sens et la bouche collante d’un sucre de barbe à papa dans une fête foraine toute proche, puis il ira faire du sexe langoureux et infini dans un vieux motel du coin, éclairé par le western-spaghetti en Technicolor que diffuse la vieille télé de la chambre. Le séjour se terminera enfin à Miami, dans un club moite, où il transpirera sueur et bonheur sur un dance-floor surchauffé par une disco rétrofuturiste au cool illimité ou un funk souple comme du latex à peine sorti de l’arbre.
Un véritable retour aux sources
Celui qui écrit ces lignes ne sera pas forcément seul. Vous pouvez adopter le même programme, où que vous soyez et quels que soient vos moyens. Le prix du voyage est en effet plutôt modique : c’est celui de l’écoute du nouvel album des deux zigotos instrumentaux de Ratatat. Magnifique est le cinquième album des Américains et fait suite aux plus électroniques et plus tordus LP3 et LP4. Il est, pour Evan Mast et Mike Stroud, une sorte de retour aux sources, aux guitares originelles. Une forme de reset et, assurément, la plus excitante collection de morceaux que les deux New-Yorkais aient publiée depuis l’increvable Classics en 2006.
Offrir à tous un périple aussi mouvementé, aussi ludique, pensé comme un véritable album, une “expérience complète de quarante-cinq minutes, un voyage d’un point à un autre”, n’a pas été simple. Après une pause, par à-coups et dans divers endroits (à New York ou en Jamaïque notamment), les deux garçons ont travaillé dur à rendre les titres de Magnifique aussi magnifiquement évidents.
“Faire LP3 et LP4 a été un processus plutôt plaisant, explique Mike. Mais si on a pu prendre du plaisir à faire Magnifique, il a surtout représenté beaucoup de travail, parfois difficile, des sessions de plusieurs jours sur un même titre. Nous voulions polir les morceaux, qu’ils soient les plus parfaits possibles mais aussi qu’ils donnent l’air d’avoir été écrits sans effort. Nous avons essayé de nous appuyer sur des mélodies fortes, qui restent en tête, plutôt que de nous cacher derrière cent effets de production qui donnent un aspect cool au morceau. Ecrire la mélodie est ce qu’il y a de plus difficile. Une fois qu’on a ça, le reste est du pur plaisir, c’est à ce moment qu’on peut s’amuser à bricoler la production.”
Un album bourré de tubes imparables
Cette nouvelle fraîcheur, les deux Américains sont allés la chercher en dessinant plus nettement avec leurs guitares héroïques les contours mélodiques de morceaux qui ne quittent pas pour autant tout à fait le terrain des bidouillages électroniques bondissants. Et c’est chez les Géo Trouvetou de la steel guitar des 50’s et 60’s qu’ils ont trouvé de quoi ajouter à la palette sonique de Magnifique cette houle et ce chaloupé merveilleux qui illuminent tant leur album.
“On a toujours été très fans de Santo & Johnny, qui jouaient de la steel guitar dans un style hawaïen. On adore aussi Pete Drake, qui faisait sonner son instrument de manière très futuriste et expérimentait des choses totalement folles. Ça nous a menés vers d’autres joueurs incroyables comme Alvino Rey ou Buddy Emmons. Alvino Rey disait à l’époque de la steel guitar ce qu’on a dit ensuite du synthétiseur : que c’était un instrument révolutionnaire.”
Révolutionnaire, Magnifique ne l’est pas, mais il est bourré de tubes imparables à danser la tête en l’air (l’ultracool Cream on Chrome, la basique et très réjouissante Abrasive, le funk moite de Countach, les galopades épiques Pricks of Brightness ou Rome, l’electro survoltée de Nightclub Amnesia, proche du Daft Punk de Human after All) comme de splendides plages de nonchalance océanique (la sublime Magnifique, le coup de soleil de la chanson-jouet Drift, la paix languide de Supreme). Un album parfait pour créer un décor à l’été qui vient. Voire, ensuite, pour le prolonger à volonté.
concerts le 14 août à Saint-Malo (Route du Rock), le 21 à Charleville-Mézières (Cabaret Vert).
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