Croisés notamment en première partie d’IAM, les Canadiens de Radio Radio font du hip-hop en Acadien, et le font rudement bien : interview au long cours d’un groupe au croisement de tout, à la langue unique, de types absolument drôles et résolument passionnants.
Pour les Français qui ne connaissent pas du tout l’Acadie, qui a quand même une histoire super complexe, est-ce que vous pouvez faire une genre de synthèse ultra rapide ?
Jacques : On était en France, on était français ou mélangés avec d’autres pays, la France est complexe comme telle, avant même qu’on arrive en Acadie c’est complexe avec les gens qui arrivent de partout… Anyways ils se sont mis ensemble, et ils ont décidé de faire une colonie francophone en Amérique du monde – Le Nouveau monde, c’est-à-dire la Nouvelle-Écosse et un peu de Nouveau-Brunswick. L’Acadie c’est devenu un peu plus mais c’est devenu plus complexe plus tard… Mais pour le faire plus simple, On était des Français qui sont allés en Acadie, qui était la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick dans le temps, puis les Français et les Anglais se sont battus pour plusieurs années après qu’on était déjà établis là pour plusieurs années, on s’est lié d’amitié avec les autochtones, on était pas mal best bud, on était des bons amis, puis après ça les Anglais ont décidé que soit on prenait les armes contre les français, soit ils nous envoyaient à quelque part d’autre. On ne voulait pas prendre les armes alors ils nous ont mis sur des bateaux et mis un peu partout un peu du monde. Donc en Angleterre, aux États-Unis pour nous assimiler en Anglais, ils nous ont expulsé, ils ont volé nos terres. Plus tard ils nous ont laissé entrer dans le pays et avoir des terres pas fertiles alors on s’est tourné vers l’industrie de la pêche, tout ça, et maintenant on est plus ou moins un peuple dispersé un peu partout dans les maritimes, où on est une minorité mais qu’on vit quand même dans notre langue maternelle qui est le français, et on est une culture accueillante. Oui c’est arrivé, c’était tragique, c’était triste, mais en même temps on est un peuple content. Donc pour faire un court résumé : On est arrivé de la France, on s’est mis en Acadie, ils nous ont mis sur des bateaux, on a crissé notre camp, on est arrivé on est encore là.
Gab : Et la mythologie de l’Acadien, de la façon dont je vois ça, c’est qu’en 1604 quand les Français sont partis pour créer le nouveau monde qui est l’Acadie, c’était la chasse aux sorcières, et c’est du monde qui est un peu tanné du statut quo, des institutions, de l’église, donc dès le début c’est du monde qui voulait se libérer de toutes les contraintes sociétales, et ils avaient une vision d’un nouveau monde, d’un nouveau pays avec des terrains. C’était l’aventure. Donc dès le début c’était des gens qui se délaissent un peu de leur matériel, qui cherchent l’aventure, c’est du monde du voyage, et comme il dit pour les premières trente années il n’y a pas de femmes françaises qui sont venues dont tous les Acadiens se sont métissés avec les Autochtones, et on était un peu le début de l’Amérique et du métissage qui commençait entre l’Europe et les Autochtones, et 150 ans après ç’a été aux mains des Français puis aux mains des Anglais, les Anglais ont eu le terrain et on ne voulait pas signer un papier disant qu’on se battrait pour les Anglais et ils nous ont déportés, mais on est revenus, on est restés là, on s’est cachés dans les bois, on a grandi avec les Anglais, avec notre rapport avec les Autochtones, qui est un peu notre côté.. on a toujours une nostalgie de la nature, une nostalgie des bois. Pour l’Acadien c’est comme la mer et les bois. Beaucoup d’Acadiens ont le rêve de vivre dans les bois à la fin de leurs jours ou au bord de la mer.
Jacques : je pense que c’est le trip des Amériques. Soit tu es un gars de mer soit tu es un gars de terre. Tu grandis avec la mer ou avec la terre. Par chez nous c’est la mer, tandis que l’ouest c’est la terre, ils ne connaissent pas la mer.
Gab : Comment je le sens moi, c,est que quand j,arrive en Europe je me sens un peu comme le gypsy. Parce qu’en France il y a un peu cette longue histoire de tradition et de façon de faire les choses, tandis qu’en Amérique et en Acadie, et l’Acadie en gros c’est un peu la première société et communauté américaine, qui était un peu basé sur le do it yourself, c’était un peu «débrouille-toi avec ce que tu as», tu peux créer quelque chose de rien, il n’y a ^pas la lourdeur administrative, la paperasse. Et il y a toute la folie de la Louisianne, de Brooklyn, de New-York, qui fait en sorte qu’on est un peu mal élevés, mais on est fiers d’être mal élevés. Parce qu’être mal élevés c’est un peu comme être sur-cultivés. Partout où je vais je sens qu’on est un petit peu trop fou et qu’on a un peu quelque chose de… et sur la scène, dans notre musique, dans le concert, on amène quelque chose de… et ce qui est dangereux c’est que quand tu es fou mais que tu es en nombre tu t’en fous vraiment parce que tu es en groupe, on s’encourage chacun les autres, alors quand on débarque à quelque part on finit toujours par faire un peu de stir (brasser les choses, faire sensation..)
Jacques : Je pense que le résumé c’est « Quand tu n’as rien apporte tout ce que tu as ».
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Je me trompe ou les Acadiens n’ont jamais vraiment voulu se positionner entre les Anglais et les Français ?
Gab : Non on était plus neutres…
Jacques : Ben non plus tard il y a des gens qui ont voulu s’associer à des causes, mais au début on voulait rester neutres avec els Autochtones.
Gab : On n’était pas des Français, on n’était pas des Anglais, on était des Acadiens. 4 ou 5 générations plus tard, tes racines françaises… La majorité des Acadiens qui sont encore sur place n’ont jamais été en France, je dirais presque 90% sinon plus n’ont jamais été en France, sinon plus, ils n’ont pas d’affiliation avec la France ni avec l’Angleterre, la majorité sont des métis, n’ont pas cette connection avec le vieux monde. On était plus associé avec les Amérindiens, mais avec toutes les belles cultures Amérique du nord il cherchent les Amérindiens… la grosse scalp hunt… c’est ça qu’ils ont fait.
Et votre vision de ça à vous ? Il me semble que j’ai lu un truc où vous parliez d’une vision de l’Amérique sans frontière.
Jacques : Ouais les maritimes c’est chez nous, mais moi chez nous c’est vraiment mon village, la Nouvelle-Écosse. Chez eux j’assume que c’est plus Moncton ou Nouveau-Brunswick, mais en même temps partout aux maritimes il y a des petites places qui me font penser que je suis chez nous, partout dans le Maine il y a des places qui me font le même effet, en Louisiane aussi, donc il n’y a pas vraiment de frontières. On a notre chez-vous personnel, «home is where the heart is», comme ils disent, mais à la fin de la journée on peut se mettre n’importe où et avoir un chez nous.
Gab : Je pense que où l’esprit collectif et la mémoire collective de la planète s’en vont, c’est qu’on est porté sur la citoyenneté globale, et encore plus que ça, personnellement la façon dont moi je vois ça, et c’est ça qui me donne le plus d’énergie, j’ai beaucoup tripé sur… mon mythe personne et l’identité qui fait en sorte que je suis là aujourd’hui a beaucoup été bâtie sur le mythe acadien et l’histoire acadienne et comment on était des personnes qui ont voulu se libérer de contraintes pour vivre comme ça, avec l’esprit de feu, mais maintenant je cherche encore plus creux dans mes racines, et ce que je vois beaucoup sur la planète, et je lis beaucoup par rapport aux connections cosmiques, au fait que la planète est juste une maison d’humains, et qu’on fait partie des astres, et je pense que c’est là qu’on s’en va. Pour moi c’est notre descendance, c’est nos ancêtres astraux, et je pense que c’est ce qui fait en sorte qu’on est tellement petits et connectés, et je pense que pour moi l’Amérique c’est un pays, c’est une chose, mais c’est vraiment le monde et je pense que c’est ça qui est l’identité ultime. On va se trouver tous sur le même bateau, la planète c’est une maison, et je pense que plus tes racines sont creuses et profondes, qu’elles s’encrent loin dans le temps, plus ton tronc et tes feuilles peuvent être plus vertes et avec plus de fleurs, et que ça grandisse et que le monde puisse jouer dessus et grimper dessus.
Jacques : T’es vraiment bon dans Space race.
Gab : Donc pour moi l’identité grossit. On a bâti une identité qui est beaucoup plus large, beaucoup plus solide et inspirante
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