La chanteuse de Chairlift en solo : du merveilleux, du féerique parfois. Critique.
Qu’y a-t-il derrière le mur du son ? Qu’y a-t-il pour nous attendre après la mort ? Peut-être cette chanson, Arcadia, qui ouvre l’album de Ramona Lisa. Car cette chanson, qui démarre dans un chaos de cloches qui finissent par sonner le glas à l’unisson, avant de respectueusement fermer leurs lèvres pour laisser la place pâle à un chant d’ange insurgé, eh bien cette chanson n’existe pas sur terre. Après cette merveille ingénue, la pop redevient un peu plus normale, joueuse et instable, mélangeant langueurs électroniques et voltiges lyriques comme le font si bien les filles de ce siècle. “Normale”, autant que peut l’envisager Ramona Lisa (Caroline Polachek dans l’ancienne vie), qui a déjà largement étiré les textures, limites et règles de la pop-music avec son groupe Chairlift, où elle n’a jamais confondu audaces et cascades vocales avec concours d’amygdales de Castafiore.
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C’est la voie escarpée de leur génial single Amanaemonesia, précipité de pop et d’avant-garde à la recette toujours incertaine, qu’emprunte l’Américaine en solo. Mais la vue est nettement moins brumeuse, plus dégagée sur cet album resplendissant, qui s’éloigne du clinquant eighties et des exercices de style parfois trop forcés de leur dernier album, Something (2012). Il suffit parfois d’un violoncelle ou d’un orgue aquatique pour dessiner les volutes (on hésite à parler de mélodies, tant elles sont débridées), mais solo ne signifie jamais vœu de pauvreté chez Ramona Lisa : exubérante et maximale, sa pop suit sa voix, qui dicte les humeurs et hauteurs. Un parcours accidenté et parfois glissant, mais qui révèle plusieurs paysages totalement inédits, où des palmiers poussent sur le permafrost. Comme chantait Bashung, qui en connaissait un rayon dans ces musiques d’outre-Terre : “Un jour j’irai vers l’irréel”. Elle l’y attend.
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