Un duo de jazzmen rêveurs s’empare avec grâce d’un répertoire folk-rock idéal. Cet album est un modeste miracle.
Discret, Michel Benita (compagnon tour à tour de Daniel Humair, Archie Shepp, Enrico Rava, Jean-Luc Ponty ou Charlie Mariano, quand même) l’a toujours été, se contentant, lui qui a été contrebassiste de l’Orchestre National de Jazz, de s’imposer quiètement depuis vingt ans comme l’un des instrumentistes
de jazz européens les plus doués. Quant à Manu Codjia, jeune guitariste multicarte aussi à l’aise aux côtés de Michel Portal que derrière Erik Truffaz, il incarne, sans ostentation, la jeune pousse des six-cordes hexagonale. Mais le plaisir extrême naît, non seulement de la somme de ces parties, mais bien
du projet de revisiter quelques incontournables du folk mondial. Des origines celtiques constatées (Planxty) au Saxon éternel (Bert Jansch), en passant par la tradition mexicaine (on croise même des mariachis), le bluegrass ou une merveilleuse relecture du Round & Round de Neil Young, le panorama ne se veut pas exhaustif, mais bien sensible et personnel. Les phrasés languides de
la guitare musent et s’amusent donc, au sein de thèmes inscrits dans l’inconscient collectif, soutenus par la rondeur, la chaleur compréhensive de la contrebasse. Le Farewell Angelina de Dylan, porté par des cris de manifestants en une mise en ondes “madeleine de Proust”, constitue par sa délicatesse le chef-d’œuvre du disque. Naturellement, seuls les imbéciles se demanderont
si ce n’est plus du jazz, et pas encore du folk. Et Benita de rappeler cette déclaration faite à Dylan par Thelonious Monk : “You know… We all play folk
music”…
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