L’industrie musicale prend un coup de vieux, la France semble étroite et la violence n’a plus de genre. Bienvenue dans le monde de Kekra.
A une époque où l’impudeur s’affiche sur Instagram et les procès au tribunal se filment par réflexe sur l’application Snapchat, ce nouveau venu dans le monde du rap préfère rester discret. « Je ne veux pas qu’on s’attarde sur moi, c’est ma musique qu’il faut écouter. » Kekra ou Crack, parle peu de lui et son identité tient en une poignée de mots : il vient de Courbevoie dans les Hauts-de-Seine.
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De son quartier, derrière les tours de la Défense, jusqu’à Phuket en Thaïlande, en passant par la Belgique, il s’affiche dans ses clips avec un masque de chirurgien sur le nez et cache ses yeux derrière d’épaisses lunettes noires. En moins d’un an il diffuse une multitude de titres sur internet sous forme de mixtape « tout est gratuit, je rends les gens accros avant d’augmenter la qualité et le prix. »
Une manière d’aborder l’industrie musicale comme un business. Diffusé pour la première fois sur le site OKLM de Booba, celui-ci le valide sur les réseaux sociaux en s’affichant dans une vidéo en train d’écouter Kekra dans son lit. Quand la plupart des nouveaux rappeurs seraient prêts à ouvrir leurs veines pour avoir la bénédiction du D.U.C, l’homme masqué répondra à cette dédicace dans une interview par un : « Je le remercie, c’est gentil« .
« Young Thug, c’est de la pop musique »
Les composantes du succès ? Des titres construits avec des refrains entêtants, un rythme trap américain dansant et des couplets aux paroles imagées. Pour Kekra « poser des lyrics sur des beats, ce n’est pas un problème« . Il réussi à faire bouger les corps de ceux qui ne connaissent ni le rap français, ni la trap. Pourtant, il n’a pas baigné dans la musique : « j’ai juste commencé par des freestyles entre potes, j’ai compris que ça marchait plutôt bien et je me suis dit que je pouvais en faire un métier. C’est moins risqué que d’autres business. »
De son image et sa parole entièrement contrôlées transpirent un tempérament déterminé a être autre chose qu’un simple rappeur.
« On appelle ça du rap parce que c’est le style prédominant mais c’est au delà du rap. La France est juste en retard pour appeler ça autrement, elle a besoin de case pour se repérer. Regarde ce que fait Young Thug c’est de la pop musique, tout le monde l’écoute même les petits blancs de New York dansent dessus. », explique-t-il avec une voix calme.
« La violence n’a plus de genre »
Sur ses trois mixtapes aucun featuring n’est à déclarer. Kekra ne se mélange pas. VREEL son dernier projet, contraction de vrai et réel, annonce une étape supérieure. Kekra fait « gronder l’akrapovic« , un pot d’échappement puissant, pour se dévoiler d’avantage et laisser son « 80- zedou » de côté. En image, il troque les google views de son quartier pour des travellings en noir et blanc. Dans Pas Joli, premier clip extrait du projet, trois jolies filles de cité montent dans la voiture d’un homme plus âgé. Il les emmène chez lui, elles semblent vulnérables et la situation s’inverse.Les filles le droguent, le frappent et le dépouillent. Son clip a été visionné plus d’un million de fois sur Youtube.
« J’ai voulu souligner que la violence n’a plus de genre. Ces filles existent, elle marchent en gang et elles sont aussi violentes que les garçons, un peu comme dans le film Bande de Filles. »
Kekra fait référence au film de Celine Sciamma en ajoutant « c’est bien qu’elle parle de ces zoulettes de banlieues. » Son charisme à l’épreuve des balles touche un public prêt à le promouvoir sur les réseaux sociaux par des : “lourd” ou “ça se voit Kekra il ment pas”. Une sorte d’héros urbain venu d’une banlieue qu’il connaît et qu’il veut élever avec lui au fur et à mesure de ses productions. “On m’a déjà proposé de faire du cinéma mais j’ai répondu non, je suis pas comédien moi.” Une révolution en marche à lui tout seul. Il sera le 27 mai au Social Club pour la sortie de VREEL.
Selena Theret
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