Peu diffusés sur les radios généralistes, snobés par les télévisions, la plupart des rappeurs ont fait de leur clip un élément essentiel à leur démarche promotionnelle. Sans pour autant oublier, là est l’intérêt, d’en faire de vrais objets artistiques.
« De mon point de vue, les clips ont toujours été un élément important de la culture hip-hop ». Ces mots, ce sont ceux de Francis Cutter, réalisateur du clip Mon Pote pour Flynt et Orelsan. Anodins en apparence, ils en disent pourtant long sur l’importance des clips dans le rap français. Historiquement, l’on pourrait bien évidemment citer ceux de Stéphane Sednaoui pour MC Solaar (Nouveau Western), de Michel Gondry pour IAM (Je danse le mia) ou ceux de Kourtrajmé pour la Mafia K’1 Fry et Rocé, mais à l’ère de YouTube et des réseaux sociaux, les vidéos promotionnelles semblent jouer un rôle encore plus essentiel. Chaque clip de PNL, par exemple, est aujourd’hui vécu comme un événement (en témoignent les 39 millions de vues de DA), chaque vidéo de Nekfeu jouit d’une esthétisation extrême et d’un concept presque à chaque fois unique, chaque clip de Booba est automatiquement soutenu et relayé par un socle de fans toujours plus enthousiastes.
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Génération YouTube
Cette multiplicité des vidéo-clips parfaitement arty et scénarisés s’explique évidemment par les évolutions technologiques qui facilitent l’accès à divers contenus, mais aussi par l’audace de jeunes réalisateurs (William Thomas, par exemple : 18 ans seuleent et plus de 200 clips à son compteur) capables de fusionner leur bagage culturel avec des techniques de réalisation aussi pointues que DIY. Francis Cutter, qui avoue préférer être en contact direct avec l’artiste plutôt qu’avec un label qui impose de fait ses exigences et une certaine concurrence, ne dit pas autre chose :
« Je pense que l’on a franchi un cap grâce à l’arrivée du combo Youtube + 5Dmark2 qui a vraiment modifié le game du vidéo-clip dans un premier temps. Il y a également eu une nouvelle génération de jeunes réalisateurs, ayant grandi avec MTV et DBZ, qui est née de ça et qui s’est mise à faire des clips de rap pour YouTube. A cela s’ajoute la facilité d’accès à des outils normalement réservés aux grosses productions, type drones, gyrostabilisateurs, travellings… Grâce aux geeks de l’image qui se sont réappropriés cette machinerie lourde par des innovations toujours plus astucieuses et économiques, ça a donné une esthétique plus pro. »
Ces nouvelles technologies ont également donné naissance à de vraies collaborations entre clippeurs et rappeurs. Ainsi, PNL travaille essentiellement avec Kaméraméha et Mess, Chris Macari pose sa patte sur les vidéos de Booba, Syrine Boulanouar façonne depuis quelques temps l’identité visuelle du crew 1995 et, de manière plus underground, DTF semble avoir choisi Montmartro comme réalisateur attitré. En plus de projets aux côtés de MZ et Joke, Kevin El-Amrani a lui aussi développé une longue collaboration avec Alkpote. S’il se dit ravi de voir les réalisateurs considérés à leur juste valeur actuellement, il sait également le chemin qu’il reste à parcourir pour repousser les limites formelles de la vidéo et tenter de nouvelles expériences :
» Si on regarde Ténébreuse Musique et Tourbillon d’Alkpote, deux clips réalisés avec moins de budget que celui pour la MZ, signé en édition, on remarque qu’ils sortent clairement des sentiers battus. Pas parce qu’ils sont profondément originaux, mais parce qu’ils prouvent que l’on peut faire beaucoup avec peu d’argent et parce que c’est encore trop facile d’être à la marge en ce qui concerne les clips de rap. »
La course aux likes
Ces derniers mois, on ne compte pourtant plus le nombre de propositions originales assumées par les rappeurs français dans des styles de clips très différents. Vald (Gizeh), Seth Gueko (Val d’oseille), Kaaris (C’est la base) ou même Casey (Places gratuites), tous, malgré des budgets limités (le clip de Mon Pote a par exemple été réalisé pour 3 000 euros à peine), ont fait le choix de développer une vraie identité visuelle. Par velléités artistiques, mais aussi par nécessité marketing.
» Depuis quelques temps, le nombre de vues et de likes est devenu une donnée presque aussi importante que les ventes d’albums pour se vendre aux tourneurs ou aux radios. Par extension, le clip est donc devenu un outil indispensable, et cela nous pousse à mieux réfléchir leur image, leur direction artistique et le gimmick qui fera que le clip buzzera », développe Francis Cutter, qui en profite pour conclure. Mais ce sont finalement des challenges positifs qui permettent naturellement au genre d’évoluer, d’être toujours en mouvement. »
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