Croisés notamment en première partie d’IAM, les Canadiens de Radio Radio font du hip-hop en Acadien, et le font rudement bien : interview au long cours d’un groupe au croisement de tout, à la langue unique, de types absolument drôles et résolument passionnants.
Et pour rester dans les métaphores vous diriez quoi du prochain disque, sur lequel vous travaillez en ce moment ?
Gab : La lévitation. C’est encore plus léger. Mais chaque membre du groupe a ses propres métaphores.
Jacques : En plus on est tellement différent, je veux dire on est trois à faire l’album, avec Alexandre sur la production, ses influences musicales. Moi et Gabriel on est comme jour et nuit. Il y a un chauffeur de taxi à Montréal qui nous a dit qu’on n’était pas compatibles, parce qu’il avait un petit livre qui évaluait que nos anges n’étaient pas compatibles. Il disait qu’il ne comprenait pas qu’on soit même amis, parce qu’on n’est pas compatibles, on n’a rien en commun, mais en même temps on se complète car on est ying et yang. Ses valeurs, mes valeurs. Nos opinions ne se rejoignent pas, mais on trouve un point en commun. On peut se disputer pour des heures sur quelque chose qui n’a pas rapport. Notre nouveau batteur est avec nous en tournée, et on s’est engueulés pendant peut-être deux heures pour déterminer si les réactions venaient du cœur ou du cerveau. Ce n’est pas des chicanes , on ne se dispute pas sur l’argent ou sur nos chansons, c’est sur le coeur ou le cerveau, ça n’a pas d’incidence sur notre vie comme tel, mais en même temps ç’a créé le côté émotif qu’on sort une réaction, on est ying et yang, on se complète. Autant on se déteste, autant on est en amour l’un avec l’autre. On ne se déteste pas vraiment, là !
Gab : Le prochain album, comment je le vois, c’est que j’exagère quasiment sur le côté New-age.. Je me baigne dans ces trucs de physique quantique, l’intangibilité de tout, et moi comme je le vois il y a une sorte de New-Age pop. Souvent les new-age c’est un peu lourd, existentiel, tannant à écouter, mais avec le pop ça va être léger. Moi j’aime les métaphores : Le premier album, Cliché Hot ; c’était des basket, Belmundo Regal c’était des deck shoes, et le troisième album c’est nu-pieds. Je pense que tu commences un peu mon approche à la vision du disque. Les souliers c’est juste une métaphore. Ça n’a rien à faire avec le matériel comme tel, c’est juste l’essence du truc.
Jacques : Ce n’est pas non plus superficiel. Sur Belmundo, par exemple, Guess What traite de l’homophobie. Techniquement, selon les préjugés de la Bible Belt aux EtatsUnis je suis gay. Je ne suis pas homosexuel du tout, j’ai tellement vie de sexe tout le temps que ce n’est pas ça, mais selon leurs critères je devrais être homosexuel et on devrait tous l’être. C’est une chanson qui traite de ça. Les gens vont rire, mais ils vont comprendre le message. Sur le prochain album il y a une chanson qui parle de la guerre. Comment aborder un sujet comme la guerre ? Tu peux le faire très sérieusement et essayer de faire réfléchir les gens, ou tu peux le faire de façon plus légère et les gens vont réaliser quand même. Je pense qu’avec notre humour on a la possibilité de prendre des sujets qui sont plus difficiles à approcher, et on le fait à notre façon. Il y a des chansons qui sont sérieuses mais traitées avec légèreté, et il y en a qui sont légères, mais traitées avec sérieux.
Gab : Il y a une expression qui dit « Si tu veux changer quelqu’un ; fais le rire sinon il va te pendre. » L’humour a toujours été une façon efficace d’emmener les choses. C’est sûr qu’il faut prendre cinq minutes pour lire nos textes et penser au second degré pour le voir, sinon les gens pensent qu’on fait juste parler de jacuzzi. Je pense que les gens en ont un peu marre de l’approche militante des années 50-60-70. Tout le monde sait qu’il y a de la bullshit partout. On est là pour proposer quelque chose de mieux, pour aborder les sujets plus politiques ou tabous avec recul, avec de la distance. Regarde Kenny-G Non-Stop : Kenny G c’est un gars qui apporte les émotions fortes avec légèreté avec son sexy saxophone. Il y a la sagesse qui dit « aborde les choses sérieuses avec légèreté et les choses légères avec sérieux, et nous c’est ce qu’on veut faire. On est très sérieux à propos d’avoir du fun.
Jacques : Comme la politique au Canada en ce moment, c’est juste drôle !
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Qui fait quoi exactement dans le groupe ? Est-ce que c’est encore Alex qui fait les productions tout seul ?
Jacques : Oui. On donne notre opinion, bien sûr, mais c’est vraiment lui qui a presque carte blanche sur tout : production, musique, son.
Gab : C’est lui le génie derrière la musique.
C’est quoi exactement le livre de recettes qui allait avec Belmundo Regal ? Est-ce que c’était juste sur Internet ?
Gab : ça allait avec toute la thématique de Belmundo, de prendre son temps, de bien respirer, bien manger, un style de vie plus sain, et on a décidé de sortir un livre de recettes qui nous ont été inspirées par Belmundo : des recettes de l’Acadie, des recettes inspirées par Montréal, par Outremont (NDLR : quartier chis de Montréal, qui fait très français), puis ce qui est très cool aussi c’est qu’au début on a mis des suggestions de style de vie, comme comment préparer un souper pour les amis, avec le musique, les chandelles, prendre le temps, pas de portables sur la table. C’est un livre qu’on pouvait acheter, mais il y a aussi quelques recettes sur notre site. Je pense que l’essentiel dans tout ça c’est d’apprécier le moment, apprécier les gens, la nourriture. Quand on est présent dans le moment présent c’est là que toute la beauté de l a vie refait surface. C’est comme un bon jam (bœuf), une bonne conversation, faire l’amour, te faire embrasser par ta mère, tout ça c’est être dans le moment et c’est là que tout sent bon , tout goûte bon, tout feel bon, tout sonne bien.
Dans ce contexte-là, le truc que vous avez fait avec ARTV d’aller dans un monastère (NDLR : une série documentaire actuellement en production pour laquelle ils emmènent des groupes dans un contexte qui est supposé leur être vraiment étranger), ça cadrait plutôt bien avec votre philosophie…
Jacques : En fait ça montre vraiment les personnalités du groupe. J’ai hâte de voir le produit final, parce que pour moi c’était presque un cauchemar. Ce n’est pas quelque chose qui m’a donné du plaisir, mais c’est quelque chose que je suis fier d’avoir fait parce que je ne l’aurais pas fait sinon. Moi tout ce que je peux faire qui serait différent de ce que je fais normalement je vais le faire même si je sais que ça va être horrible. Mais ç’a fini par être intéressant. Leurs valeurs, leurs personnalités face à leur religion, je suis presque contre plusieurs choses, mais de personne à personne, les esprits de vie, leur joie de vivre, leur façon d’être, gentils, contents, on a ça en commun. Donc d’individu en individu, parfait, c’était une belle aventure, on s’est fait des amis. Mais les valeurs et tout, je ne suis pas capable.
Gab : Quand tu es habitué de boire de l’eau toute la journée, même au dessert… il y a comme une grosse courbe.
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